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WDS 22 : Jetcopter, ce projet d’ADAV européen venu de Lituanie

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Et si un projet d’aéronef à décollage et atterrissage vertical (ADAV) européen germait en Lituanie ? C’est l’objectif un peu fou de l’entreprise lituanienne PB Group, cheffe de file d’un consortium en lice pour un financement du Fonds européen de défense (FEDef) et à l’origine d’un concept dévoilé en Arabie saoudite lors du salon World Defense Show.

40 M€ pour un ADAV européen

« Les appareils de type ADAV sont très complexes et impliquent des coûts de maintenance très élevés », nous explique Donatas Skulskis, directeur de PB Group et fondateur de Jetcopter, une startup centrée sur les solutions ADAV. Résultat : très peu de projets ont abouti et seuls les États-Unis et le Japon ont jusqu’à présent consenti à investir dans une telle capacité.

Le sujet intéresse cependant l’Europe, qui l’a inclut dans la première vague de projets lancée en juin 2021 au travers du FEDef. De l’enveloppe de 1,2 Md€ consacrée aux 23 axes d’effort retenus, 40 M€ sont fléchés vers l’appel à propositions « Next Generation Vertical Take-Off and Landing Systems » du pilier « Next Generation Rotorcraft Technologies » (NGRT). L’enjeu ? Soutenir des recherches relatives aux technologies nécessaires et aux futurs environnements et concepts opérationnels des plateformes ADAV. Des études de pré-faisabilité sur des architectures possibles et l’évaluation de démonstrateurs technologiques ne sont pas exclues.

Seul candidat connu, PB Group annonce coordonner un consortium composé de la filiale espagnole de Safran Engineering Services, de l’université portugaise de Beira Interior (UBI), dont la faculté d’ingénierie abrite un centre de recherche en aéronautique et en astronautique (AeroG) et de l’allemand Cotesa, spécialisé dans la production de pièces en fibres composites pour l’industrie aéronautique.

Thales et d’autres divisions de Safran ont été approchées mais, semble-t-il, sans succès. Ouvert en septembre, cet appel à propositions s’est clôturé début décembre 2021. Les résultats seraient attendues « dans les six prochains mois » d’après Donatas Skulskis.

Si l’expérience des autres partenaires paraît limitée ou inexistante, Jetcopter s’est positionné dès sa création. « Nous ne sommes pas des ‘rookies’ dans ce domaine », assure son directeur. Hormis la recherche de débouchés dans le secteur civil, celui-ci revendique une participation à « tous les programmes d’ADAV à grande vitesse les plus importants  ». Des tentatives intervenues dernièrement aux États-Unis avec les programmes Agility Prime et HSVTOL de l’US Air Force.

Vers un petit appareil convertible rapide et « furtif »

Le FEDef fixe l’horizon à 2035-2040, mais Jetcopter dresse dès à présent un portrait assez précis du système qu’il envisage. Ce sera un « convertible » similaire au V-22 produit par Bell/Boeing. Avec ses 12 mètres de longueur et d’envergure, il serait capable d’emporter jusqu’à huit passagers ou 1,3 tonnes de fret pour une masse maximale au décollage de 3,5 tonnes. Un « poids plume » que Jetcopter projette d’atteindre grâce à un « système de stabilisation breveté » qui permettrait de se passer de certains éléments de motorisation et au final de « peser environ 2000 kg de moins que d’autres convertibles de même taille ». 

Propulsé par deux moteurs Ardiden 3TP de 2000 chevaux, il atteindrait les 800 km/h, ou 650 km/h en vitesse de croisière, pour rayon opérationnel de 1500 km et une autonomie de 3900 km en vol de convoyage. Développé par Safran Helicopter Engines, MT-Propeller et ZF Luftfahrttechnik, le turbopropulseur Ardiden 3TP recevrait un rotor d’un diamètre de 5 mètres.

L’appareil bénéficierait d’une construction modulaire, laissant au client la possibilité de configurer les composants majeurs en fonction des applications retenues, de l’évacuation médicale à l’appui aérien rapproché, en passant par les opérations spéciales et le transport de fret.

Cette solution, Jetcopter l’imagine également dotée d’un « ghost mode », une fonctionnalité grâce à laquelle l’appareil « planerait » pour diminuer son empreinte sonore et thermique. L’aéronef serait alors capable d’évoluer discrètement sur près de 10 km « dans la zone rouge », indique Donatas Skulskis.

Pour Jetcopter, l’argument principal porte sur la maîtrise des coûts, tant à l’achat que pour le maintien en condition opérationnelle. L’entreprise avance un prix d’acquisition à l’unité de l’ordre de 2,6 M$ (2,35 M€). Un montant trois à quatre fois moins élevé que celui d’un hélicoptère de classe équivalente et 30 à 40 fois inférieur à celui du V-22 américain, donc forcément sujet à caution.

Si on ne peut lui reprocher un manque d’ambition, la proposition de Jetcopter dépassera-t-elle le stade de la maquette ? Plusieurs projets PEDID et PADR ont été remportés par de petites équipes conduites par des entreprises de taille très restreinte, parfois même peu impliquées dans le secteur défense. Reste que le FEDef est d’une toute autre envergure financière et temporelle que les dispositifs PEDID et PADR.

Hormis l’obligation d’avoir les reins solides, l’équipe rassemblée autour de l’entreprise lituanienne devra peut-être affronter Leonardo et Airbus Helicopters, deux géants disposant de premières expériences probantes dans le segment ADAV. Le premier a tenté l’aventure avec l’AW609, une plateforme dont l’entrée en service n’est pas encore intervenue près de 20 ans après son envol. Le second avait quelque peu progressé il y a une décennie avec le gyrodine expérimental X3, avant de confier le seul exemplaire à un musée. 

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