
Jean-Yves Le Drian
Comme tout le monde le sait déjà, une mince majorité de la population britannique a voté en juin dernier la sortie du pays de l’Union Européenne. Ce que de nombreux personnes ont omis, c’est le caractère « consultatif » du référendum, ce qui signifie en d’autres mots qu’il n’indique pas légalement si le Brexit se réalisera ou non, seul le temps nous le dira. Mais jusqu’à présent, un consensus s’est établi selon lequel la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne n’aurait qu’un effet minime sur la défense « parce que les accords de défense sont bilatéraux », comme nous l’entendons habituellement. Mais ce que nous omettons, c’est que même ces accords de défense reposent sur la libre circulation des biens, personnes et produits financiers.
Il était donc très intéressant d’entendre le ministre de la Défense français Jean-Yves Le Drian avertir des probables effets du Brexit en matière de défense lors d’un discours donné le 20 juillet à Washington devant la Brookings Institution.
Bien qu’ayant précisé qu’ «
en tant que ministre de la défense, de me prononcer sur la volonté du peuple britannique, de commenter des décisions politiques internes ou d’émettre des conjectures sur les mécanismes diplomatiques à mettre en œuvre », il a néanmoins averti ne pouvoir «
se désintéresser des impacts géostratégiques de cette décision majeure sur nos grands déséquilibres stratégiques et sur l’avenir de l’Europe ».
Et Le Drian d’évoquer trois inquiétudes majeures.
La première sera d’éviter un «
repli stratégique du Royaume-Uni » qui pourrait être absorbé par les négociations de sortie. «
Nous pensons qu’il ne serait pas dans l’intérêt des Britanniques, avec qui nous entretenons des relations denses en matière de défense, de tourner le dos à l’Europe ou au monde ». Un point de vue déjà évoqué par Le Drian dans les journaux britanniques.
Le second est d’«
éviter la désunion des Européens au sein de l’Union européenne, car celle-ci aurait nécessairement un impact négatif sur la cohésion et l’unité de l’OTAN » [22 pays sont actuellement membres des deux organisations, tandis que l’Autriche, Chypre, la Finlande, l’Irlande, Malte et la Suède sont membres de l’UE mais non de l’OTAN].
Et le troisième, «
un sujet de préoccupation personnelle fort » pour Le Drian, consiste à «
éviter que l’Europe ne perde sa place d’acteur majeur de la sécurité, qui est complémentaire de la puissance américaine. Outre les aspects budgétaires qui semblent évidents, le retrait de l’UE de la seule autre puissance nucléaire et expéditionnaire pourrait renforcer la position de certains pays européens peu désireux de voir les Européens prendre en charge leur propre sécurité ».
Mais Le Drian a néanmoins rappelé être confiant «
car nous voyons toujours les signes d’une volonté britannique de travailler avec le reste de l’Europe et de maintenir une présence forte sur la scène internationale ». Et de conclure en ajoutant que, de manière bilatérale, «
la France continuera à entretenir avec le Royaume-Uni une relation de défense très riche. Le contexte international exige du pragmatisme ».