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Vues de Norvège : nous sommes aussi l'Europe de la défense

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À l’occasion de sa visite à l’Élysée le 27 février, la Première ministre norvégienne Erna Solberg a souhaité faire part de son inquiétude quant à l’avenir de l’Europe de la défense. Selon la presse norvégienne, le pays est préoccupé par le nouveau fonds de défense lancé par l’Union européenne cette année et qui exclut les industriels étrangers aux pays membres. Les Norvégiens, très en faveurs de l’alliance avec les États-Unis, sont également sceptiques sur le rôle que devra jouer la coopération structurée permanente  (PESCO). 

 

Emmanuel Macron et la Première ministre norvégienne, Erna Solberg, le mardi 27 février à l'Élysée. ( POOL/AFP / IAN LANGSDON )

Emmanuel Macron et la Première ministre norvégienne, Erna Solberg, le mardi 27 février à l’Élysée. ( POOL/AFP / IAN LANGSDON )


 

Lorsqu’ils se sont rencontrés ce mardi 27 février, Emmanuel Macron et Erna Solberg avaient beaucoup de choses à se dire, il s’agissait de discuter du Brexit, comme du terrorisme et de la radicalisation ou encore du climat. Mais selon les journalistes norvégiens, les discussions sur la défense étaient, en tout cas pour leur pays, particulièrement importantes. Selon eux, l’objectif de Solberg, en visite à Paris, était de mieux faire comprendre au président français le point de vue de la Norvège en matière de défense européenne. La Norvège participe à l’économie de l’Union européenne, puisque membre de l’espace économique européen (EEE), ainsi qu’à sa sécurité par le biais de l’alliance nord-atlantique. Son industrie de défense est en pleine croissance et souhaite échanger d’avantage avec les industriels de l’UE. Pourtant elle a le sentiment d’être mise sur la touche quand il s’agit de parler d’Europe de la défense, et quand on est un cas à part il est difficile de se faire entendre.

 

La préoccupation norvégienne est principalement liée au programme de l’UE pour nouveau fonds de défense qui doit financer des projets menés en coopération par au moins trois industriels issus d’au moins deux pays membres de l’UE. De fait, ce fonds de recherche exclut la participation d’industriels de défense norvégiens, comme Kongsberg dont le chiffre d’affaires a atteint 1,6Mds€ en 2017 et qui peut proposer des systèmes d’armes ultra-technologiques aux forces terrestres, navales et aériennes. La Norvège aimerait qu’on lui reconnaisse son exception parmi les membres de l’OTAN non-membres de l’UE. Effectivement, d’un côté, la Turquie ou les Etats-Unis ne sont pas membres de l’EEE, il n’y a pas de raison qu’ils bénéficient des retombées de l’Europe de la défense si la Norvège venait à y bénéficier. D’un autre côté, quand le Royaume-Uni a décidé de quitter l’UE, la France s’est prononcée en faveur de programmes d’armement communs et d’une coopération de défense renforcée entre le pays du Brexit et l’UE.. on ne peut pas dire que la Norvège puisse se targuer d’un même intérêt français pour sa défense. Le pays scandinave n’a pas avec la France la relation qu’elle peut avoir avec l’Allemagne, ou la relation que la France peut avoir avec le Royaume-Uni et, reconnaissant au président Macron un certain leadership et la volonté de faire bouger les choses, elle craint que l’Europe de la défense advienne sans elle.

 

« En ce qui concerne la sécurité européenne, j’ai salué la Revue française de défense et de sécurité nationale, y compris votre réengagement clair en Europe du Nord et votre engagement envers l’OTAN. Nous soutenons également vos efforts pour renforcer la coopération européenne en matière de défense. La Norvège a beaucoup à offrir dans ce domaine et nous continuerons à être les premiers là où l’UE voudra développer sa coopération avec des pays tiers partageant les mêmes idées » a ainsi assuré la Première ministre norvégienne leur de la déclaration commune avec Macron. Le ministre des Affaires étrangères, Ine Eriksen Søreide, avait estimé de son côté que ce n’était pas « dramatique » pour la Norvège si elle devait rester en dehors de la coopération, mais que « ce serait encore plus bénéfique pour l’industrie » si elle pouvait y participer.

 

Évidemment, ce pays européen non-membre de l’UE mais membre de l’OTAN a été alarmé par les récents engagements des Français et des Allemands en faveur d’une défense européenne stratégiquement autonome de l’allié américain, et donc de l’OTAN; et sa Première ministres veut alors dire à l’UE : n’oubliez pas le Royaume-Uni, n’oubliez pas les Etats-Unis, ne nous oubliez pas, car la Russie elle, elle ne nous oublie pas. Bref, la Norvège ne veut pas se retrouver toute seule si la sécurité de l’Europe n’est plus assurée par l’OTAN. Imaginons qu’il a été supplanté dans son rôle par une coopération européenne de défense, la Norvège ne pouvant y participer, sa sécurité ne dépendrait plus dès lors que du bon vouloir américain.

 
 

Le même jour où Solberg se rendait à Paris, le secrétaire d’Etat à la défense, Tone Skogen était à Bruxelles pour discuter avec des parlementaires européens de l’ouverture du fonds européen de défense au pays de l’EEE. Pour la Norvège, la participation de son industrie aux projets de défense communs ne pourra être que bénéfique pour l’UE, ce le sera tout autant pour le pays scandinave qui souhaite augmenter ses dépenses militaires pour équiper ses forces et pour respecter la règle des 2% du PIB consacrés à la défense pour les signataires de l’OTAN. Reste à savoir si les États-Unis, dont 300 Marines participaient la semaine dernière à un exercice de guerre hivernale sur le territoire norvégien, apprécieront que leur allié court après l’UE pour pouvoir participer à l’un de ses plus significatifs programmes en matière de défense.

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