« Vous avez prévu un plan qui va foirer, c’est certain. N’oubliez pas qu’au combat, le premier mort, c’est le plan », rappelle l’officier chargé du briefing pré-mission. Rires gênés dans l’assistance, le ton est donné. Et de fait, à l’heure où nous nous rendons à Beynes, aucune des neuf équipes engagées jusqu’alors n’a atteint Lima 4, où deux Probot opérés par la section Vulcain doivent jouer les robots Uran 9 ennemis. Une poignée est parvenue à franchir Lima 3. Les ratés techniques, la fatigue, le stress, le terrain et les conditions climatiques auront provoqué quelques pertes dans les rangs robotisés amis. Seules deux équipes ont fini en mode nominal, avec tous leurs satellites et sans perte des communications.
En moyenne, la mission a été remplie à 60-70%, parfois beaucoup moins. Mais cette métrique n’est qu’un indicateur parmi d’autres. L’inventivité, la pertinence de la solution, les choix tactiques et l’ergonomie générale sont des aspects scrutés de près, notamment par un ergonome de la DGA. La charge cognitive, enfin, était un autre marqueur important. Pour augmenter la pression, le Battle Lab Terre a imposé à chaque équipe un questionnaire de 460 questions sans lien avec le challenge auxquels ils doivent répondre au cours de la manœuvre.
Ces premiers résultats ne sont pas surprenants. Les équipes n’ont eu que quelques mois pour concevoir leur solution. Pour la plupart, CoHoMa est le premier pas effectué dans l’univers des armées. Particulièrement vertueuse, la démarche invite à penser « au-delà » sans craindre l’erreur. Au contraire, chaque drone au tapis, chaque manœuvre ratée, chaque perte de signal est le point de départ d’une nouvelle réflexion. Le rendez-vous s’avère dès lors strictement gagnant-gagnant.
Tant les opérationnels que les équipes ont désormais une montagne d’informations à portée de main pour mieux cibler le besoin d’un côté et pour alimenter les développements de l’autre. « En cinq jours, nous avons tous gagné deux à trois années de réflexions », estime le colonel Sébastien. « Je pense que ce type de projet est vital pour les entreprises pour comprendre ce qui fonctionne et ne fonctionne pas dans un environnement opérationnel réel », complète Louis Viard.
Parmi les premiers RETEX, « je relève en premier l’appétence des participants pour le sujet et l’agrément qu’ils expriment tous à participer à un challenge ». L’effet majeur recherché, la rencontre entre opérationnels et ceux qui imaginent les solutions technologiques, est pleinement atteint. Ensuite, chaque équipe portant l’effort sur des points différents, le Battle Lab Terre aura appris « énormément des approches choisies ».
La réalités du terrain était encore basiques à ce stade, mais les obstacles « suffisent déjà pour mieux comprendre le niveau d’exigence que requiert le contact avec un environnement un tant soit peu dégradé ». La couverture végétale, dense et cloisonnée, a parfaitement joué son rôle perturbateur. Elle aura participé à mettre en avant un axe d’effort essentiel : la fiabilité des outils de communication et de partage des données, point névralgique de l’interconnectivité entre les systèmes. « Sans communications fiables, beaucoup de systèmes tombent et, à une heure où il faut se préparer à la haute intensité en environnement brouillé et sans couverture GPS permanente ou fiable, c’est un des enjeux majeurs », soulève le commandant du Battle Lab Terre.
Le second axe sera celui de l’autonomie, ou « le fait de pouvoir délester les opérateurs de la charge de téléopération pour les amener essentiellement à réaliser des effets par des robots de plus en plus intelligents ». Elle doit répondre à l’exigence d’allégement des ressources humaines et de la charge cognitive, et donc à l’inversion de la tendance actuelle d’un système robotisé pour ou un deux opérateurs. « On doit arriver assez rapidement à un système avec lequel l’opérateur pourra manœuvrer de manière fiable plusieurs systèmes ». C’est une fois atteint ce jalon que l’effet démultiplicateur de la robotisation se fera ressentir positivement au combat.
Le Graal ? Un robot-équipier « qui devrait être la base mais est pourtant un standard difficile à atteindre ». Il faudra pour cela dépasser le stade de l’outil d’accompagnement téléopéré pour parvenir à celui de la plateforme capable de réaliser une mission de manière relativement autonome en complément du combattant. En d’autres termes, le duo combattant-robot doit fournir a minima l’effet produit par deux combattants de par la capacité du drone ou robot à interpréter des consignes simples, comme un itinéraire à suivre ou une attitude à adopter en fin de déplacement.
Et la suite ? « Si le défi majeur pour les participants était de terminer le parcours, celui du Battle Lab Terre sera de bien transformer l’essai ». Cette logique de challenge va continuer, « car elle est très fructueuse ». Quitte à rehausser d’un clic le niveau d’ambition, effort financier à la clef. « C’est à nous d’imaginer un CoHoMa 2 qui parte exactement des mêmes bases, pour que l’on puisse capitaliser sur du connu et aller un peu plus loin en changeant quelques variables ».
Reste à énumérer et détailler l’ensemble des points d’efforts, étape qui ne pourra être possible qu’après avoir exploité les données collectées auprès des participants. À eux d’ensuite d’ensuite capitaliser sur ces enseignements pour monter en puissance et revenir avec de nouvelles idées. Quant à ceux qui doutent de leurs capacités, voire de l’intérêt de rejoindre la prochaine édition, le colonel Sébastien les renvoie vers la devise du Battle Lab Terre : « le devoir d’essayer ».