LOADING

Recherche

WDS 22 : le droniste belge Sky-Hero à l’assaut de nouveaux marchés

Partager

Rares sont les entreprises proposant des drones capables d’évoluer en environnement clos. Plus rares encore sont celles ayant durablement percé auprès d’utilisateurs renommés de la défense et de la sécurité. Le belge Sky-Hero est de ceux-là. Après s’être faite un nom aux États-Unis et en Europe, cette société bruxelloise tente maintenant sa chance au Moyen-Orient. Rencontre avec son président, Yves Coppye, à l’occasion du salon World Defense Show organisé cette semaine en Arabie saoudite.

Il aura fallu moins de dix ans à Sky-Hero pour devenir une référence dans le segment de la petite robotique, quelles sont les origines d’un tel succès ?

Sky-Hero est fondé en 2013 et a été active dans le cyber jusqu’en 2015. L’Europe vit alors une vague d’attentats terroristes. Je collaborais alors personnellement avec des unités de forces spéciales depuis quelques années. Ces unités sont venues nous demander un coup de main. En écoutant leurs besoins, nous avons développé une première génération de drones, le Loki Mk 1. Cela nous prend une année, la conception étant réalisée en étroite collaboration avec les utilisateurs. Nous avons passé beaucoup de temps sur le terrain pour comprendre leurs besoins.

La première version commercialisable du Loki apparaît en 2016 et est présentée à Oslo au groupe Atlas, qui organise alors un workshop sur les drones indoor, ce qui correspondait à un nouveau besoin exprimé suite aux attentats intervenus peu avant. Notre solution a remporté haut la main les épreuves organisées durant ce workshop et c’est le début d’une nouvelle aventure pour Sky-Hero. Nous avons arrêté le développement vers le grand public pour nous concentrer sur la protection civile.  

Sky-Hero a reçu un coup de main de la région wallonne. En 2019, nous avons également bénéficié d’un investissement de 2 M€ consenti par le gouvernement belge au travers de la Société fédérale de participations et d’investissement (SFPI).

La commercialisation du Loki Mk 1 aura été un grand succès, avec vingt pays équipés en Europe. Et puis nous avons été introduits aux États-Unis auprès du FBI, alors engagé dans un programme d’acquisition de drones indoor. Il prévoyait à l’époque l’achat de drones DJI modifiés, piste qui sera abandonnée après que nous leur ayons présenté notre solution. Les Américains ont acheté le drone Loki Mk 1, nous les avons formés et, avec le FBI comme porte étendard, d’autres portes se sont ouvertes.

Un an plus tard, nous rencontrons Parrot et leur expliquons nos besoins et les solutions techniques qu’il nous manque. Parrot a décidé de collaborer avec nous, d’investir dans notre entreprise et de partager des briques technologiques. Une équipe d’ingénieurs a ensuite été mises sur pied sur Paris et sur Bruxelles en vue de créer la seconde génération du système Loki. Celle-ci est commercialisée à partir de 2020 et équipe depuis lors encore plus d’unités. Elle est en effet beaucoup plus facile à piloter, embarque plus d’intelligence, maintient sa position qu’importent les conditions et n’a besoin ni de GPS, ni de Wifi. Nous équipons aujourd’hui toute l’Europe et toutes les agences fédérales américaines.

Nous commençons aussi à équiper le Département de la Défense américain grâce un contrat décroché auprès des forces spéciales de l’US Marine Corps. Celles-ci déploient aujourd’hui notre système en opération. Nous avons fourni le Special Forces Group (SF Gp) de la Défense belge et commençons également à collaborer avec des unités de forces spéciales de l’armée française. Au total, nous équipons environ 1000 équipes ou unités d’assaut dans le monde, chacune dotée de un à dix systèmes.

Vous êtes l’une des deux seules sociétés belges à s’être déplacées jusqu’en Arabie saoudite, comment expliquez-vous votre présence au World Defense Show ?  

Maintenant que nous sommes bien déployés en Europe et aux États-Unis, l’objectif de l’entreprise cette année c’est de s’étendre vers de nouveaux marchés. Nous ne sommes par exemple pas du tout présents au Moyen-Orient. Participer à un salon est une bonne manière de comprendre les besoins locaux et de rencontrer un distributeur. Car, chez Sky-Hero, nous ne vendons pas directement le produit. Nous nous occupons du soutien et de la formation et laissons le relais commercial à un partenaire local, ce qui est d’ailleurs aussi le cas en Belgique.

L’intérêt est extrêmement marqué, c’est certain. Mais l’éducation à la robotique de petite taille est très différente par rapport à ce que l’on rencontre en Europe et aux États-Unis. Les pays du Moyen-Orient ont quelques années de retard et il y aura sans doute encore un travail de sensibilisation à réaliser pour pénétrer le marché.

Pour revenir au marché français, pouvez-vous détailler les clients et leurs spécificités ?

Nous équipons les forces spéciales des trois armées et celles des forces de sécurité intérieures. Le RAID et le GIGN sont à ce titre nos meilleurs ambassadeurs. Ils étaient parmi les premiers utilisateurs de la première génération de Loki et utilisent désormais beaucoup la deuxième génération.

Le micro-drone Loki Mk 2, élément parmi d’autres de l’écosystème conçu par Sky-Hero

Faut-il attendre un Loki Mk 3 ?

Bien sûr, mais je ne peux pas vous dévoiler les spécificités de cette troisième génération. Le Loki Mk 2, par contre, a pour autre particularité d’être intégré dans un véritable écosystème. Nous savons que dans une colonne d’assaut, il y a un spécialiste « tech » équipé de multiples systèmes pour fournir une information audiovisuelle au reste de l’équipe et au commandement. Or, aujourd’hui tous ces équipements ne sont pas conçus nativement pour travailler ensemble. Chacun a sa propre interface de communication, son propre écran, ses propres batteries. Ce que l’on propose, c’est donc une interface unique installée sur la station de contrôle portable GCS Mk 2 pour contrôler l’ensemble des matériels fournis par Sky-Hero, que sont le drone Loki, le robot léger Sigyn, une caméra-perche et tous les accessoires conçus pour venir se « plugger » dessus grâce au système d’emport universel.

Le tout 100% « maison » donc sans dépendance vis-à-vis de fournisseurs chinois ou américains ?

Tout à fait, nous ne dépendons d’aucune tierce partie. Le design mécanique, les développements hardware et software sont réalisés chez nous avant d’être assemblés à Vilnius, en Lituanie. Chaque système a sa ligne d’assemblage indépendante. Les produits assemblés sont ensuite rapatriés à Bruxelles pour composer les kits kits complets et vérifier leur bon fonctionnement sur des parcours de test en vue de leur livraison.

Pour répondre aux besoins de l’armée américaine, nous avons ainsi dû développer notre propre caméra. Le modèle repris jusqu’alors était fabriqué en Chine selon nos spécificités. Bien qu’elle n’enregistre pas de données et qu’elle ait franchi tous les seuils de qualification imposés par le client américain, nous avons consacré six mois pour concevoir une nouvelle caméra frontale 100% fabriquée en Belgique.

Au coeur de l' »environnement » Sky-Hero, une télécommande unique pour manœuvrer le Loki Mk 2 et son pendant terrestre, le robot léger Sigyn Mk 1

Entre la France, la Lituanie et la Belgique, Sky-Hero représente actuellement combien de salariés ? Quelle est votre progression annuelle et quelles sont vos perspectives en terme d’activité ?

Aujourd’hui, Sky-Hero emploie un peu plus d’une vingtaine de personnes sur Bruxelles. Nous grandissons, nous recrutons en permanence mais il n’est pas facile de trouver les bons profils en Belgique. Nous avons une équipe « software » en France, dernièrement agrandie d’une équipe « hardware » qui se concentre sur les cartes électroniques. Soit, cinq personnes en France. Et puis en Lituanie, le volume est variable car dépend du rythme de production. L’usine dans laquelle nous avons installé nos lignes d’assemblage nous fournit des employés qualifiés selon le besoin. Cela peut varier de 10 personnes à 50, voire 80 personnes s’il devient nécessaire de produire en masse.

En terme de chiffre d’affaires, nous progressons chaque année. De 2020 à 2021, nous avons progressé de 100% et nous projetons le même résultat pour cette année. Sky-Hero est une entreprise qui se porte bien, qui ne perd plus d’argent et qui recrute. Nous espérons engager au moins 10 profils seniors cette année, le nombre de profils juniors envisagés dépendant des projets en cours et de leur taux de maturité. Nous venons d’ailleurs de recruter deux seniors.

Vos systèmes évoluent, s’adaptent et intègrent de nouvelles capacités. Vous restent-ils des obstacles techniques à franchir ?

Actuellement, je pense que nous répondons bien aux besoins des forces de sécurité intérieure, qui ont notamment des temps de déploiement assez courts. Les militaires, par contre, sont déployés durant plusieurs mois à l’étranger donc la maintenance opérationnelle doit être pensée de manière tout à fait différente. C’est premièrement là dessus que nous devons travailler, soit en formant des maintenanciers, soit en fournissant un soutien localisé par l’intermédiaire d’un distributeur bien éduqué à ce genre de contrainte.

Deuxièmement, nous devons adresser des normes militaires, des certifications militaires extrêmement exigeantes, par exemple au niveau du durcissement des systèmes. Nous répondons déjà une grande partie dans le sens où nous excluons toute composante d’origine chinoise, américaine ou russe.

Tags: