FOB Interview: Patrica Adam sur la LPM (1ère partie)

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Alors que les auditions viennent de débuter à l’Assemblée Nationale sur la future Loi de Programmation Militaire (LPM), mise en œuvre budgétisée du Livre Blanc sur la Défense pour les années 2009 à 2014, FOB ouvre ses colonnes à la député PS du Finistère, Patricia Adam, Présidente de la Commission de la Défense Nationale et des forces armées.

 

La situation en Syrie a fait apparaître une problématique importante : le rôle de la représentation nationale dans l’engagement des forces armées. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Depuis 1958, l’article 35 de la Constitution prévoit que la déclaration de guerre est autorisée par le Parlement. Dans la pratique, des troupes françaises étaient engagées en opérations de façon permanente, sans que le Parlement n’ait à en connaître. La modification constitutionnelle de 2008 a modifié les choses. Désormais, le Gouvernement a le devoir d’informer dans les trois jours le Parlement du déclenchement d’une opération armée à l’étranger. Les objectifs doivent être publiquement affichés. Un débat sans vote peut être organisé. Au bout de quatre mois, la prolongation éventuelle de l’opération doit être votée. Voilà l’état du droit.

Il s’agit d’une évolution notable par rapport à l’état antérieur. Précédemment, les parlementaires étaient informés par l’agence France-Presse ! Le Gouvernement n’avait aucune obligation d’afficher publiquement ses objectifs stratégiques. Il pouvait en changer à sa guise. Une opération pouvait être déclenchée pour une raison et se poursuivre indéfiniment pour d’autres motifs. Bref, le Parlement était hors-jeu.   

 Au-delà de la lettre de la Constitution, des pratiques nouvelles sont apparues depuis 2008. A l’époque, Jean-Marc Ayrault, président du principal groupe parlementaire d’opposition de l’Assemblée nationale, avait sollicité une information plus complète des parlementaires en matière d’opérations extérieures. François Fillon, Premier ministre, avait accepté dans un parfait esprit républicain. Ces pratiques nouvelles ont été maintenues et développées depuis l’élection de François Hollande. La meilleure preuve en est le débat parlementaire organisé il y a peu sur la situation en Syrie. Il avait été précédé d’une séance d’information des présidents des assemblées, des présidents de groupes et des présidents des commissions parlementaires compétentes par le Premier ministre, le ministre de la défense, son collègue des affaires étrangères et le chef d’état-major des armées.

Je rappelle que ce débat va plus loin que ce que prévoit la Constitution, puisqu’il n’y avait pas eu déclenchement d’une opération militaire. J’ai d’ailleurs félicité le Premier ministre en séance, pour son initiative.

Puisque vous me posez la question de mon avis personnel, je soutiens une position constante depuis 2008. Je trouve qu’un vote pour solde de tout compte au bout de quatre mois est insuffisant. Je souhaite qu’à terme, on aille vers des votes réguliers de confirmation du soutien parlementaire aux opérations qui durent. Par ailleurs, l’idée d’un vote avant une intervention, lorsque c’est possible, me paraît intéressante. Je constate qu’en matière de défense, les clivages politiques habituels sont souvent atténués. Le matérialiser par un vote peut être une bonne chose. Cela conforterait nos militaires dans l’idée qu’ils détiennent un mandat.

De façon générale, je trouve que l’évolution de ces dernières années est importante et va dans le bon sens.

 

Plus particulièrement, pensez-vous que le Ministre de la Défense ait suffisamment informé les parlementaires sur la réalité des attaques chimiques attribuées au régime de Bachar Al Assad ?

Que ce soit lors de Serval ou sur la Syrie, notre niveau d’information est sans précédent. J’ai été personnellement associée aux réunions chez le Premier ministre. Lors de Serval, le ministre de la défense est venu présenter hebdomadairement à la commission l’évolution des opérations. Il est aussi venu nous présenter les éléments de renseignement sur la Syrie. C’est d’ailleurs sans doute dans les moments de crise que la communication entre nous est la plus fluide. C’est remarquable.

L’effort va même plus loin que l’information des parlementaires. La synthèse de renseignement rendue publique est une grande première. J’ai entendu certains gloser sur son contenu. Libre à eux. Moi, je constate que le Gouvernement a fait le choix d’assumer la publication du contenu de cette synthèse. Pour la première fois, les medias et nos concitoyens ont été destinataires d’informations sensibles. On mesurera dans l’avenir l’importance de cette innovation.

 

La rentrée s’ouvre également sur le débat de la future Loi de programmation militaire. Un cadre important qui va dimensionner la Défense française pour les années à venir. Malgré un effort budgétaire, la Défense doit également participer au redressement des comptes publics. Des fermetures d’unités sont programmées. Les traductions budgétaires de la LPM permettront-elles de remplir les objectifs du Livre Blanc ?

Globalement, je dirais oui, mais il est trop tôt pour vous répondre précisément. Vous savez bien que le problème, c’est moins le texte de la LPM que son exécution. Je vous propose de me reposer la question dans « un certain temps » !

Dans tous les cas, cette LPM ne sera pas une lettre au Père Noël comme j’ai pu en voir précédemment. Le ministre ne cache rien. Il dit tout. La LPM est fondée sur des hypothèses. Nous savons lesquelles. De la même façon, nous savons qu’il y a un prix à payer face à la crise. Je ne vous dis pas que cette programmation est tapissée de pétales de rose. Mais lorsqu’on sait d’où on vient, il faut être réaliste. J’ai participé aux travaux du livre blanc. Je sais combien certains souhaitaient ponctionner le budget de la défense. Au moins, nous serons en capacité de préserver l’essentiel, mais le boulet n’est pas passé loin. Je me félicite d’ailleurs du front commun de l’ensemble des acteurs de la communauté de défense pour éviter l’irrémédiable.

 

Certaines voix s’élèvent contre le risque d’une LPM déséquilibrée au profit de la marine et au détriment de l’armée de terre, qui serait particulièrement touchée (effectifs…). Quel est votre avis ?

Le ministre est garant de l’équilibre des choix effectués. Les parlementaires auront tout loisir de l’interroger sur ses choix. L’armée de terre va être touchée, c’est vrai. Je ne m’en réjouis pas. Mais je remarque que ses équipements seront au rendez-vous, à condition que les recettes extra-budgétaires soient réalisées. C’est un des points particuliers sur lesquels s’exercera la vigilance des parlementaires. Pour ma part, je pars du principe qu’elles seront au rendez-vous.

 

 A y regarder de plus près, le volet équipement est assez vague, malgré la volonté affichée de Jean-Yves Le Drian de soutenir l’industrie de défense, notamment celle terrestre. Or, Scorpion est un programme absolument nécessaire pour la modernisation des capacités de l’armée de terre, comme l’a montré l’opération Serval au Mali, mais reste conditionné à des ressources exceptionnelles qui pourraient s’avérer hypothétiques. Est-ce, pour vous, un sujet de préoccupation ?

Je ne partage ni votre appréciation, ni votre pessimisme. La LPM est aussi claire que possible, compte-tenu des incertitudes dues notamment à la renégociation des contrats. La LPM comportera des garanties en cas de ressources exceptionnelles non conformes aux prévisions. Quant à Scorpion, le ministre a rappelé lors de l’UED à Pau qu’il avait lui-même décidé de lancer la phase contractuelle d’un programme dont nul ne conteste aujourd’hui le besoin.

 

Photo: Patricia Adam (crédits: Assemblée Nationale)