Belgique : et si une « option Barkhane » réapparaissait ?

Des Dingo 2 du bataillon ISTAR, dont le dernier détachement intégré à la MINUSMA est rentré en Belgique en juillet dernier (Crédits : Défense/Bn ISTAR)

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L’opération Barkhane prendra fin l’an prochain, mais la Belgique semble maintenir la possibilité d’une participation au dispositif qui lui succédera, apprenait-on la jeudi dernier à Satory lors de la Présentation des capacités de l’armée de Terre (PCAT).

L’idée de projeter un sous-groupement tactique interarmes (SGTIA) belge au Sahel remonte à l’automne 2020. En cas d’accord politique, jusqu’à 250 militaires auraient pu être déployés en octobre 2021 et pour une durée de trois mois. Un projet ensuite jugé non faisable par la ministre de la Défense belge Ludivine Dedonder, en partie en raison du « développement de nouvelles initiatives dans le cadre de la Coalition pour le Sahel ».

Le sujet ne paraît pour autant pas totalement enterré et, si rien n’est acté, certaines unités de la Composante Terre continuent de s’entraîner dans cette perspective, nous explique l’un des militaires belges présents à Satory. Selon celui-ci, le contingent pressenti reposerait essentiellement sur le bataillon 12/13 de Ligne, une unité qui annonçait dès le mois de mai préparer un SGTIA « qui sera déployé en 2022 sur un autre théâtre d’opération ». L’un de ses capitaines a récemment effectué une mission au sein de Barkhane sous les ordres du 1er régiment de tirailleurs (1er Rtir). Les Lignards seraient accompagnés d’un peloton du bataillon de chasseurs ardennais, soit une quarantaine de « loups verts » et quatre véhicules Piranha IIIC.

Officiellement, le détachement concerné est engagé dans un cycle de préparation opérationnelle classique, donc non axé vers un théâtre particulier. Le nom du mandat pour lequel il s’entraîne – « BSS 1 » – est sans équivoque mais, côté militaire, on préfère rester prudent sur le choix de la destination et du calendrier. Il faudra attendre le plan des opérations 2022 pour en avoir confirmation. Le document sera soumis à l’aval du gouvernement durant la deuxième quinzaine du mois de novembre.

Un déploiement au Sahel aurait plusieurs intérêts, à commencer par la symbolique d’un engagement aux côtés d’un partenaire stratégique plusieurs fois demandeur d’un accroissement du « burden sharing », le partage des coûts et des risques. Estoniens, Danois et Britanniques l’ont bien compris et sont impliqués depuis plusieurs années à différentes échelles. C’est aussi une occasion unique pour la Défense belge de gagner en expérience opérationnelle sur un terrain exigeant pour les hommes et le matériel.

Pour les jeunes engagés de la brigade motorisée, les missions de terrain se sont considérablement raréfiées avec la fin de l’opération Vigilant Guardian et le retrait d’Afghanistan. La missions New Nero au Niger relevant du Special Operations Regiment, ne restent guère que l’EUTM Mali et l’opération enhanced Forward Presence (eFP) de l’OTAN en Lituanie pour « voir du pays ». Résultat des multiples désengagements, il n’y a jamais eu aussi peu de militaires présents à l’étranger, environ 340 en date du mois de septembre. L’impact sur la motivation et la fidélisation n’est pas négligeable, un enjeu auquel ne peut répondre seule la revalorisation salariale annoncée.

Enfin, se projeter aux côtés du partenaire français, c’est « opérationnaliser » le partenariat franco-belge CaMo et constater in situ les apports doctrinaux et capacitaires de Scorpion. À eux seuls, le Griffon et le Système d’information du combat Scorpion (SICS), déployés pour la première fois cette année au Sahel, seront « très différenciants pour le chef de véhicule », estime un chasseur ardennais.

Ces matériels auront un effet bénéfique sur la compréhension tactique et la communication du chef de véhicule. Mieux positionné par rapport à son groupe embarqué que dans un Piranha IIIC, le chef de véhicule Griffon disposera également d’un écran supplémentaire. « Au lieu de devoir faire un choix, je serai donc en mesure d’effectuer deux actions en simultané au lieu de devoir constamment basculer de l’une à l’autre », indique le militaire belge.

Fin septembre, la ministre de la Défense belge s’est rendue en personne au Sahel pour une visite de deux jours au Niger et au Mali. Accompagnée du chef de la Défense (CHOD), l’amiral Michel Hofman, elle a non seulement rencontré les militaires belges présents sur place, mais s’est aussi entretenue avec les commandants de la force Barkhane, le général Laurent Michon, et de la Task Force Takuba, le général Philippe Landicheff.  

À supposer que le scénario sahélien fasse finalement partie du panel d’options proposées à la ministre de la Défense pour 2022, rien ne dit qu’elle le retiendra. La crainte de pertes humaines n’est y pas étrangère, l’émotion qui en découlerait rendant le dossier particulièrement épineux. La transformation de Barkhane, de même que les récentes tensions entre Paris et Bamako, pourraient à leur tour instiller un désintérêt parmi la classe politique et contribuer à chercher un autre type de réponse, une participation renforcée dans Takuba par exemple, voire à abandonner purement et simplement le sujet.