Dans la ville de Dadat, au nord de la Syrie, près de Manbij, les mortiers américains sont dirigés vers l’armée turque positionnée au nord de la ville, selon deux reporters régionaux, Jenan Moussa et Harald Doornbos. « Les mortiers (américains) dans le jardin du camp américain ont été pointés en direction de l’armée turque », ont écrit les journalistes dans un article publié jeudi dans le New York Times.

Tir au mortier de 60mm par une équipe américaine (Photo : DVIDS)
Manbij est une ville du nord de la Syrie, où le gouvernement turc a fait pression pour le retrait des Unités de Protection du Peuple syro-kurde (YPG). La Turquie qualifie les YPG d’organisation terroriste liée au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), un groupe armé kurde reconnu comme une organisation terroriste par la Turquie et les États-Unis.
De hauts responsables turcs ont déclaré qu’Ankara et Washington s’étaient mis d’accord sur une feuille de route, détaillant comment les forces kurdes syriennes quitteraient Manbij. Les autorités américaines, dont le porte-parole officiel du département d’État, Heather Nauert, et un responsable du Pentagone anonyme, cité par Al Hurra News, nient toutes deux l’existence d’un tel accord.
Le 4 juin dernier, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, est venu aux Etats-Unis pour rencontrer Mike Pompeo, son homologue américain, avec qui il voulait discuter d’une longue liste de problèmes, dont l’avenir de Manbij. Le secret continue de peser sur d’éventuels accords ardument négociés mais l’actualité révèle combien les tensions entre ces deux membres de l’OTAN restent fortes. Une preuve ? Alors que les deux premiers chasseurs F-35 achetés par la Turquie viennent tout juste de lui être livrés, un très fort courant d’opinion au Sénat américain pousse à bloquer toute livraison supplémentaire. L’intention de la Turquie d’acheter des systèmes de défense antiaérienne S-400 de fabrication russe n’est évidemment pas de nature à améliorer le climat, notamment parce qu’en plus de l’aspect politique interpellant, un tel choix entraînerait des incompatibilités opérationnelles et/ou des échanges d’informations techniques fort embarrassantes…
Sur le terrain, cela fait des mois que les unités américaines déployées en appui des forces kurdes pour les aider à résister – voire repousser – les forces gouvernementales syriennes « mordent sur leur chique » lorsqu’il leur est ordonné de cesser – officiellement, du moins – cet appui suite à un accord américano-turc. L’amertume des GI’s à l’encontre de l’allié turc pousse toujours plus fortement à se poser la question de la loyauté de ce partenaire très difficile, à couteaux tirés avec l’allié grec et très mal vu par l’Union européenne en raison des dérives autocratiques et islamistes du président Erdogan. Les bases aériennes que les Turcs acceptent de mettre à disposition de l’OTAN pour les opérations au Moyen-Orient sont placées sous un régime d’emploi de plus en plus soumis au bon-vouloir arbitraire du président turc.
Ce climat délétère a un effet boomerang au niveau de la très dynamique industrie de défense turque : il lui est de plus en plus difficile de s’approvisionner en composants chez des constructeurs occidentaux suite à des restrictions émises par les parlements concernés. D’où l’impérieuse nécessité de contourner ces obstacles par des productions indigènes dont la qualité, il faut le reconnaître, suscite souvent un coup de chapeau. Mais, surtout en termes de motorisation, le problème affronté par l’industrie turque est loin d’être résolu.