Quatre entreprises démontrent une 1ère capacité française de convoi militaire autonome

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Quelques semaines après son inauguration par l’armée de Terre, le Battle Lab Terre accueillait une démonstration de convoi autonome composé de véhicules et robots militaires. Une première en France et l’aboutissement de recherches menées depuis un an par VEDECOM, institut de recherche spécialisé dans la mobilité durable, avec ses trois partenaires industriels, Nexter Robotics, CNIM et Arquus.

Organisée le 28 janvier sur les pistes d’essais de Versailles-Satory, cette démonstration était le point culminant d’un projet baptisé « Micro-convoi au contact » (MC²). Piloté par VEDECOM, celui-ci doit contribuer à terme au déploiement de « convois autonomes interopérables sur des théâtres d’opérations en intégrant les contraintes du domaine de la défense ».

VEDECOM Tech, filiale commerciale de VEDECOM, s’est vue confiée la double mission de coordonner les travaux du consortium formé pour l’occasion puis de réaliser une évaluation dynamique. L’enjeu principal était « d’objectiver le comportement de chacun des véhicules dans le convoi, de statuer sur l’état de l’art et d’identifier des axes de progrès », relève-t-elle dans un compte rendu détaillé. Cette démonstration réussie permet aussi à la France de rattraper son retard et d’intégrer le petit club des nations qui planchent sur le sujet à des fins militaires, les États-Unis en tête.

Interopérabilité et hétérogénéité

Aboutissement d’un année de recherches conjointes, cette démonstration en mode « multi follow me » entendait avant tout démontrer la notion d’interopérabilité sur deux axes majeurs, que sont l’hétérogénéité des plateformes et l’interchangeabilité des robots au sein d’un convoi guidé par un véhicule de tête. Autrement dit, prouver que ni le type de véhicule auquel il s’attelle, ni sa place dans le convoi n’influent négativement sur le comportement du robot.

L’hétérogénéité reposait sur la combinaison de trois types de véhicules aux performances et tailles très différentes. Arquus a ainsi fourni un Sherpa Light, véhicule leader, et son robot.lab, laboratoire roulant sur une base Dagger (PVP). Nexter Robotics a mis à disposition un robot-mule Optio, évolution du Themis 4.5 apporté par CNIM. Conçu par l’entreprise estonienne Milrem, ce dernier était l’un des candidats malheureux de l’expérimentation ROBOPEX conduite par l’Agence de l’innovation de défense (AID).

Le plus lourd, le Sherpa de 11 tonnes, peut rouler à 110 km/h quand les plus légers, les deux robots chenillés de deux tonnes, plafonnent à 18 km/h. Chacun était équipé de capteurs laser analysant la position du « véhicule cible » qui le précède. Toute la difficulté, pour le robot, consistait à parvenir à s’atteler virtuellement et à adapter sa trajectoire et sa vitesse de manière autonome pour éviter de « briser » le charroi.

À l’avant-plan, le robot mule Optio de Nexter, suivi du robot.lab d’Arquus et du Themis 5.5 mis à disposition par CNIM (Crédits : Nexter)

Deux configurations de convoi ont également été mises en œuvre pour vérifier l’interchangeabilité, donc la capacité des robots suiveurs à s’atteler à n’importe quel véhicule cible. Pour récolter les données, VEDECOM Tech a eu recours à une technologie radiofréquence ultra large bande. Basée sur des impulsions de très courte durée, l’ULB est en mesure de transmettre des données à très grande vitesse sur une large gamme de fréquences et à de très faibles niveaux de puissance.


« La zone d’évolution des véhicules a été définie et équipée avec des émetteurs fixes géolocalisés appelés « ancres ». Les véhicules, quant à eux, ont été équipés de récepteurs permettant de se positionner dans le référentiel formé par les ancres », détaille VEDECOM Tech. Le tout, enregistré en temps réel, a permis de caractériser le comportement dynamique du convoi sur base de la vitesse, de l’inter-distance entre les véhicules et de l’écart latéral à la trajectoires des robots.

Contribuer à la sécurité des forces

Cette démonstration est la première étape concrète vers le développement d’une solution française de convoi autonome répondant aux exigences de robustesse et de fiabilité d’un usage militaire en milieu contesté. Au travers de MC², les quatre partenaires poursuivent un objectif commun : « développer une technologie permettant aux forces une multitude d’emplois opérationnels tout en améliorant leur sécurité », relève Arquus.

La sécurité est en effet l’apport majeur d’une technologie explorée de longue date par l’US Army. Selon une étude publiée en février 2020 par le think tank américain RAND Corporation, un convoi partiellement automatisé, comparable à celui formé pour le projet MC², diminuerait de 37% les risques encourus par le soldat en comparaison aux pratiques actuelles. Et ce risque décroit de 78% lorsque l’autonomie est totale.

En tête, le Sherpa Light d’Arquus guide une autre configuration de convoi autonome (Crédits : Arquus)

Entre autres applications évoquées, le projet MC² soutient la formation de convois logistiques autonomes longue distance ou de convois polyvalents autonomes dits « du dernier kilomètre ». Dans les deux cas, cela impliquerait la possibilité de réduire les équipages au strict minimum, participant à accroître la sécurité des forces et à recentrer les ressources humaines sur d’autres tâches opérationnelles.

Le décès récent de trois militaires français de Barkhane aura à nouveau mis en avant la vulnérabilité de convois logistiques indispensables au bon déroulement des opérations. Ces soldats du 1er régiment de chasseurs participaient à une mission d’escorte d »un convoi de ravitaillement lorsque leur véhicule blindé léger a sauté sur un IED dans la région d’Hombori, dans le sud du Mali. Le surblindage ou les technologies de détection ne pouvant répondre entièrement à la problématique des mines et IED, l’autonomisation au moins partielle des véhicules concourrait à diminuer la taille des détachements consacrés à aux missions logistiques et d’escorte.

Cette logique est aussi valable dans le cas du « dernier kilomètre ». La technologie « multi follow me » autoriserait un opérateur à guider une colonne de robots « de l’avant » envoyée en reconnaissance et susceptible de se retrouver au contact de l’adversaire. Le gros des forces resterait alors en retrait à l’abri, récoltant et analysant les données transmises par le convoi pour réarticuler le dispositif en temps réel.