Confronté à la hausse des besoins en munitions, le groupe français EURENCO envisage d’investir plusieurs dizaines de millions d’euros pour doubler les capacités de son site belge, expliquait-il vendredi dernier à l’occasion d’une visite de la ministre de la Défense belge, Ludivine Dedonder, et du commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton.
Avec 40 M€ de chiffre d’affaires et 140 employés, EURENCO Clermont n’est pas le plus grand site d’un groupe qui renforcera bientôt sa présence aux États-Unis après y avoir décroché un marché important. Mais, du haut de ses 170 années d’existence et des 2200 tonnes de poudres qui y sont produites chaque année, il n’en reste pas moins un maillon stratégique de la chaîne munitionnaire européenne. Et l’est d’autant plus à l’heure où la demande en munitions s’avère « sans commune mesure » avec les décennies précédentes.
« Nous vivons dans un monde qui s’avère malheureusement plus dangereux que lors des décennies passées et l’Europe doit intégrer cette donnée, l’Europe doit se donner les moyens de faire face », déclarait Thierry Breton. Voilà plusieurs mois que ce dernier arpente le continent européen pour prendre le pouls des acteurs clés du domaine. Une vingtaine de visites plus tard, ce dernier s’est redit « confiant dans la capacité qu’est la nôtre de pouvoir produire l’objectif que nous nous sommes fixés, à savoir au moins un million d’obus d’artillerie » livrés à l’Ukraine en 12 mois.
Au-delà de l’engagement envers l’Ukraine, il s’agit aussi de tenir compte des demandes croissantes en provenance d’États-membres « qui ont tous intégré, pour répondre à la boussole stratégique, des niveaux de stocks relevés en matières de munitions ». Les commandes affluent de toutes parts, remplissant les carnets d’un secteur qui, s’il dispose d’une base solide, devra se réorganiser et se consolider pour garantir une réponse rapide.
« Nous le voyons sur un site comme celui de Clermont, qui dispose d’un existant formidable, d’un savoir-faire et d’infrastructures de qualité, même si il faut sans doute aussi remonter l’outil de production pour suivre les cadences que nous estimons nécessaires », notait le commissaire européen. Malgré une hausse de 40% de la production en cinq ans et d’importants investissements consentis sur fonds propres via le plan « EURENCO Way », la poudrerie liégeoise est en effet identifiée comme un potentiel « goulet d’étranglement » pour ses 75 clients actifs, dont l’italien Fiocchi, les allemands Rheinmetall et MEN ou encore le tchèque Sellier & Bellot.
Heureusement, EURENCO a un plan. Aujourd’hui au stade des études, des demandes de permis et autres démarches administratives, ce projet doit conduire au doublement des volumes de production de la filiale belge d’ici deux ans. Il devrait également se traduire par la création de plusieurs dizaines d’emploi, contribuant par là à « accroître l’ancrage territorial du groupe ». Entre la montée en cadence des infrastructures existantes et la construction de nouvelles lignes parmi les 120 hectares du site, l’investissement est évalué à 40 M€.
Soutenir ce type d’initiative, « c’est précisément tout l’objet d’ASAP », souligne Thierry Breton. Adoptée cet été par les décideurs européens, la loi « Act in Support of Ammunition Production » (ASAP) prévoit une enveloppe de 500 M€ pour financer les projets qui vont permettre d’accroître « très rapidement » les capacités de la filière européenne. Hormis la poudre pour les petits calibres de .22 à 20 mm, la filiale belge produit la poudre double base qui, une fois traitée, devient la matière première des obus d’artillerie de 155 mm dont l’Ukraine a tant besoin.
« Un site comme celui de Clermont prend toute sa place dans cette stratégie de par les composants clés qu’il produit, que ce soit la nitroglycérine ou la nitrocellulose », relève le commissaire européen. Message reçu du côté du groupe français, dont le chiffre d’affaires a grimpé d’un tiers depuis le déclenchement du conflit russo-ukrainien et devrait atteindre 390 M€ en 2023, un résultat généré essentiellement auprès du marché export.
Crédits image : EURENCO