La Composante Terre belge dispose depuis peu d’un « Combat Training Center » (CTC) fourni par Saab, un outil qui lui permet d’intégrer un cercle grandissant d’utilisateurs et, par là, de renforcer son interopérabilité. Une capacité qui pourrait aussi intéresser le voisin français dans sa volonté de réorienter l’entraînement vers le combat de haute intensité.
En août 2019, la Belgique retenait Saab pour la fourniture d’un (CTC) mobile conçu à partir de son système Gamer. Un contrat de 15 M€ décroché face aux cadors du segment, que sont Rheinmetall, RUAG et Thales. « Ce marché, nous l’avons gagné non seulement parce que nous avions le produit répondant le mieux au besoin exprimé mais aussi parce que la Belgique voulait un système parfaitement interopérable », nous explique Johan Landin, responsable Belgique pour Saab.
Ce « CTC Belgium » repose sur un éventail de briques : un kit CTC mobile, six kits régimentaires ManPacks 300, 820 kits pour soldat, 104 kits pour l’armement collectif, 164 kits pour véhicule. Le tout, combiné avec une technologie 4G pour « distribuer » l’exercice sur l’ensemble de l’aire de jeu. « Cela leur offre la possibilité d’entraîner une unité d’infanterie ou une unité mécanisée de la taille d’un bataillon, soit à un endroit donné, soit réparti simultanément sur sept endroits tout le pays », précise Hans Lindgren, en charge du business development pour Saab Training & Simulation.
Entamées quelques mois après la notification, les livraisons et les formations se sont achevées à l’été 2021, autorisant l’utilisateur à mener ses premiers entraînements. « La Belgique est maintenant pleinement opérationnelle, mais il est toujours nécessaire pour chaque nation de prendre le temps de construire un bon processus, une bonne méthode d’entraînement ». La prochaine étape sera de conclure et d’initier, a priori en 2022, le marché de soutien accolé au contrat d’acquisition.
Saab conserve par ailleurs la possibilité d’adapter en permanence les systèmes acquis pour de nouveaux types de matériels, à l’image des véhicules Griffon et Jaguar ou du missile MMP, tous livrés à compter de 2025 à la Composante Terre au travers du programme Capacité Motorisée (CaMo). La Belgique « peut à tout moment ajouter n’importe quelle capacité, que ce soient plus d’équipements pour les soldats ou les véhicules, de nouveaux instruments pour de nouvelles armes ». Et « s’il nous transmet ce souhait le plus tôt possible, le client peut même disposer d’une capacité d’entraînement en amont de la mise en service d’une nouvelle arme » et permettre par-là aux utilisateurs d’anticiper et de gagner un temps précieux sur l’appropriation du futur système d’arme.
L’exemple belge n’est que le dernier d’une longue série. Car Saab et les systèmes d’entraînement et de simulation, c’est déjà une très longue histoire. Le client suédois est le premier à franchir le pas en 1989, suivi de peu par les armées britannique, allemande et autrichienne.
L’entreprise s’est établie en 2000 aux États-Unis, un marché sur lequel son positionnement est particulièrement fort avec, notamment, plus de 13 000 systèmes embarqués sur véhicules livrés ou commandés au profit de l’US Army. L’US Marine Corps lui a emboîté le pas en 2021, Saab se voyant alors notifié du programme « Force on Force Training Systems – Next » (FoFTS-Next). La finalisation de ce contrat valorisé à plus de 220 M€ « est en cours et nous espérons pouvoir le signer pour entamer les livraisons plus tard cette année », explique l’industriel.
D’autres pays d’Europe et d’ailleurs ont suivi le mouvement, contribuant à maximiser l’interopérabilité lors d’entraînements conjoints. Et ce, jusqu’à très récemment avec des contrats remportés en Pologne, en République tchèque et aux Pays-Bas, qui dispose désormais de « l’un des plus grands centres d’entraînement au combat mobiles au monde ». Avec 20 clients, dont la Suisse et les forces américaines en Europe (EUCOM), « nous dominons à peu près le marché européen », estime Hans Lindgren.
Du côté industriel, ce succès a fait de la division Training & Simulation l’une des plus importantes du groupe suédois. Active dans quatre segments, elle emploie aujourd’hui 700 employés sur une vingtaine de sites de par le monde. La production repose sur deux usines, l’une à Husqvarna, siège de la division, et l’autre en République tchèque.
La solution Gamer a quant à elle été adoptée par 16 pays, dont 12 sont européens. Avec les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et la Norvège, ils forment l’ « Interoperability User Community » (IUC), une structure créée en 2008 puis élargie au gré des nouveaux contrats.
Si Gamer convainc autant, c’est pour plusieurs raisons. Son interopérabilité, premièrement, acquise au fil du temps. De 1989 à 2002, huit pays retiennent Gamer à différentes échelles. « Chaque pays avait alors son propre besoin, sa propre idée. (…) Lorsque nous avons eu à fournir cette capacité, l’interopérabilité n’était pas une exigence », rappelle Hans Lindgren.
Le tournant intervient au lendemain de la guerre des Balkans. Les armées impliquées avaient alors commencé à coopérer à un très bas niveau. « Les clients de l’époque sont venus nous trouver pour nous dire : nous avons le même fournisseur de centres d’entraînement au combat mais nous ne pouvons pas les utiliser au travers des frontières ». Le rapprochement est fortement soutenu par les décideurs de l’OTAN et de l’Union européenne, tous convaincus de l’intérêt de travailler en s’acquittant des particularités nationales.
Une quinzaine d’années plus tard, l’IUC est un pari gagné. Les communalités en son sein sont visibles à plusieurs niveaux. L’interface laser, baptisé « U-LEIS », est commune à tous. À quelques exceptions près pour l’Allemagne, tous partagent également des liaisons de données identiques. Qu’importe le système d’arme ou le nombre de joueurs, « cela nous offre une interopérabilité maximale, à l’exemple du système américain déployé en Allemagne et capable d’être utilisé dans n’importe quel pays en Europe ».