Arquus rebondit en 2021 sur fond d’incertitudes à l’export

À Marolles-en-Hurepoix, en bout de ligne d'assemblage VBL Ultima

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« On peut dire que 2021 aura été l’année du rebond », annonçait hier matin le PDG d’Arquus, Emmanuel Levacher, lors de la présentation des résultats annuels. Mais si l’écueil de la crise sanitaire s’éloigne et le chiffre d’affaires repart à la hausse, de grosses incertitudes demeurent concernant le marché export.

Un rebond de 6% mais un mauvais résultat à l’export

Après un exercice 2020 fortement impacté par l’épidémie de Covid-19, Arquus est reparti dans le bon sens, « c’est à dire à la hausse en terme d’activité, en terme de chiffre d’affaires ». Ce dernier est en croissance de 6% par rapport à 2020 et se maintient à « environ 600 M€ ». « Ce n’est pas phénoménal mais c’est quand même un rebond technique », estime Emmanuel Levacher.

Arquus aura principalement bénéficié de l’ambition établie par le client français pour ses programmes d’équipements majeurs. « Sujet de grande satisfaction », le programme Scorpion arrive à vitesse de croisière. Hormis les 117 Griffon livrés un peu en avance, le GME formé avec Thales et Nexter a présenté les 20 premiers Jaguar à la Direction générale de l’armement (DGA). Sur le même sujet, 186 tourelleaux téléopérés (TTOP) T1 sont sortis de la ligne de production Hornet de Marolles-en-Hurepoix (Essonne). Le TTOP T2 est qualifié, le TTOP T3 du Jaguar le sera bientôt. Plus de 240 exemplaires supplémentaires seront livrés cette année.

En dehors de Scorpion, le site de Saint-Nazaire aura produit 1000 nouveaux VT4 standard 2 et assemblera les 1300 derniers exemplaires en 2022. « Nous avons aussi livré 72 VBL Ultima, version modernisée du VBL ». L’armée de Terre en percevra 120 de plus en 2022. Quant aux PLFS et VLFS du programme VTCFS, tous deux ont achevé les essais industrielles et entamé les essais étatiques sur base de quatre véhicules de pré-série. La validation finale pourrait intervenir en fin d’année 2022, autorisant le lancement de la production en 2023.

Bien qu’encore contraignante, la crise sanitaire n’aura pas empêché l’atteinte de certains jalons à l’international. Le client marocain a ainsi perçu 300 VLRA assemblés en un temps record. Arquus a également créé un atelier de soutien au Koweit aujourd’hui en ordre de marche. Le Qatar, enfin, a reçu ses premiers VAB 6×6 rétrofités, « une opération complexe, entamée en France et poursuivie au Qatar, au plus près du client ».

Autre signal encourageant, la poursuite d’une politique RH ambitieuse. L’an dernier, Arquus aura recruté 137 employés en CDI. Un effort « permanent et important » amenant à 500 le nombre d’engagements depuis 2017. Tous sites confondus, le taux de féminisation atteint aujourd’hui les 20%, un chiffre « que l’on considère insuffisant ». L’entreprise souhaite atteindre « le plus vite possible » un taux de 35% dans l’encadrement.

Seule ombre au tableau : des prises de commande en baisse. Si le résultat atteint avec le client français « est tout à fait honorable » avec 275 M€ engrangés, l’année aura été « un peu plus compliquée sur l’export ». Ce marché n’aura généré que 68 M€, « ce qui évidemment n’est pas à la hauteur de nos attentes », et représente environ 25% du total. Pareille tendance avait déjà été constatée il y a deux ans, avec un segment export alors en recul de 50%.

Le Covid n’y est pas pour rien, les contraintes en terme de déplacement à l’étranger empêchant de démarcher ou d’entretenir un contact régulier avec la clientèle. « Il semble que nous ne sommes pas les seuls », relativise Emmanuel Levacher. Les quelques succès enregistrés proviennent de cinq ou six pays, essentiellement du Moyen-Orient et d’Afrique. In fine, la rentabilité pour 2021 « n’est pas très bonne, mais elle est positive à un chiffre », avance Emmanuel Levacher.

Derrière Scorpion et l’innovation, Arquus continue de donner une seconde vie à certains parcs en service. Le VBL, par exemple, progressivement « ultimatisé » et livré aux unités de l’armée de Terre. (Crédits : 1er RIMa)

Regonfler le carnet de commandes

Arquus conserve malgré tout l’objectif de 1 Md€ de chiffre d’affaires annuel à l’horizon 2030, ce qui « suppose un sursaut en 2022 et au-delà ». L’optimisme est de mise, avec un chiffre d’affaires annoncé « en croissance modérée par rapport à 2021 ». Après un passage à vide, la prise de commandes devra « être supérieure à notre chiffre d’affaires », ajoute Emmanuel Levacher. Même son de cloche pour une rentabilité qui ne pourra être que meilleure.

« Nous ne sommes pas dans une logique de croissance effrénée, il s’agit de consolider, d’avoir une croissance modérée mais régulière ». Le tout, en compilant avec l’incertitude économiques, les tensions sur les chaînes d’approvisionnement et un environnement de plus en plus hostile aux activités de défense, « et je pense en particulier à la pression croissante, en particulier en Europe, de la réglementation, des standards, de la taxonomie ».

Que ce soit pour Arquus ou pour l’ensemble de la BITD, le contexte exige de continuer à être « soutenus par la commande française ». Bien que conséquents, les marchés Scorpion, VTCFS et VT4 ne suffiront pas. Heureusement pour la filière terrestre, la loi de programmation militaire est annonciatrice d’autres opportunités, à commencer par le renouvellement des parcs de porteurs tactiques et logistiques. Après l’appel à candidatures lancé en novembre dernier, un appel d’offres devrait être émis « dans les semaines à venir » en vue d’acquérir 9400 véhicules de plusieurs types. L’essentiel bénéficiera à l’armée de Terre et au Service de l’énergie opérationnelle (SEO).

Fournisseur historique de l’armée de Terre, Arquus « s’attend à une concurrence rude sur ce sujet ». Pour muscler son offre, l’entreprise a donc misé sur la constitution d’une équipe France. Celle-ci inclut notamment Soframe, filiale du groupe Lohr retenue pour le programme PPT. Basée sur la nouvelle gamme Armis d’Arquus, l’offre reposerait sur un châssis Renault Trucks 100% français. Lohr participerait à la fabrication de certains éléments de carrosseries et des cabines blindées. L’assemblage sera réalisé à Limoges.

Arquus se positionne aussi sur l’appel d’offres ROBIN, qui consiste à remplacer les quatre véhicules de déminage Buffalo en service depuis 2008 par des robots terrestres d’une masse de trois tonnes. Il pourra miser sur les compétences acquises grâce aux expérimentations menées avec son robot.lab, laboratoire robotisé roulant construit sur une base de Dagger (PVP). Un tel besoin ne s’adresse cependant qu’en coopération. S’il n’a pas souhaité détailler les partenaires éventuels, Emmanuel Levacher confirme qu’ « Arquus ne répondra pas seul ».

Arquus a d’emblée marqué son intérêt pour le futur véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE), successeur du VBL.  Embrayé au niveau européen, VBAE est pour l’instant alimenté grâce au projet FAMOUS 1, dans lequel Arquus est partie prenante. FAMOUS 2 en fin d’année au niveau FEDef. VBAE sera lancé en parallèle, potentiellement en lien avec la Belgique « et peut-être même avec le Luxembourg ». Mais il faudra encore attendre quelques années avant la publication d’un appel d’offres.

Côté export, il s’agira de s’implanter davantage en Europe pour diminuer la dépendance envers les clients moyen-orientaux et africains et se réorienter vers un équilibre 50/50 entre le grand export et le marché européen. Ici aussi, Arquus poursuit plusieurs pistes. En République tchèque, en Estonie et en Suède premièrement, mais aussi en Grèce, intéressée par le VT4 et le camion tactique VLRA, et en Roumanie, débouché potentiel pour le véhicule 4×4 Sherpa. Ces pays « sont les plus accessibles et les plus ouverts à des partenariats industriels », indique le PDG d’Arquus.

Pas question, cependant, de se détourner des marchés historiques. Le Maroc, par exemple, est dans le collimateur, cette fois dans le domaine des camions. La nouvelle division Hornet, enfin, continue de faire évoluer sa gamme de TTOP avec « des versions de lutte anti-drones ». Une première commande à l’international pourrait être actée cette année ou en 2023.