Energetics Technology, pari gagnant pour le groupe Etienne Lacroix

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Energetic Technology LTD (ETL), filiale britannique du groupe Etienne Lacroix, dévoilait cette semaine une nouvelle grenade à effraction de 40 mm à la fois plus efficace et plus sûre pour l’unité d’intervention. Commande initiale et récompense de la Défense britannique à la clef pour ETL, et un pari en passe d’être gagné pour l’industriel français.

Répondre à un trou capacitaire

Elle ne pèse que 280 grammes pour une quinzaine de centimètres, et pourtant cette grenade « représente un énorme défi technologique », explique le directeur d’ETL, Peter Jemmett, lors du salon DSEI organisé cette semaine à Londres. Un challenge technologique, mais pas seulement.

Derrière cette munition, un trou capacitaire identifié il y a environ quatre ans auprès de certains utilisateurs « spéciaux » par le Defence Science and Technology Laboratory (Dstl), principal organe de recherche de la Défense britannique. Une solution existe alors, mais n’a pas dépassé le stade conceptuel. Le Dstl va alors s’appuyer sur Ploughshare Innovations, spin-off créée en 2005 pour gérer les transferts de licence vers les acteurs privé, pour trouver une entreprise capable de passer du papier à une solution fonctionnelle. 

C’est ici qu’ETL entre en scène. Voici près d’une décennie que cette petite société du Derbyshire développe sa gamme de munitions de 40 mm avec pour volonté d’adresser les besoins des unités et forces spéciales. L’expertise technique est bien présente, ne lui manque que les finances. Son acquisition fin 2018 par le groupe Etienne Lacroix va changer la donne. La maison mère aura débloqué près de 250 000€ pour soutenir le projet, un investissement conséquent mais en cohérence avec une « approche groupe » prônée de longue date.

Annoncé avant l’été au salon SOFINS, le résultat est visible pour la première fois durant DSEI mais, « secret industriel » oblige, uniquement sous forme de maquette. Cette grenade d’un nouveau genre est conçue exercer une surpression sur un point précis de l’obstacle, une porte blindée par exemple, pour le déformer. Le design de la charge explosive, la fusée et le système de lancement permettent de réduire de moitié la quantité d’explosif nécessaire par rapport à une grenade d’effraction classique. 

In fine, ces propriétés diminuent les risques et autorisant l’équipe d’intervention à se rapprocher de son objectif. L’effet de fragmentation derrière l’obstacle est lui aussi minimisé, contribuant à éviter les dommages collatéraux. Cette concentration des effets rend la munition particulièrement intéressante pour les interventions en milieu clos. Elle est par ailleurs compatible avec la majorité des lanceurs actuels, y compris ceux conçus pour les grenades basse vélocité. « C’est une montée en gamme par rapport aux grenades de basse vélocité, sans pour autant recourir aux technologies complexes des munitions de haute vélocité », souligne Peter Jemmett. 

La grenade d’effraction développée par ELT, récompensée cette semaine par le Dstl (Crédits : Groupe Etienne Lacroix)

Les premières livraisons imminentes

L’aventure ne s’arrête pas là. Après avoir évalué positivement les capacités industrielles d’ETL, Ploughshare Innovations lui confie la propriété intellectuelle du produit en juin 2021. Cet accord de licence ouvre la voie de l’industrialisation et autorise la vente en Europe, au Royaume-Uni, en Australie, en Nouvelle-Zélande et, provisoirement, aux États-Unis. Les attentes sont fortes pour ces derniers car à lui seul, « le potentiel du marché américain est au moins aussi important que celui identifié pour le continent européen, » estime Peter Jemmett.

Dans la prospection aussi, l’approche groupe prévaut. « Nous pouvons développer et produire, mais Energetics étant plutôt petit et centré sur la technologie, il est bien plus efficace d’externaliser le marketing et la vente vers une autre entité du groupe », relève Peter Jemmett. 

La filiale britannique ne s’adressera qu’au marché national, tandis que l’équipementier Unitive, filiale française d’Etienne Lacroix, sera chargé de promouvoir le produit auprès des clients européens. « Unitive est très bien positionné grâce aux liens étroits établis avec les unités spéciales et aux relations existantes avec les fournisseurs. Il est donc parfaitement logique de leur confier les ventes Europe ».

Le marché identifié est ciblé donc limité, aussi l’entièreté de la production continuera d’être assurée par ETL. Hormis Lacroix, le projet profite cependant à un autre acteur de la filière défense française : DIXI Microtechniques, spécialiste de la mécanique de précision et fournisseur de la fusée de la grenade.

Grâce au socle financier fourni par Lacroix, ETL a su lancer la production d’un premier lot de 2000 exemplaires, effort nécessaire pour intégrer le marché. « Cela permettra aux utilisateurs d’acquérir de petites quantités afin de constituer des concepts d’emploi et de vérifier comment cette munition vient s’y insérer ».

L’entreprise a déjà enregistré plusieurs commandes pour des lots restreints acquis à des fins d’évaluation par une unité spéciale de la police britannique. Les premières livraisons auront lieu le mois prochain. Fort de ce premier succès, ETL mise sur d’autres contrats plus conséquents au premier trimestre 2022. Le cas échéant, Lacroix aura bel et bien gagné le pari de l’implantation sur le sol britannique.