L’Europe lance une nouvelle vague de 14 projets PESCO

Crédits : AED

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Comme annoncé depuis plusieurs jours, le Conseil de l’Europe a adopté aujourd’hui une quatrième vague de 14 projets de R&D menés dans le cadre de la Coopération permanente structurée (PESCO). L’investissement de la France est une nouvelle fois majeur, à quelques semaines de prendre la présidence tournante de l’Union européenne. 

Atteindre l’IOC à horizon 2025

« Avec ces 14, ça fait 60 », rappelait hier le haut représentant de l’Union pour la politique étrangère et de sécurité, Josep Borrell, en conférence de presse. « Le fait qu’on est capable de bâtir 60 projets capacitaires pour combler [les carences] des capacités que nous avons, je pense que c’est quelque chose de très important. Ce n’est peut-être pas très visible. Évidemment, ce n’est pas un défilé militaire mais c’est une façon de bâtir des capacités dans le domaine de la défense qui sont très importantes ». 

Le directeur de l’Agence européenne de défense (AED), le Tchèque Jiří Šedivý, relève pour sa part un « processus PESCO qui, avec l’examen annuel coordonné de la défense (CARD) et le Fonds européen de la défense (FED), commencent maintenant à créer des synergies indispensables pour que les États membres développent ensemble des capacités efficaces et rentables ». L’AED soutient actuellement huit projets PESCO et se dit prête à s’investir davantage. 

Cette nouvelle vague, la France y joue un rôle prépondérant. Elle coordonne quatre projets, essentiellement dans le domaine aérospatial, et participe à huit autres, contribuant à consolider sa position de nation cadre parmi les différents mécanismes européens. C’est aussi un message fort envoyé par Paris, qui prendra la présidence tournante du Conseil de l’UE durant le premier semestre 2022. 

Le lancement d’une cinquième vague est d’ores et déjà annoncée. L’appel à projets correspondant interviendra en juillet 2022 en vue d’une mise à jour de la liste en mai 2023. Parmi les 47 projets adoptés lors des trois vagues précédentes, l’un est officiellement clos (European Union Training Mission Competence Centre). Entre 24 et 26 des projets subsistants devraient atteindre le stade de la capacité opérationnelle initiale à l’horizon 2025, espère l’AED. 

Certaines technologies, dans l’entraînement et la simulation par exemple, sont développées plus rapidement que d’autres et peuvent aboutir à des résultats tangibles dans les trois à cinq ans. De premiers progrès sont par ailleurs constatés avec les équipes d’intervention rapide dans le domaine de la cybersécurité et le commandement médical européen, qui sont maintenant opérationnels. 

Dans la foulée, le Conseil a également adopté deux recommandations « fixant des objectifs plus précis pour la deuxième phase initiale (2021-2025) de la CSP et sur les progrès réalisés par les membres de projet dans la réalisation de leurs engagements ».

Centre de simulation et transport tactique

De tous les sujets retenus, seuls deux touchent directement au domaine terrestre. Près de la moitié relève du domaine aérien et aéroterrestre, dont certains sont susceptibles d’adresser des besoins exprimés par l’armée de Terre.

  • EU Military Partnership : ou « EU MilPart » vise à améliorer les capacités européennes d’engagement aux côtés ou en appui des forces armées d’un pays partenaire. Il pourrait à terme servir de plateforme d’échange des cultures, stratégies, informations et pratiques entre États membres et autres acteurs concernés. EU MilPart est coordonné par la France, qui a l’Italie, l’Estonie et l’Autriche pour partenaires. 
  • Main Battle Tank Simulation and Testing Center : piloté par la Grèce en coordination avec la France et Chypre, ce second sujet terrestre envisage la mise sur pied d’un centre de simulation dédié aux chars de combat à partir d’infrastructures existantes. Une structure qui aura pour objectifs, outre l’entraînement des équipages, la création et l’expérimentation de nouvelles tactiques, doctrines et concepts ; la définition des spécifications de nouvelles briques technologiques ; et le développement de nouvelles capacités de modélisation et de simulation. 
  • Strategic Air Transport Outsized Cargo : SATOC rassemble la France, la République tchèque, les Pays-Bas et la Slovénie sous bannière allemande. Programme majeur, SATOC entreprend de combler un trou capacitaire critique en matière de transport stratégique pour les matériels hors-gabarit. Une capacité de projection qu’aucune nation européenne ne possède, les forçant à recourir au pool d’appareils C-17 mis à disposition par l’OTAN ou à des prestataires privés. Ce projet adopte une approche en trois temps sur base d’un calendrier initial : identifier un nombre suffisant de participants, dont éventuellement des États tiers ; harmoniser les exigences de chacun d’ici à 2023 ; et finalement identifier et s’accorder autour d’une solution européenne commune à l’horizon 2026. 
  • Future Medium-sized Tactical Cargo : proposé et conduit par la France en coopération avec l’Allemagne et la Suède, FMTC doit venir accroître les capacités de transport tactique des armées européennes. Il se veut complémentaire des missions menées par l’A400M, y compris sur les pistes courtes et sommaires. Le sujet semble être dans les cartons de l’Armée de l’Air et de l’Espace depuis un moment. En juillet 2020, un rapport parlementaire consacré au rôle de la BITD française dans la politique de relance évoquait ainsi l’existence d’un projet de « futur cargo tactique médian » (FCTM) destiné à remplacer les CASA et C-130. Selon le rapport, Airbus travaillerait sur un appareil situé dans le segment capacitaire du C-130 mais reprenant certains éléments de l’A400M, dont les moteurs. Ce scénario été mentionné il y a peu par le délégué général pour l’armement Joël Barre, celui-ci confirmant lors d’une audition parlementaire que « certaines études sont en cours sur un A200M ». Selon le DGA, « il s’agit d’un bon sujet à traiter lors du prochain ajustement de la programmation militaire ». Un tel besoin est par ailleurs pour la première fois exprimé dans la documentation budgétaire pour 2022. Baptisée « Avion de transport d’assaut du segment médian » (ATASM), l’opération entend renouveler les flottes d’avions tactiques hors A400M d’ici à 2040.