Gao reprise, le second SGTIA français est maintenant aux portes de Tombouctou, qui devrait être reconquise par les armées maliennes et françaises rapidement. Très probablement sans réels combats. Ensuite, ce sera la région montagneuse de Kidal (où seraient cachés certains otages français). Là, les bombardements français auraient déjà détruit plusieurs cibles d’Ansar Dine. Après, plus au nord, c’est un désert, immense.
Si quelques combats ont eu lieu pour la reprise de Gao (une quinzaine de djihadistes auraient été tués), les Français n’auront cependant pas rencontré de fortes résistances. Les forces spéciales semblent avoir été les principales unités au contact pour la reprise de la ville et de son aéroport, preuve de la faible présence de rebelles.
Le scénario qui se profile ressemble à une drôle de guerre. Une guerre de vitesse sans réels combats. Au fur et à mesure de l’avancée des Français, l’ennemi s’enfuit. Les blindés avancent vers un ennemi qui s’échappe, se disperse.
Mais où est l’ennemi ? Certains mercenaires maliens enrôlés dans les mouvements rebelles par appât du gain, rentrent chez eux dès l’arrivée des canons Français. Mais de nombreux djihadistes demeurent et continueront le combat. Combien ? Difficile à dire, mais certainement bien loin du chiffre de 6000 évoqué au début de l’opération Serval.
Que vont-ils faire ? Vu la porosité et l’élongation des frontières, un grand nombre de combattants d’Aqmi pourraient fuir vers d’autres terrains de jeux, hors de portée des armes françaises. Et puis, le Niger ou la Mauritanie, voir l’Algérie, regorgent d’autres « In Amenas »…
Certains devraient rester sur le territoire malien. Mais vu la puissance de feu qui arrive pour les déloger, il y a fort à parier qu’ils éviteront les Français. Il va falloir aller les chercher dans l’étendue des déserts du nord.
Cependant, un risque demeure : l’engagement asymétrique. Vu l’élongation des distances, le combat au Mali est mobile. Et si les colonnes françaises avancent vite, les effectifs engagés par Paris sont loin d’êtres suffisants pour pouvoir occuper et sécuriser l’ensemble du territoire, grand comme presque deux fois la France. C’est donc aux bons soins des forces maliennes que le contrôle des villes et villages libérés par Serval revient. Des forces maliennes, à l’efficacité douteuse, qui pourraient bien se retrouver la cible d’attaques. Loin derrière les lignes françaises qui avancent. Le véritable front se déplacerait alors à l’intérieur. Et c’est une autre guerre qui s’ouvrirait. Une guerre d’usure menée par un ennemi rapide et difficilement saisissable. Une guerre avec un front diffus où la menace est partout.
Autre difficulté : si l’objectif fixé par le ministre de la Défense est la réappropriation de l’intégrité territoriale du Mali, un problème risque de se poser au nord : ces vastes étendues désertiques ont toujours été occupées par des mouvements touaregs. Si Paris prend la décision de monter jusqu’à la frontière algérienne du nord Mali, c’est dans un conflit interne que risque de s’embourber l’armée française, celui des Maliens du sud qui s’opposent aux Touaregs du nord, tout aussi Maliens.
Et quid de cette guerre déclarée contre le terrorisme ? Si Paris souhaite en découdre définitivement avec les terroristes, c’est un engagement à l’échelle régionale qu’il faudrait alors mener. Difficile. Il faudrait alors, à l’instar des Américains bombardant des positions d’Al Qaeda en territoire pakistanais, déployer une flotte de drones armés. Mais ça, Paris n’en a pas.
Photo: éléments de la brigade Serval (EMA/ECPA-D)