Vers une solution européenne pour remplacer le VBL ?

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Rarement évoqué à l’échelon ministériel, le remplacement du VBL pourrait faire l’objet d’une coopération européenne. C’est en tout cas le souhait exprimé hier par la ministre des Armées Florence Parly, en réponse aux questions soulevées par la vulnérabilité de certains matériels face aux engins explosifs improvisés.

La question de la vulnérabilité du VBL est à récemment revenue sur le devant de la scène suite au décès de cinq militaires français déployés au Sahel. « Beaucoup des pertes que nous avons subies [au Sahel] l’ont été dans le cadre de l’utilisation de ces véhicules, qui comme son nom l’indique sont des véhicules blindés léger », rappelait Florence Parly devant la Commission défense de l’Assemblée nationale.

Militaires et industriels planchent donc sur le renforcement de la protection des VBL depuis 2018. Selon la députée Sereine Mauborgne (LREM), « une solution technique a été trouvée et les kits de renfort commandés, homologués et livrés. Les régiments de matériel sont prêts à modifier leur rythme de travail, à concentrer leurs efforts pour réaliser cette nouvelle adaptation qui répond aux menaces d’engins explosifs ». Le déploiement de ces VBL « plus durcis » au Sahel interviendra « au premier semestre de cette année », assure la ministre des Armées.

Cette solution transitoire est néanmoins conçue pour opérer la jonction jusqu’au remplacement du parc, au-delà de 2025. Les militaires en OPEX devront dès lors encore patienter avant d’être dotés d’une nouvelle plateforme qui, élément nouveau, pourrait être le fruit d’un développement européen. « Nous travaillons à plus long terme sur un programme d’un véhicule blindé un peu plus lourd dont nous souhaiterions qu’il puisse être conduit en coopération européenne et en nous appuyant sur les financements du Fonds européen de défense [FEDef] », révélait Florence Parly.

Difficile, au vu du contexte, de ne pas penser au véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE). Ce VBAE, la DGA le définit aujourd’hui comme un « petit véhicule spécialisé très mobile, furtif et protégé ». Cette plateforme de la classe des 8 tonnes disposera de capacités d’acquisition, d’agression et d’autodéfense grâce à des kits de surprotection. Toujours selon la DGA, son équipage se composera d’un pilote, un chef de bord et un cavalier porté. Il pourra accueillir un passager. Au rang des atouts recherchés : la mobilité stratégique et tout terrain, la furtivité, un armement puissant grâce à une variante « agression », des capteurs performants, une prédisposition à la robotisation, etc.

Ces quelques mots de la ministre des Armées, bien que relatifs à un tout autre contexte, surviennent à un moment clé de la construction d’une Europe de la défense. Le FEDef est enfin sur les rails malgré une amputation sensible de l’enveloppe initialement proposée. Les 8 Md€ promis financeront notamment une nouvelle vague d’appels à projets lancée cette année dans le cadre de la Coopération permanente structurée, une quatrième vague dans laquelle pourrait venir s’inscrire le VBAE.

Un VBL de l’armée de Terre déployé au Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane (Crédits : EMA)

S’il se concrétise, l’un des enjeux de ce projet sera d’accorder la vision française avec celles exprimées par les autres nations. Un alignement qui pourrait s’avérer complexe avec des armées aux attentes et logiques d’emplois différentes, et plus naturel avec d’autres. Du côté belge, par exemple, le VBAE est depuis longtemps évoqué comme un axe de coopération supplémentaire au sein du partenariat CaMo. L’existence d’un projet d’ancrage européen du VBAE avait d’ailleurs été attestée l’an dernier par un membre de l’équipe CaMo.  

Paris et Bruxelles coopèrent d’ores et déjà dans plusieurs programmes de développement européens. Deux d’entre eux présentent des synergies avec le VBAE tel qu’il est défini par la France. Il s’agit d’iMUGS, plateforme robotisée européenne dont l’architecture modulaire et évolutive pourrait servir à la robotisation du VBAE. BLOS (Beyond Line Of Sight) ensuite, conduit par MBDA en coopération avec 10 partenaires, dont cinq belges. Ce dernier contribue à définir une capacité européenne de tir au-delà de la vue directe sur base du missile MMP. De par sa fonction de désignation de cible sous blindage, le VBAE aurait ici aussi un rôle à jouer.

L’implication de la Belgique apporterait non seulement de la charge de travail pour sa BITD, mais permettrait aussi à la Composante Terre belge de s’aligner sur la doctrine française. Le successeur du VBL conservera en effet un rôle central dans l’accompagnement des futurs engins de cavalerie, les Leclerc XLR (puis MGCS) et Jaguar. Pour les cavaliers belges, il serait alors impératif de disposer d’un véhicule de « type VBAE » capable de jouer un rôle identique en appui des 60 Jaguar commandés par la Belgique. Au risque, en cas d’échec, de devoir concevoir une doctrine d’emploi « belgo-belge » du Jaguar, en contradiction avec la logique de rapprochement prônée par CaMo.

Si l’adhésion de la Belgique à un tel programme ne « coûterait » rien, reste définir une ligne budgétaire pour le développement et l’acquisition de la plateforme. C’est là le hic : ces financements ne sont pas pris en compte dans la Vision stratégique de 2016. Celle-ci doit cependant faire l’objet d’une adaptation dont les résultats sont espérés pour septembre, mise à jour ouvrant une fenêtre d’opportunité pour la prise en compte de nouveaux besoins capacitaires.

Image : DGA/ministère des Armées