Comment Digital Crew de Thales réduit la boucle décisionnelle

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(Crédit photo: Thales)


 
Ballotés entre les exercices Baccarat et Celtic Uprise, nous avions failli passer à côté d’une pépite « Made in Thales » présentée pour la première fois au salon DSEI. Baptisé « Digital Crew », ce logiciel développé par la filiale britannique du groupe français utilise les capteurs optiques d’une plateforme pour détecter, identifier et classifier d’éventuelles menaces.
 
Bien qu’affutée par des années d’expérience et d’entraînement, la capacité d’observation des équipages ou opérateurs ISTAR n’est plus suffisante pour analyser efficacement la surcharge d’informations visuelles à laquelle ils sont confrontés. C’est pourquoi, dès 2015, Thales a planché sur un nouvel algorithme auto-apprenant destiné à « simplifier l’afflux d’informations pour l’utilisateur ». « Certaines plateformes utilisées par les forces armées anglaises sont dotées de 25 caméras, qui ne peuvent être toutes surveillées simultanément par les opérateurs. Cela produit trop d’informations, que vous aurez besoin de classifier pour ensuite déterminer quelle cible suivre en priorité, » nous explique Thales UK. Aujourd’hui achevé, le développement de Digital Crew a été soutenu par des financements octroyés par l’Australie, le Canada et le Laboratoire des sciences et technologies de la défense britannique (Dstl). Selon Thales UK, le système, bien que n’étant pas encore entré en phase de production, suscite d’ores et déjà un vif intérêt de la part des clients potentiels.
 
Une fois relié à un ou plusieurs capteurs EO/IR, Digital Crew va réduire la boucle décisionnelle en analysant en continu l’environnement proche et lointain du véhicule. Toute éventuelle menace sera détectée en moins d’une demi-seconde puis classifiée et signalée auprès de l’équipage par un cadre rouge. Le système va également instantanément fournir une série de clichés et suggérer un pourcentage de fiabilité du type d’objet détecté. L’algorithme derrière Digital Crew repose sur une base de données grâce à laquelle il va « apprendre » à placer automatiquement la menace dans une catégorie pré-établie. Armement, véhicules, humains armés, près de 1000 références ont été ajoutées à ce jour. Cette base de données peut bien entendu être enrichie par l’utilisateur final. En cas de menaces multiples simultanées, le logiciel est en outre capable de hiérarchiser les éléments pour pointer le plus menaçant en priorité. « Si l’équipage rencontre un véhicule de combat accompagné de plusieurs fantassins, il va logiquement mettre l’accent sur le premier, » souligne Thales UK. L’établissement de cette échelle de priorité reste du ressort de l’utilisateur.
 
Efficient de jour comme de nuit, Digital Crew peut aussi déterminer la distance et la position d’un objet l’aide de sa taille relative apparente, le logiciel tenant automatiquement compte de l’agrandissement dans l’évaluation des dimensions de la cible. Enfin, Thales UK ajoute un niveau de finesse supplémentaire avec le mode « personne d’intérêt » qui, grâce à l’algorithme de reconnaissance faciale, permet de cibler un visage déterminé sur base des images intégrées dans la base de données, « ce qui est tout particulièrement intéressant en environnement urbain ou au milieu d’une foule ».
 
« Rien n’est automatisé, » ajoute Thales UK, qui a tenu à « conserver un homme dans la boucle. Le système facilite la compréhension de la situation, l’opérateur décide ensuite d’utiliser ou non cette information pour effectuer une action ». Une fois l’information transmise à l’opérateur, celui-ci peut en effet demander au système de se concentrer sur un élément particulier en zoomant dessus pour affiner l’identification. Les informations recueillies peuvent ensuite être transmises à l’échelon hiérarchique supérieur, qui pourra les intégrer à son système d’aide au commandement pour parfaire son Blue Force Tracking. Voire, en cas d’association du système avec un effecteur, d’utiliser celui-ci pour « traiter » l’objet ciblé.
 
D’après les images présentées par Thales, Digital Crew est déjà passé entre les mains de l’armée britannique, qui l’a évalué sur base d’un ensemble de quatre caméras fixées sur un véhicule blindé Bushmaster. Il est par ailleurs possible d’intégrer ce logiciel sur des navires, des drones ou des aéronefs. La limite d’usage du système repose finalement sur le nombre, la résolution et la portée des capteurs. Au plus la plateforme en sera dotée, au plus Digital Crew sera en mesure d’offrir une image précise et fiable de la situation.