Ni baisse, ni croissance en 2022 pour le missilier européen MBDA, mais un chiffre d’affaires qui se maintient au niveau de 2021 et une prise de commandes record. Et si l’impact du conflit en Ukraine reste marginal, MBDA s’adapte pour répondre aux nouveaux enjeux de production que le contexte sécuritaire engendre.
MBDA a enregistré un chiffre d’affaires de 4,2 Mds€ en 2022, résultat identique à celui réalisé un an plus tôt, année record pour l’entreprise formée par Airbus, BAE Systems et Leonardo. Des records, MBDA en a décroché au moins deux : des prises de commandes « exceptionnelles » valorisées à 9 Mds€, soit une hausse de 76% par rapport à l’exerciez précédent portant le carnet de commandes à 22,3 Mds€.
« Pas de hausse spécifique » mais « de belles performances » portées par plusieurs succès emblématiques, déclarait hier le PDG du groupe, Eric Béranger. Ce sont, parmi la clientèle domestique, des commandes de missiles antichars Akeron MP par la France et de systèmes sol-air CAMM-ER par l’Italie. Côté export, ce sont les lots d’armements acquis par les Émirats arabes unis et la Grèce pour leurs avions Rafale, mais aussi le contrat décroché auprès de la Pologne pour des systèmes sol-air CAMM-ER.
« Il n’y a aucun impact de l’Ukraine à ce stade sur les résultats de MBDA », pointait Éric Béranger. « Il y a par contre un grand nombres de défis générés par cette situation ». Les menaces se sont multipliées, à commencer par les drones, munitions rôdeuses et missiles hypersoniques. Plus encore, le conflit a mis en lumière les fragilités des outils de défense européens et les limites des filières industrielles nationales, entre autres en matière de défense antiaérienne.
« Je pense que ce qu’il se passe en Ukraine a aussi été, pour les pays européens, un rappel brutal de l’importance de la sécurité (…) et, au-delà, de la souveraineté ». Nombreux sont les États qui ont changé de braquet et tentent de se réarmer à marche forcée. En France, l’effort repose intégralement sur une future loi de programmation militaire 2024-2030 dont le pilier « défense sol-air » devrait bénéficier d’une enveloppe de 5 Mds€.
« Cela signifie qu’il y a un besoin pour plus de volumes, mais aussi une accélération dans un contexte d’inflation et de tensions sur la chaîne de sous-traitance. Certains composants sont soudainement devenus indisponibles avant 24 mois. Et pour d’autres composants, il est même impossible d’obtenir un engagement en terme de temps de livraison », souligne le PDG de MBDA.
Après des années à profiter des dividendes de la paix, « désormais, le temps compte », relève Éric Béranger. Cette dynamique d’accélération produit déjà de premiers effets pour le missile antiaérien Mistral 3, pour lequel MBDA poursuit l’objectif de passer rapidement de 20 à 40 unités produites par mois. Alors pour résoudre l’équation, le groupe optimise ses processus, poursuit le dialogue avec ses quelque 1600 sous-traitants et travaille à gonfler ses stocks, réponse logique à l’incertitude imposée sur les délais d’approvisionnement.
Le défi est aussi humain, facteur « le plus important dans toute industrie ». En 2022, MBDA aura recruté 1570 employés. Plus de 2000 postes seront à pourvoir cette année, ce qui « est absolument énorme ». Derrière l’effort de production, le besoin s’oriente essentiellement sur des profils d’ingénieurs nécessaires pour poursuivre les nombreux développements en cours, du futur missile Akeron LP à l’évolution du missile Aster et autres projets français de munitions rôdeuses Larinae et Colibri. Bien qu’écarté du programme européen HYDEF, MBDA reste aussi dans la course aux armes hypersoniques via son projet d’intercepteur Aquila.
L’avenir du groupe ne se limite pas à son seul périmètre. « Il est très important de continuer à encourager les coopérations afin d’avoir les ressources humaines, industrielles et financières nécessaires pour répondre aux besoins ». Et permettre à l’Europe d’atteindre la masse critique sans passer par des solutions étrangères. « Dans un contexte où la coopération et la souveraineté sont si critiques, MBDA est plus pertinent que jamais », poursuit Éric Béranger.
Le groupe, fruit d’une coopération lancée il y a 20 ans, multiplie les initiatives conjointes dans tous les segments : dans l’antinavire avec le missile FC/ASW conçu en franco-britannique, dans l’antiaérien avec l’Italie, la France et la Grande-Bretagne, et dans l’antichar avec un Akeron MP aux performances « musclées » via le Fonds européen de défense. Qu’importe le sujet, « nous redécouvrons, je pense, à quel point la coopération est une force ».
Crédits image : MBDA / Adrien Daste