Après un premier rétropédalage acté à l’Assemblée nationale, les cibles de véhicules SCORPION inscrites dans la loi de programmation militaire pour 2024-2030 sont cette fois rehaussées par l’entremise du Sénat. Une décision qui aura provoqué quelques remous dans l’hémicycle.
Porté par le président de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le sénateur LR Christian Cambon, l’amendement a été adopté ce mercredi malgré l’opposition stricte du gouvernement. Il fixe le report des livraisons à 15% des cibles totales, contre 30% dans la copie initiale, puis 21% pour le Jaguar et 23% pour le Griffon dans le projet adopté ensuite par l’Assemblée nationale.
Dans ce scénario, 153 Griffon, 17 Jaguar et 325 Serval seraient livrés à l’armée de Terre plus tôt que prévu, portant les objectifs à 2030 à, respectivement, 1590, 255 et 1730 véhicules. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la proposition aura été l’objet d’un débat particulièrement houleux. Les coûts supplémentaires, estimés à 1 Md€ par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, ne seraient en effet pas sans conséquences pour la programmation budgétaire des armées.
Pour Sébastien Lecornu, la cohérence doit continuer de primer. « Avec les chefs d’état-major, nous avons fait le choix de la cohérence non organique, mais opérationnelle, en partant des brigades, divisions et corps d’armée à créer, et de leurs besoins. Il y a des décalages, mais de un ou deux ans. Avoir des Griffon en plus, c’est bien ; construire les hangars qui les abriteront et avoir leurs outils numériques, c’est mieux. C’est cela, la cohérence », déclarait-il.
Le « gonflement » de la ligne SCORPION ne pourra se faire qu’au détriment d’autres investissements capacitaires, insiste le ministre. « Soit vous dépassez l’enveloppe, soit vous indiquez les évictions. Ce peut être un choix politique du Sénat : dans ce cas, il faut les proposer dans le tableau capacitaire, et je comprendrai la logique. Mais cet amendement alourdit la facture. (…) Supprimer la ligne drone permettrait de financer des Griffon. Or c’est sur ces segments qu’il faut mettre le paquet. C’est vieux comme Hérode : ajouter des dépenses coûte plus cher ».
Pour les partisans de l’amendement, hors de question de sortir de l’enveloppe des 413 Md€ promise par la LPM. Deux arguments prévalent selon eux. D’une part, gager ces besoins sur les 7 Md€ de recettes non provisionnés à ce jour. Et d’autre part, une lissage des marges successives, mécanisme également adopté en séance publique du Sénat, qui amène davantage de crédits en début de gestion. Des crédits que les sénateurs souhaitent mettent à profit rapidement plutôt que de les voir fondre par l’effet de l’inflation.
Qu’importe le levier, le pari est double : une inflation haussière et des recettes extrabudgétaires pleinement abondées. « Le Parlement a tous les droits, mais il faudra l’assumer, notamment en CMP », annonçait le ministre des Armées. « Nous l’assumerons ! », lui répondait Christian Cambon. Verdict autour du 6 juillet, créneau retenu pour réunir ladite commission mixte paritaire (CMP) autour du projet de LPM.