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FOB Interview : Charles Maisonneuve

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Charles Maisonneuve, ancien élève officier de réserve de l’École de Cavalerie a été journaliste spécialisé sur les problématiques de défense. Il est aujourd’hui directeur de la communication de Renault Truck Défense. Il vient de publier son quatrième ouvrage, « Les combats de la Cavalerie blindée », aux éditions Economica (120 pages, 19 euros).

 

Comment l’idée de ce livre vous est-elle venue?

J’ai remarqué, comme beaucoup d’autres acteurs de la défense, que la diversité des modes d’action de la cavalerie française était trop souvent méconnue. Avec ce livre j’ai donc voulu montrer la plus-value opérationnelle de l’emploi d’unités blindées très mobiles, puissamment armées et leurs actions sur les théâtres d’opérations récents.

 

Vous avez choisi un mode de rédaction particulier…

Oui, j’ai choisi de traiter le sujet sous forme de témoignages directs de jeunes officiers, lieutenants ou capitaines pour avoir des retours d’expériences très précis. Cela m’a permis d’avoir accès à un grand nombre de comptes-rendus de fin de missions peu connus du grand public. Mais surtout, comme ce livre est à destination du grand public, j’ai voulu utiliser la technique de l’interview pour faire découvrir d’une manière « vivante » les combats que mènent chaque jour les cavaliers sur les théâtres d’opérations.

 

Qu’il s’agisse d’action de maintien de foule par des blindés en Côte d’Ivoire, ou d’engagement haute intensité de chars Sagaie au Tchad, ce livre nous révèle beaucoup d’opérations méconnues. Comment expliquer ce silence?

Au moment d’une action, et en raison des conséquences politiques possibles, la communication du ministère est toujours assez frileuse. Le ministère de la défense préfère bien souvent le silence au tapage. La deuxième raison tient au système médiatique : dès qu’une crise est passée, les médias ne reviennent pas dessus. Une information en chassant une autre. Qui s’intéresse aujourd’hui aux actions de combat autour de l’aéroport de N’Djamena en 2008. Or, l’action, menée par le 1e REC, aurait pu très mal tourner. Des avions Transall évacuant des ressortissants ont été visés par des tirs de RPG, si les troupes françaises avaient été submergées, la défense de l’aéroport aurait pu nous échapper avec les conséquences que vous pouvez imaginer. Ce livre démontre que grâce aux compétences tactiques de quelques unités blindées, la sauvegarde des ressortissants a été assurée. Mais ce fait a été passé sous silence. La France ne voulait pas donner l’impression qu’elle agissait au profit d’Idriss Déby, alors que dans le même temps elle mettait en place l’EUFOR avec ses partenaires européens.

Ces 10 dernières années, la cavalerie française a été sollicitée sur de nombreux théâtres. Quel bilan tirez-vous de ces engagements ?

En 10 ans, la cavalerie a fait preuve d’une grande adaptation. Aujourd’hui les différentes unités sont capables de servir sur des engins très différents, du très lourd, comme le Leclerc, au plus léger, comme le VBL, en passant par les VLRA, les VAB ou encore les AMX 10RC. Une palette de moyens très importante qui permet de faire face à la diversité des engagements : de la haute intensité en Afghanistan à la dissuasion tactique au Liban avec le Leclerc, en passant par le contrôle de foule en Côte d’Ivoire. Ce dernier cas est d’ailleurs complètement atypique de l’emploi des blindés, utilisés cette fois là dans une configuration de maintien de l’ordre.

Le théâtre afghan est aussi un bon exemple de cette adaptation. Sur certains engagements, les chars ont servi à leurrer les talibans sur l’intention du commandement, ce qui est une manœuvre de déception très novatrice. Elle révèle la capacité d’imagination des cavaliers, une aptitude rendue possible grâce à nos écoles d’armes, garantes de l’excellence opérationnelle au travers de l’instruction tactique. Ces écoles, comme celle de Saumur pour la cavalerie, ont su faire évoluer très vite la doctrine, notamment l’évolution des pelotons de chars, en format dit « 3 +3 ». Aujourd’hui tous les régiments sont sur ce même format, avec une composante « investigation » et une composante « feu ». Ce qui facilite l’adaptation des équipages à tous types de chars.

 

En cette période d’incertitude budgétaire, où les armées seront mises une fois encore à contribution dans l’effort national de rationalisation, quels sont les dangers pour la cavalerie ?

Le premier est la non revalorisation du char Leclerc. Si ce programme n’est pas lancé, le parc est menacé et pourrait tomber de 250 à une centaine d’engins. Le second est le risque de report sans fin du programme EBRC (prévu pour entrer en service en 2019) et qui doit remplacer deux parcs aussi essentiels : les ERC-90 et les AMX10RC. Cette composante médiane est aujourd’hui la plus employée en opération. Le troisième enjeu est la revalorisation ou le remplacement des VBL. Il s’agit de la composante investigation et renseignement de la cavalerie (2e hussards, escadron d’éclairage…) qui utilise 800 des 1600 VBL en service.

 

Vous abordez un autre point dans votre livre, celui de l’emploi des munitions de gros calibres…

C’est exact. Aujourd’hui la tendance est au développement de moyens calibres, notamment le 40 mm télescopé. Mais les derniers engagements montrent qu’il est important de conserver des gros calibres. Des obus très puissants offrent un effet direct et immédiat sur la situation tactique, en brisant la volonté de l’adversaire. Par ailleurs, en Afghanistan, les « compound » résistent très bien au moyen calibre et en tir direct, le 105 paraît être la solution la plus efficace. Le 40 mm est séduisant d’un point de vue technique, mais le danger serait d’oublier trop vite l’intérêt des calibres plus lourds.

 

A la lecture de votre livre, on apprend qu’un programme d’obus à uranium appauvri a été lancé en 2009 pour le char Leclerc. Ce dernier n’étant plus utilisé en opération, le programme a-t-il toujours un intérêt ?

Votre question est légitime, le char de bataille étant moins employé que les autres blindés en service (10RC et ERC90). Mais il faut faire attention à l’évolution de la menace. Une étude, menée par Artem, révèle qu’il y a quantité de programmes lancés sur la conception nouveaux chars, ou sur des revalorisations comme celle du T72. La presque totalité de ces programmes sont réalisés en dehors du « monde occidental ».  Il y a donc un risque réel d’être confronté à des blindés lourds technologiquement très performants. Or la crédibilité de l’emploi de l’armée de terre repose en partie sur le char de bataille même si d’autres moyens, comme l’artillerie ou les hélicoptères Tigres, apportent des capacités complémentaires. Mais si le char Leclerc doit rester crédible, c’est-à-dire capable de vaincre en duel n’importe quel adversaire, il lui faut des munitions crédibles. Ces dernières années, avec une grande sagesse, l’armée de terre a préparé des munitions très élaborées : l’obus canister, une munition anti personnelle à courte portée (une chevrotine de 120 mm) et surtout la munition OFL 2, avec une flèche en uranium appauvri, qui offre une capacité de perforation plus importante que les flèches de tungstènes. Très peu de pays au monde en disposent. Même si c’est politiquement très sensible, du fait de l’utilisation de ce matériau, la flèche en uranium appauvri offre une vraie plus-value opérationnelle.

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