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Alimenter et protéger du froid, deux chantiers du SCA sur fond d’engagement majeur

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La faim et le froid, deux ennemis qui contribuent autant que les armes à éclaircir les rangs d’une armée mal soutenue. Et deux sujets sur lesquels se penche activement le Service du commissariat des armées (SCA), innovations et nouveaux équipements à la clef pour le combattant.

Le soutien de l’homme sur fond d’engagement majeur

Le SCA, ce sont 23 000 civils et militaires œuvrant quotidiennement au profit de 240 000 « soutenus ». Sans eux, pas de solde, pas d’hébergement, pas de treillis neuf et pas de popote, pour ne citer que quelques-unes de ses 11 fonctions. Du Levant aux États baltes, le SCA maintient en permanence et en moyenne environ 1000 hommes et femmes en posture opérationnelle. Sans compter les 150 personnels d’alerte Loutre susceptibles d’être déployés sous très court préavis, comme ce fût le cas fin février avec la projection du bataillon fer de lance de l’OTAN en Roumanie.

Ce maillon central du soutien interarmées s’est doté en janvier dernier d’une nouvelle feuille de route « Ambition SCA 2030 » déclinée de la Vision stratégique du chef d’état-major des Armées. Cette nouvelle trajectoire pour « gagner la guerre avant la guerre » conduit le SCA à s’adapter lui aussi à l’hypothèse d’engagement majeur et tout ce qu’elle induit en matières d’équipements individuels, de soutien de la vie en campagne ou encore de transport. Un effort en besoins nouveaux que les parlementaires ont estimé à 250 M€ sur la prochaine loi de programmation pour 2024-2030.

Le premier jalon du plan « Ambition SCA 2030 » sera atteint au premier semestre 2023, lors duquel le SCA participera « de manière extrêmement significative » à l’exercice ORION. Avec jusqu’à 12 000 militaires engagés en simultané lors de la phase 4 d’ORION, les armées renoueront avec des volumes de forces qui n’avaient plus été atteints depuis des décennies. Ce sont autant de bouches à nourrir, défi pour lequel SCA mobilisera environ 400 personnels ainsi qu’une soixantaine de modules de restauration permettant la vie en campagne, annonçait ce jeudi le commissaire en chef de première classe Alexandre Petitfaux, chef de l’État-major opérationnel du SCA.

« Cet exercice de grande ampleur permettra d’éprouver certains mécanismes de l’administration du temps de guerre mais aussi de tester les matériels et prestations logistiques de nouvelle génération », complétait le CRC1 Petitfaux lors d’un point presse ministériel axé sur le soutien de l’homme. Le test a d’ailleurs déjà commencé, avec l’anticipation du stock de rations nécessaire pour la durée de l’exercice, environ 400 000.

« Depuis 18 mois, le contexte a fait que nous avons accéléré d’une part nos travaux et d’autres part nos approvisionnements », indiquait pour sa part le commissaire général de deuxième classe (CRG2) Éric Neumann, chef du Centre interarmées du soutien équipements Commissariat (CIEC). De nombreux développements sont en cours, alimentés par les expressions de besoin, les retours d’expérience et la veille industrielle réalisée auprès des 200 fournisseurs en grande majorité français du SCA. Exemples avec l’alimentation et l’habillement.

Le général Thierry Burkhard (CEMA) début octobre lors d’une visite auprès du SCA, l’occasion d’approcher de nouveaux matériels en développement ou en dotation
(Crédits : CEMA)
Du soleil sahélien aux neiges baltes

L’hiver ne fait que démarrer, et il fera déjà jusqu’à -12°C ce samedi dans la ville estonienne de Tapa, là où sont basés les 300 militaires français déployés dans le cadre du dispositif « enhanced Forward Presence » de l’OTAN. Et si la météo est plus clémente pour le millier de soldats français engagés en Roumanie, elle reste aux antipodes de ce qui est vécu depuis une décennie au Sahel ou au Levant.

Cette « bascule climatique » n’est pas passée inaperçue du côté du Service de santé des armées (SSA), auteur d’une étude récente sur les conditions climatiques et notamment le grand froid. Autant de données qui permettent au SCA d’orienter ses fournisseurs dans la bonne direction. « Nous essayons de leur donner de l’anticipation pour leur dire que dans les deux ans à venir nous allons changer potentiellement de milieu d’action », relève le service.

Des habits « grand froid », l’armée de Terre en a toujours eus pour protéger les unités habituées à combattre dans ces conditions, la 27e brigade d’infanterie de montagne en tête. « Depuis quatre ou cinq ans, nous avons très largement améliorés nos matériels, et notamment ceux liés à la protection face au froid », estime le CRG2 Neumann. Mais le contexte invite à se pencher sur la problématique du volume. « Au regard du risque que l’on rencontre actuellement, il faut avoir beaucoup plus d’effets pour équiper beaucoup plus de personnels ».

Le SCA maintient le concept de couches multiples en vigueur dans les armées. Soit de deux à six couches selon la zone de froid identifée parmi les trois du SSA. Voici un peu plus de deux ans que le SCA planche sur un nouvel article, une veste thermique polyvalente destinée principalement à équiper l’armée de Terre. Environ 60 000 seront livrées en 2023. « Et nous allons continuer à en approvisionner ensuite », précise le CRG2 Neumann.

Loin du Sahel, le renforcement de la posture française en Europe se traduit par de nouveaux besoins en effets d’habillement pour se protéger de la rigueur hivernale (Crédits : EMA)

« Le temps un peu notre ennemi » et, parallèlement à l’accélération des études et des développements, le SCA a lancé un certain nombre d’acquisitions rapides pour augmenter ses stocks. Un moyen comme un autre de réduire les cycles de mise au point et d’approvisionnement des premiers effets, généralement de 18 à 36 mois. Certains articles disponibles sur étagère et qualifiés par le SCA ont ainsi été commandés il y a un peu plus d’un an. « Nous nous inspirons aussi des armées étrangères », complète le service. Une tenue « grand froid » identifiée auprès de l’armée norvégienne sera ainsi bientôt l’objet d’une expérimentation, avec pour enjeu de capter la bonne idée à adapter sur une éventuelle solution franco-française.

Et cette logique de couches multiples s’étend à l’hébergement individuel ou collectif. La tente, « élément essentiel pour le militaire en opération », a évolué depuis une petite décennie vers un modèle plus résistant et modulaire. Le SCA travaille là aussi à lui rajouter des couches pour mieux isoler ses occupants du froid, avec de premiers résultats attendus pour l’an prochain.  

Remplir les estomacs

« Une armée marche avec son estomac ». Deux siècles après cette sortie napoléonienne, la Russie ne semble toujours pas avoir retenu la leçon au vu des témoignages de soldats affamés relevés dès le début de sa tentative d’invasion de l’Ukraine. Côté français, la question de l’alimentation est et continuera d’être un axe d’effort permanent. « Ces dernières années, le SCA a participé à toutes les opérations d’entrée en premier, avec la singularité des armées françaises qui est de déployer le soutien en même temps que l’engagement », rappelle le CRG2 Neumann.

Son service planche aujourd’hui sur de nouveaux matériels de projection adaptés aux nouveaux concepts d’emploi de l’armée de Terre. Ce sont, entre autres, des cuisines roulantes qui seront développées « de manière à les rendre plus mobiles et à permettre un déploiement plus rapide sur zone ». Ce projet, lancé il y a environ un an, débouchera sur un prototype l’an prochain. Il sera testé en 2024, préalable à une passation de marché pour la rénovation de la totalité du parc. Selon un appel d’offres publié hier, jusqu’à 150 modules cuisine pourraient être acquis avec pour objectif de disposer d’un parc intéressant « à partir de 2027-2028 ».

Le collectif s’invite désormais aussi dans des rations de combat « très appréciées des militaires si on en juge par le taux d’échange en OPEX ». Nouveau concept expérimenté en Roumanie, la ration collective veut répondre à deux impératifs du maintien du moral en opération : la variété et la convivialité. Au-delà, cette ration vise à livrer une solution de restauration complète pour 30 militaires pour une journée, instruments de réchauffage inclus. L’intérêt est double : l’autonomie totale pour les combattants et l’économie de moyens matériels pour le SCA. Le concept existait déjà dans l’armée américaine. La France y aura ajouté son exigence qualitative et sa culture gastronomique. « Pour l’instant, nous sommes très satisfaits de l’expérimentation. Nous souhaitons maintenant entrer dans la phase industrielle, et pour cela il nous faut du budget ». Une ligne financière que le SCA a proposé d’inscrire dans la future LPM 2024-2030.

En individuel également, l’amélioration est constante. « Nous fournissons de l’épicerie fine en mode industriel », soulignait le CRG2 Neumann. La seule ration de combat individuelle réchauffable (RCIR) est déclinée en 14 menus, dont sept sans porc. Deux menus 100% végétariens viendront bientôt agrandir la gamme. En parallèle, le SCA travaille sur une ration individuelle lyophilisée qui s’avérera « très utile dans les milieux dans lesquels il y a de l’eau disponible ». Son intérêt ? Un poids réduit à 1 kg, contre 1,7 kg pour la RICR, tout en conservant les mêmes caractéristiques en termes de salubrité et de nutrition. Environ 80 000 sont produites chaque année par l’établissement logistique du Commissariat des armées (ELoCA) d’Angers (Maine-et-Loire).

Derrière la qualité, le SCA planche sur la quantité. L’hypothèse d’engagement majeur, c’est la perspective d’avoir davantage de bouches à nourrir dans la durée, des bouches tant militaires que potentiellement civiles. Ouvert il y a trente ans, l’ELoCA d’Angers produit environ deux millions de rations de tous types par an. Une enveloppe de 10 M€ a été débloquée pour moderniser cet outil unique en France. Ses robots de conditionnement seront remplacés pour être en mesure, dès 2023, « d’augmenter très largement sa capacité de production pour satisfaire cette hypothèse d’engagement majeur », annonce le CRG2 Neumann.

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