D’ici peu, l’Allemagne aura donc son propre CENZUB. Baptisée « Schnöggersburg », cette petite ville fantôme, partiellement inaugurée en octobre 2017, servira de nouveau centre d’entraînement au combat urbain pour la Bundeswehr et deviendra la plus grande infrastructure du genre en Europe.
Et voici Schnöggersburg, le plus grand centre d’entraînement au combat en zone urbaine d’Europe (Crédit photo: Bundeswehr)
Selon l’ONU, 65% de la population mondiale résidera en ville d’ici 2050. De même, les trois quarts des conflits se déroulent aujourd’hui en zone urbaine, bouleversant au passage les doctrines et tactiques, et nécessitant plus que jamais d’actualiser les méthodes et outils d’entraînements. De l’ambassade à la prison en passant par la place du marché, Schnöggersburg, situé à proximité de Letzingen (ouest de Berlin), est donc est conçu pour permettre l’élaboration d’un éventail exhaustif de manœuvres en zone urbaine.
Paradoxalement, Schnöggersburg servira, entre autres, à l’entraînement au maintien de l’ordre et à la gestion des foules, autant de missions pourtant interdites à la Bundeswehr par la constitution allemande.
Maisons, gares, installations industrielles, rivière, aérodrome et, même, un tunnel de métro de 350 m de long : ce sont 520 bâtiments et infrastructures diverses répartis sur 6 km² et reliés par 16,5 km de routes. Schnöggersburg abrite même un lieu sacré « hybride », sorte de croisement entre une église, une mosquée et un temple. Une fois la construction du centre achevée, près de 6000 capteurs et caméras permettront d’enregistrer les moindres faits et gestes des soldats ou véhicules en exercice afin d’analyser et d’évaluer par après leur comportement en 3D. Le tout pour un budget total de 140M€.
La fin des travaux est prévue pour 2018 en vue d’une opérabilité complète à l’horizon 2020. À terme, Schnöggersburg devrait pouvoir héberger et entraîner jusqu’à 1500 soldats simultanément, pendant au moins 240 jours par an.
Mais Schnöggersburg est bien plus qu’un centre d’entraînement. Il sert également de vitrine commerciale au profit de Rheinmetall, principal maître d’œuvre. Avec succès, semble-t-il, car l’industriel allemand s’est rapidement vu attribuer, en septembre 2012, un contrat de 100M€ pour la construction de… 500 km² d’infrastructures équivalentes à Mulino (est de Moscou) au profit de l’armée russe.
Ces chiffres, certes impressionnants, posent néanmoins la question de la multiplication de ce type de structure en Europe. N’eût-il été pas plus judicieux d’allouer une partie du budget allemand à, par exemple, l’extension du CENZUB? Un signal politique d’autant plus fort que Sissonne ouvre (très) régulièrement ses portes aux soldats britanniques, belges, ou encore… allemands. À l’heure où les budgets de défense repartent difficilement à la hausse et où l’idée d’une « Europe de la défense » est sur toutes les lèvres, il semble en effet aberrant que l’Allemagne n’ait pas décidé de communaliser cette capacité, au fond peu stratégique, avec la France. La coopération structurée permanente (PESCO), activée en décembre dernier, est arrivée trop tard pour endiguer la redondance des programmes. Elle pourrait néanmoins permettre de renverser la vapeur grâce, notamment, à l’Autriche, qui souhaite s’appuyer sur ce nouvel élan coopératif pour partager son savoir-faire en matière d’entraînement en montagne aux pays européens.
*Centre d’entraînement aux actions en zone urbaine, ouvert en 2006 au sein du camp de Sissonne (Aisne)