L’action des forces armées françaises au Mali est unanimement saluée. Saluée d’abord pour la cause défendue : la libération d’un territoire que l’obscurantisme religieux porté par un terrorisme prosélyte menaçait de recouvrir entièrement pour le plus grand malheur de la population. Saluée pour la réactivité, la rapidité et l’efficacité dont ont fait preuve les unités engagées au combat: la situation sécuritaire extrêmement alarmante, sinon désespérée début janvier, s’est totalement inversée en moins d’un mois. Saluée enfin pour avoir obtenu la victoire : victoire tactique, contre les terroristes qui n’ont finalement eu d’autre choix que de fuir ; victoire politique en permettant au gouvernement légitime malien de reprendre le contrôle de la partie nord de son propre pays.
Cette victoire militaire, dans une guerre dont aujourd’hui le politique n’hésite pas à prononcer le nom, mérite par conséquent d’être soulignée. Elle le mérite d’autant plus qu’à l’annonce du retrait d’Afghanistan, d’aucuns – sensibles aux habituels chants de sirène sur « la guerre à distance » et « la guerre zéro mort » – concluaient un peu rapidement à la fin des engagements terrestres. Or l’opération SERVAL, outre la chasse et les forces spéciales, c’est aussi (et d’abord !) 3 000 soldats engagés à terre servant plus de 200 engins de combat, allant de l’hélicoptère TIGRE au char AMX 10 RC, en passant par toute la gamme des équipements blindés à roues. La manœuvre aéroterrestre – sans doute moins connue du grand public et moins télé visuellement spectaculaire – est au cœur de la victoire qui se construit jour après jour à mesure que les forces amies, malienne et africaines, progressent vers le nord. Cette dimension tellurique en matérialise les effets concrets : foules en liesse pour accueillir les « libérateurs », administrateurs réguliers de l’Etat malien qui reprennent possession de leurs locaux et de leurs prérogatives, réouverture de commerces…. Les unités terrestres, en stigmatisant l’avancée de la force, donnent son goût à la victoire.
En effet, si la combinaison intelligente des moyens a permis de prendre l’avantage sur l’adversaire, la conquête au sol, notamment la libération des villes – Gao et Tombouctou pour n’en citer que deux – s’est faite en occupant physiquement les points clefs du terrain. Voilà tout l’art de la manœuvre qui allie et enchaîne reconnaissance blindée offensive, hélitransport, poser d’assaut ou aérolargage pour contrôler l’espace dans lequel vivent les populations, en l’espèce tenir la boucle du fleuve Niger. Deuxième remarque, l’engagement de l’armée de Terre a drastiquement inversé le rapport de forces au sol ; aussi compétentes soient-elles, les forces spéciales ne peuvent aligner plus d’hommes qu’elles n’en ont par nature : aux petites équipes se sont substituées des compagnies de combat aux effectifs permettant de « saturer » l’adversaire. En conséquence – troisième remarque, libérées des positions initiales sur lesquelles elles étaient fixées, sinon au risque laisser la voie libre vers Bamako, ces équipes ont pu être redéployées et utilisées à remplir les missions « spéciales » qui sont, comme leur nom l’indique, leur seule et unique raison d’être. Enfin, avant toute autre considération, l’opération n’aurait même pas pu être possible sans la réactivité avec laquelle l’armée de Terre s’est engagée: les forces prépositionnées et le dispositif d’alerte Guépard en métropole ont démontré toute leur pertinence. Sans leur existence, la brèche n’aurait sans doute pas pu être comblée : brèche spatiale, au sens propre, sur le terrain pour tenir dans la durée les accès à la capitale malienne ; brèche temporelle, au sens figuré, entre la détérioration brutale de la situation et l’arrivée des premières unités africaines de la MISMA.
L’engagement ne peut-être qu’interarmées : aviateurs, marins (notamment les équipages d’Atlantique 2), soldats du soutien…. tous participent du même combat. L’éclairage médiatique est pourtant parfois sélectif et le champ de la caméra évacue nécessairement une part de réalité en cadrant son sujet : il est juste de rappeler que tous – les forces terrestres en font partie – méritent de goûter au sel de la victoire.
Bravo pour cet article qui » recadre » sur le véritable sujet : nos armées toujours prêtes et réactives. Bravo à ceux qui ont accompli leur mission avec brio.
Merci pour ce bel article qui redonne toute sa place aux forces terrestres et souligne la nécessaire interaction de toutes les composantes armées… Puisse l’intervention au Mali infléchir les travaux du Livre Blanc et, ce que les citoyens ne voient pas forcément, les multiples contretemps pour armer les postes de soutien des différentes alertes Guépard, faire réfléchir sur le bien fondé de la scission des forces et du soutien, sur le taux de disponibilité de cette dernière composante et sur la pertinence de ses chaînes propres de commandement…
Il n’est pas inutile de souligner sinon de rappeler que les forces terrestres sont par nature au coeur de tout engagement à terre. Or, jusqu’à preuve du contraire, un drapeau se plante à terre…là où vit l’homme. Evoquant les désormais « espaces fluides », Carl Schmitt écriavt « sur la mer, tout est vagues ». On peut faire la guerre « à partir » de la mer, des airs ou de l’espace mais on la gagne au sol.
L’opération doit se poursuivre et s’étendre tant que la menace persiste
Enfin une analyse qui ne limite pas l’intervention à l’action des seules forces spéciales .Ces dernières n’ont aucun sens sans les forces conventionnelles. Elles en perdraient d’ailleurs le caractère si « spécial ».
Espérons que la sirène des « commandos » ne fera pas tourner la tête des politiques qui jouent à Risk dans leur bureau parisien.
S.F.
Bel article. Mais ce style de combat n’est pas une découverte pour l’armée de terre. En effet, la pèriode Tchad de 1978 à 1982, était en tout point semblable à cette intervention. Des sous-groupements dans les principales villes, ratissant leur secteur et détruisants les groupes rebelles avec l’appui des jaguars et pour le renseignement, l’appui des forces spéciales et les bréguets de la marine. Cette intervention diffère par les protagonistes adverses… Des djidahistes, alors qu’au Tchad c’étaient des opposants au régime et armés par Kadafi qui étaient pour la pluspart des combattants valeureux et accrocheurs. Le principe d’action dans les opérations est exactement le même. Ce sont les grands capitaines de l’époque qui ont construit cette coopération entre les armées. Ce sont ces grands capitaines qui ont remportés des victoires écrasantes en imposant le rythme dans la recherche du renseignement, la tactique, la recherche de l’ennemi, sa fixation et sa destruction. Je trouve dommage que l’on ne rapporte pas leur expérience, leur savoir-faire à ce qui se passe aujourd’hui au Mali. Cette tactique est issue de l’expérience tchadienne…… Je ne la conteste pas, bien au contraire, mais expliquer que c’est nouveau pour l’armée française est quand même un oubli de taille, et un manque de respect pour ceux qui l’ont créé en leur temps…..