Exit TLVS, l’Allemagne se recentre sur le Patriot et la lutte anti-drone

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Exit TLVS, le renouvellement de la défense antiaérienne allemande se concentrera sur la modernisation du système Patriot et sur le programme LVS NNbS*. Une solution technique en deux temps présentée la semaine dernière aux parlementaires allemands et pour laquelle un trio 100% allemand s’est déjà positionné.

Recentrer le besoin sur la lutte anti-drone

Mardi dernier, le ministère de la Défense allemand détaillait les orientations futures de son parapluie antiaérien. Sans le dire, l’Allemagne enterrait par la même occasion le programme TLVS, par lequel le groupe européen MBDA et son partenaire américain Lockheed Martin devaient remplacer les batteries Patriot de la Bundeswehr.

Pour l’armée allemande, il s’agit de combler en priorité le déficit capacitaire constaté dans la défense à courte portée et très courte portée. En conséquence, « les couches d’interception de la défense antiaérienne (défense antimissile, défense aérienne et défense anti-drone) doivent être fusionnées au sein d’un système plus développé et plus efficace. L’objectif est de préserver et de moderniser graduellement l’entièreté du système de défense antiaérienne terrestre », soulignait le ministère de la Défense.

TLVS mis au placard, la Bundeswehr se concentrera premièrement sur la modernisation de ses batteries Patriot à partir de 2023 pour assurer leur maintien en service opérationnel au moins jusqu’en 2030. La décision équivaut à une victoire pour l’Américain Raytheon, qui craignait de perdre un client si le système TLVS était définitivement adopté.

La Bundeswehr maintiendra ses systèmes Patriot en service au moins jusqu’en 2030, excluant officieusement l’option TLVS de l’équation (Crédits photo : Bundeswehr/Francis Hildemann)

Dans un second temps, l’Allemagne envisage l’adoption d’ici à 2026 de nouvelles capacités en partie axées vers la lutte anti-drone. Cette étape se concrétisera par la qualification initiale du futur système LVS NNbS, appelé à remplacer des véhicules Ocelot quantitativement et qualitativement dépassés.

La décision ne fait pas l’unanimité parmi les parlementaires, certains critiquant l’incapacité de la ministre de la Défense Annegret Kramp-Karrenbauer à concrétiser des programmes d’armement pourtant urgents. Ceux-ci questionnent par ailleurs le volet financier de l’opération, le budget de la Défense ne contenant aucune ligne pour alimenter le plan dévoilé la semaine passée.

MBDA réduit les coûts, Rheinmetall en embuscade

La filiale allemande de MBDA s’y était préparée dès décembre 2020, mais le camouflet est néanmoins cinglant. Le missilier et son associé voient s’éloigner un marché évalué à 8 Md€. Seule « consolation », l’opération de rénovation des systèmes Patriot devrait lui être confiée, comme c’est déjà le cas actuellement.

« Dans ce contexte, nous avons de notre côté dû réduire les coûts sur cette activité », commentait hier Eric Béranger, à la tête de MBDA depuis juin 2019. Depuis 2015, le groupe a en effet investi plus de 150 M€ sur son fonds propres dans cet unique projet, « ce qui ne peut pas continuer ad vitam æternam ».

MBDA ne renoncera pas aux compétences acquises ces dernières années et compte bien « continuer à discuter avec le client allemand pour définir la meilleure manière de soutenir l’Allemagne dans ses objectifs stratégiques, pour développer ses capacités dans la défense aérienne ». Entre autres perspectives, le groupe pourra miser sur le programme européen TWISTER, à même de répondre à l’absence de moyens anti-missiles balistiques, missiles de croisière et autres cibles haut-supersoniques ou hypersoniques dans le nouveau plan allemand.

LVS NNbS tel qu’imaginé par un trio de candidats allemands (Crédits : Rheinmetall)

Cette refonte des priorités n’aura pas manqué d’attirer l’attention des industriels du cru. Une semaine après la sortie ministérielle, Rheinmetall, Diehl Defence et Hensoldt ont annoncé leur volonté de s’associer au sein d’une Arbeitsgemeinschaft (ARGE), version allemande du consortium, pour répondre au programme LVS NNbS.

Rheinmetall devrait se concentrer sur les volets mobilité, communication et intégration ; Diehl Defence sur les missiles guidés ; et Hensoldt sur les capteurs. Selon les premiers visuels dévoilés, la proposition de l’ARGE repose entre autres sur le missile IRIS-T SL(M) de Diehl Defence, qui devait constituer la couche d’interception inférieure du système TLVS.

*Luftverteidigungssystems für den Nah- und Nächstbereichsschutz