La coopération franco-britannique face au Brexit

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Que deviendrait la coopération franco-britannique en matière de défense en cas de « Brexit », la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ? La question a de quoi inquiéter, car nombreux sont les liens unissant Londres et Paris à ce sujet. Une coopération étroite notamment illustrée par « un sommet franco-britannique début mars, dont une grande partie sera consacrée à la sécurité, à la défense et aux programmes d’armement communs, comme l’avion du futur, le FCAS, les programmes de missiles » a récemment déclaré l’ambassadrice de France à Londres, Sylvie Bermann, appelée à rassurer la Commission de la défense du Sénat à ce sujet et concernant la revue de défense et de sécurité britannique officialisée en 2015.
 

Les liens franco-britanniques mis à mal en cas de Brexit? Rien n’est moins sûr selon l’ambassadrice française à Londres Sylvie Bermann


 
C’est en effet dans ce contexte de « Brexit » que la revue de défense et de sécurité britannique (ou Strategic Defense and Security Review – SDSR), pendant du Livre blanc français publié tous les cinq ans, est revenue au centre des préoccupations du Sénat français. Opérant un virement remarqué par rapport à l’édition précédente, la revue prévoit de facto une montée en puissance globale des moyens militaires britanniques. Une perspective jugée « préoccupante » par Jean-Pierre Raffarin, président du Sénat, qui s’interrogeait sur les capacités du Royaume-Uni de pouvoir réaliser les objectifs affichés.
 
Si le SDSR confirme bien la France dans son rôle d’allié stratégique du Royaume-Uni, ce document prévoit de fait « une montée en puissance des moyens militaires, avec une perspective de budget de défense représentant 2 % du PIB, norme fixée par l’OTAN » ainsi qu’un « format des armées qui inclut une dissuasion nucléaire renouvelée, avec 40 Mds£ d’investissements pour le renouvellement des sous-marins nucléaires, les SNLE », précise Raffarin. Un programme qui inquiète au sein de l’hémicycle français, car si ces décisions sont « assez voisines de celles de la France, que ce soit par rapport au Livre blanc ou à l’actualisation, en juillet dernier, de notre loi de programmation militaire (LPM) (…) l’ambition affichée par les Britanniques est beaucoup plus importante que la nôtre », s’inquiète le sénateur Jacques Gautier. Pour tenir la cadence, la France devrait donc faire davantage d’efforts budgétaires, un scénario difficile à envisager vu la conjoncture économique actuelle.
 
Même si les Britanniques « n’aiment pas le concept de défense européenne », néanmoins « quand on leur demande d’y aller ils y vont, que ce soit au Mali ou (…) en Méditerranée (…) en réalité, ils nous aident », rassure l’ambassadrice. Selon elle l’impression Outre-manche se voudrait donc faussement préoccupante, et elle a tenu à rappeler l’étroitesse de la collaboration bilatérale entre les deux pays.
 
Elle est revenue sur les décisions actées lors des traités de Lancaster House, signés en 2010 par Nicolas Sarkozy et David Cameron et dont le bilatéralisme explicite vise à faire de « l’européen sans Union européenne ». Conséquence directe de ces traités, « la force expéditionnaire conjointe [qui] sera pleinement opérationnelle au printemps. Il s’agit de mille hommes, ce qui est loin d’être négligeable », ajoute Bermann. Établis à l’écart du projet européen, les liens unissant Paris et Londres résisteraient très certainement au choc d’un éventuel « Brexit ». Un sentiment partagé par la Commission de la défense : « Je ne crois pas du tout à l’argument qui consiste à dire que s’ils sortent de l’Europe, on perd un partenaire en matière de défense. On ne perd pas un partenaire de défense : les choses ne se feront simplement pas dans le cadre que l’on imagine, et que l’on ne parvient d’ailleurs pas à construire avec eux », précise le sénateur Daniel Reiner en écho aux déclarations de l’ambassadrice.