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Thales à l’offensive sur les munitions téléopérées et drones tactiques légers

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Le succès du Spy’Ranger en poche, Thales se penche maintenant sur d’autres segments des drones de contact : la munition téléopérée et le système de drones tactiques légers. Deux solutions sont sur le point de décoller, deux piliers d’une démarche au long cours fédératrice de savoir-faire tant internes qu’extérieurs au groupe français. 

Et, par Toutatis, que le ciel leur tombe sur la tête

Candidat malheureux des appels à projets Colibri et Larinae lancés par l’Agence de l’innovation de défense (AID) et la Direction générale pour l’armement (DGA), Thales n’a pourtant pas baissé les bras et a maintenu le cap jusqu’à la semaine dernière et le salon du Bourget, moment choisi pour lever le voile sur une munition téléopérée développée en moins d’un an, sur fonds propres et en partenariat avec la PME parisienne Aeromapper. 

Cette MTO de courte portée, c’est Toutatis. Le dieu de la guerre du panthéon gaulois prête son nom à un engin de moins de 4 kg qui doit, à terme, offrir 30 minutes d’autonomie sur zone d’intérêt et un rayon d’action de 10 km grâce à sa motorisation électrique. De l’ordre du kilogramme, sa charge militaire traitera un véhicule blindé léger, objectif « haut » du projet Colibri. Thales planche d’ores et déjà sur d’autres munitions, notamment perforantes ou à fragmentation. Le groupe reste ouvert à tous les scénarios, tant en son sein qu’au travers de partenariats avec les spécialistes français du segment munitionnaire. 

Léger et compact, Toutatis reprend certains principes vu ailleurs : un transport ailes repliées à dos d’hommes et un lancement pneumatique effectué au sol, le tube calé par un pied de l’opérateur. La conduite ne reposera pas forcément sur un plan de vol mais plutôt sur des points de passage, de quoi diminuer la charge cognitive et ouvrir l’emploi aux combattants non spécialisés. Toutatis bénéficiera de plusieurs capteurs : des voies jour et infrarouge, mais aussi une vision panoramique de type « fish eye » pour donner à l’opérateur une image unique de l’avant et du dessous de la munition, le tout associé à un traitement de l’image. 

Autre point majeur : le guidage terminal, ultime phase d’un déroulé construit en respect absolu de la doctrine française de conservation de l’homme dans la boucle. « Pour frapper un engin blindé léger, il faut une précision métrique. C’est tout l’enjeu de nos tests pour l’instant », nous explique-t-on. Thales tout particulièremet sur la robustesse des liaisons de données et de la navigation, l’un des RETEX du conflit en Ukraine. « Pour cela, nous allons utiliser deux clefs, également développées en interne. Ce sera, premièrement, un système de communication chiffré et sécurisé conçu par Thales SIX GTS. Et l’autre point, c’est la mise au point d’un système VisioLoc Air qui permet de se localiser dans l’espace sans avoir besoin de GPS ». Héritée d’une fonction intégrée les jumelles Sophie Ultima et Optima, VisioLoc Air exploite automatiquement l’imagerie récoltée pour la recaler sur une cartographie embarquée grâce à la sélection et à la reconnaissance de points de repère. 

Et le système va plus loin. « Nous voyons avec le conflit ukrainien que des villes et paysages ont été entièrement ravagés. Certains amers utiles comme un château d’eau ou un clocher n’existent donc plus ». Dans un second temps, l’intelligence artificielle devra faciliter la reconnaissance d’amers détruits ou modifiés. « C’est un gros challenge pour lequel nous travaillons notamment avec Thales Training and Simulation, qui nous génère des scénarios pour faire travailler l’IA de VisioLoc ». 

Toutatis a déjà été éjecté de son tube, a déjà volé et continue de voler quotidiennement. La suite, ce sera une démonstration opérationnelle sans charge militaire avant la fin de l’année, séquence qui illustrera une mission de combat telle qu’elle pourrait être réalisée sur le terrain. Suivra, d’ici fin 2024, un essai avec charge militaire active. Dans l’intervalle, cette solution sera au coeur de la proposition soumise par Thales pour l’appel à candidatures émis il y a peu par la DGA et clôturé dans moins de trois semaines, première étape vers un marché pour plusieurs milliers de munitions de courte portée. Et, quoi qu’il arrive, le développement sera bien mené à terme pour répondre à l’attractivité grandissante du marché export. 

Premier aperçu de ce que serait le lancement d’une MTO Toutatis par le futur Spy’Ranger X, une capacité que Thales souhaite pouvoir offrir d’ici à 2035
Derrière Toutatis, une feuille de route fédératrice

En matière de drones de contact, Thales voit grand et voit loin. Toutatis n’est d’ailleurs qu’un fragment d’une feuille de route entamée en 2020 avec la famille Spy’Ranger et dont l’horizon s’étend jusqu’à 2035. L’entreprise s’est ainsi donnée moins de trois ans à compter d’aujourd’hui pour aboutir sur une version initiale de sa MTO. Elle s’est fixée le même objectif calendaire pour concevoir un premier système de drones tactiques légers (SDTL), autre outil dont la France souhaite se doter au cours de la prochaine loi de programmation militaire 2024-2030. Ce sera le Spy’Ranger X, préfiguré par le drone « Épervier » présenté la semaine dernière au Bourget. 

Véritable « concept car » imaginée avec Aviation Design, l’Épervier est sorti de l’ombre il y a seulement quelques semaines. Ce drone d’une centaine de kilos aura une autonomie supérieure à 12 heures et un rayon d’action supérieur à 100 km. Multicharge, il emportera nativement une capacité de renseignement d’origine image comme la boule Spy’Ball Mk 4 en cours de conception

Mais son grand atout, c’est la soute modulaire dans laquelle l’opérateur peut venir intégrer une ou deux charges supplémentaires selon le poids, telle que Toutatis ou la brique de guerre électronique que Thales vient tout juste de sortir pour ses Spy’Ranger 330 et 550. « Nous avons déjà prévu de l’intégrer dans la soute du futur SDTL, de même qu’un radar à synthèse d’ouverture (SAR), voire des charges « plus exotiques » comme un outil de détection NRBC, des moyens de secours, ou différents types de munitions ». 

Le groupe français ne part pas de zéro sur la question, mais moteur d’une étude technico-opérationnelle (ETO) lancée il y a deux ans par la DGA et qui a défini les concepts clés du futur SDTL. Parmi ces concepts, la volonté d’un système interarmées qui devait donc servir autant l’armée de Terre que les forces spéciales et la Marine nationale. Cette dernière explique la configuration VTOL retenue d’emblée. De même, « nous avons particulièrement travaillé la finesse et l’emplanture entre le bras VTOL et l’aile. Pourquoi ? Pour avoir cette capacité à voler, par exemple, en stoppant le moteur ». De quoi conférer la possibilité de planer en silence au dessus de son objectif, scénario particulièrement séduisant pour les forces spéciales.

« Notre objectif, au-delà de proposer un SDTL souverain, ce sera aussi de le vendre à l’export, générateur d’une demande assez importante pour des drones de cette classe », indique Thales. Le Spy’Ranger X prendra son envol avant la fin de l’année, assure l’industriel. L’enjeu sera ensuite d’atteindre la capacité opérationnelle initiale en 2026, date à laquelle doit également sortir une première version portable de Toutatis. À compter de 2028, Thales planchera sur une version « armée » de son SDTL capable d’embarquer et de lancer jusqu’à deux MTO. Une « V2 » de Toutatis est envisagée d’ici à 2035. Son déploiement en essaim et à partir de véhicules deviendrait alors une réalité.

Si le calendrier est assez serré, c’est parce que les besoins sont aussi grands qu’urgents, tout particulièrement pour des armées françaises prêtes à investir 5 Md€ entre 2024 et 2030 pour poursuivre leur « dronisation ». Pour s’assurer d’y répondre, Thales se pose désormais en fédérateur d’un noyau de six PME du segment rassemblées pour la première fois sur un espace conjoint à l’occasion du dernier salon du Bourget. De Novadem à Aeromapper, il s’agit de combiner l’agilité et l’innovation des petites structures aux savoir-faire en termes de charge utile, d’intégration système, de validation de la chaîne de mission portés par Thales. En somme, un rapprochement identique à celui que Colibri et Larinae souhaitaient promouvoir. 

Parmi les réflexions engagées en commun, l’une cherche à uniformiser certains sous-systèmes utilisés par l’armée de Terre. Plutôt que de multiplier les stations de contrôle, par exemple, Thales propos une commande universelle agnostique de la plateforme donc capable de s’interfacer avec l’ensemble des plateformes en service. Une telle manoeuvre a déjà été réalisée avec un drone Parrot. L’équipe travaille ensuite à relier l’interface homme-machine à un système C4I extérieur. Les premiers résultats sont visibles avec le système de conduite des feux ATLAS, logique de pairage également démontrée aux États-Unis grâce au STANAG 4639. Et ce n’est qu’un début.

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