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Ressusciter le planeur militaire ?

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Et si les Marines américains ressuscitaient le planeur militaire ? Loin d’être absurde, ce projet est aujourd’hui mené au profit de l’USMC sur base de planeurs « low cost » produits par la société californienne Logistics Glider. Alors qu’une première série d’essais en vol des démonstrateurs arrive à son terme, retour sur la réapparition d’un concept centenaire.
 

Un planeur LG-1K à l'échelle 1/2 présenté au salon SAS 2019

Un planeur LG-1K à l’échelle 1:2 présenté au salon SAS 2019


 
Certains nostalgiques, à l’approche des commémorations du 75e anniversaire du débarquement du 6 juin 1944, en rêvent, quand d’autres en outre-Atlantique sont sur le point de remettre le concept de planeur militaire au goût du jour. Depuis 2015, l’usage d’un tel vecteur pour des missions de ravitaillement est très sérieusement étudié au travers des programmes TACAD (Tactical Air Delivery) et RAIN (Revolutionary Airlift Innovation), pilotés de front par le Marine Corps Warfighting Laboratory (MCWL) et la DARPA. « Il s’agit d’une idée héritée de la Seconde Guerre mondiale et repensée avec des technologies modernes », nous expliquait Chandler Hirsch, inféodé au Future Technology Office du MCWL, lors du salon Sea Air & Space organisé la semaine dernière à Washington. De fait, les planeurs LG-1K TACAD et LG-2K RAIN de Logistics Glider en conservent la rusticité, mais viennent y ajouter des méthodes de fabrication modernes, de même que des matériaux et une avionique en partie issus du marché civil. Ces deux modèles ont été conçus « pour être extrêmement bon marché et faciles à assembler, donc nativement pensés pour la production en série », ajoute Hirsch. Ainsi, un planeur américain Waco CG-4A, pour ne citer que le modèle le plus courant, nécessitait l’assemblage de 70 000 composantes quand « nos prototypes actuels ne sont composés que de 400 pièces non rivetées ».
 
À terme, les programmes TACAD et RAIN envisagent de fournir une alternative « low-cost » pour effectuer une partie du ravitaillement entre les bases logistiques et certaines unités isolées. Grâce à une finesse moyenne évaluée à 13:1, les LG-1K et LG-2K sont susceptibles de transporter des charges respectives de 317 kg et 816 kg dans un rayon maximal de 110 km. « Dans le cas du LG-1K, cela correspond à l’empreinte logistique d’une section de 13 Marines pour une période de 24h », estime Hirsch. Jour après jour, le ballet des planeurs assurerait le ravitaillement quotidien des soldats, les autorisant à ne porter que les provisions et munitions nécessaires pour deux jours d’autonomie au lieu des quatre jours préconisés. L’apport régulier et précis du planeur permettrait en conséquence d’éliminer une part non négligeable du facteur « poids », synonyme de fatigue musculaire et potentiellement handicapant lors d’actions de feu ou de combat. Dès l’origine, les RETEX issus des Marines auront été déterminants pour façonner des systèmes « susceptibles également d’alimenter de petites bases isolées, telles que les FOB établies dans les vallées d’Afghanistan ou les plaines d’Irak ».
 
Exit donc le coûteux et chronophage pont aérien nécessitant de fixer un minimum d’infrastructures et de personnel, parfois à proximité des zones de combat. Grâce à leurs ailes repliables, ces planeurs peuvent être déployés au départ d’approximativement tous les aéronefs de transport américains. Du MV-22B Osprey au UH-60 Black Hawk, en passant par le C-130 Hercules et, bientôt, le CH-53K King Stallion, ceux-ci sont destinés à de servir de plateformes de lancement mobiles soit au départ de la rampe, soit en élingue. Un MV-22B, notamment, peut transporter quatre LG-2K, un C-130 jusqu’à 18 systèmes, permettant de ravitailler plusieurs unités en simultané.
 
Le processus d’utilisation, simplissime, s’apparente à celui de n’importe quel drone existant. L’opérateur se contente en effet de préprogammer le plan de vol et la destination finale dans un logiciel de navigation « low cost » qui, assisté d’un GPS, amènera le planeur sur objectif de manière automatique. Une fois parvenu à basse altitude et à proximité du point de livraison, un parachute cruciforme s’extrait de la queue du planeur, le stoppant net dans sa progression, « à l’instar des systèmes utilisés par les dragsters ». L’aéronef chute ensuite vers le sol et, in fine, s’y écrase sans – en théorie du moins – menacer l’intégrité du contenu. Le planeur est conçu pour ne dévier qu’au minimum une fois en phase de parachutage grâce à sa charge et à une faible prise au vent. « Deux caractéristique qui devraient lui permettre de passer aisément à travers une canopée ou d’atteindre une zone confinée en environnement urbain », précise Hirsch. « Une fois utilisé, le planeur, ou ce qu’il en reste, est laissé sur place », les matériaux et systèmes de guidages utilisés étant sélectionnés pour n’apporter aucun avantage technologique à l’ennemi susceptibles de les récupérer. Ensuite, ne pas forcer les Marines à récupérer des dispositifs sensibles (ordinateur de bord, GPS, etc), qui risqueraient de les surcharger, voire de rallonger inutilement la mission de récupération du ravitaillement, réalisée « à découvert ». « Nous utilisons par exemple des technologies issues de smartphones de 3e génération (ndlr: 3G) », nous explique-t-on. Ces planeurs seront par ailleurs susceptibles « de pénétrer en espace aérien supposément contrôlé par l’ennemi, risquant d’être abattus par n’importe quel missile de défense antiaérienne ». Dépourvus de toute capacité d’autodéfense, les planeurs devront compter sur une surface équivalente radar minimale et une vitesse de pointe de 185 km/h pour le LG-1K, et jusqu’à 240 km/h pour son grand frère, pour tenter d’échapper aux éventuels systèmes de défense antiaérienne.
 

Un planeur LG-2K lancé d’un avion de transport Shorts SC-7 Skyvan (Crédit: Logistics Glider Inc.)


 
 
« Cela nous a pris beaucoup de temps pour concrétiser l’idée, mais finalement nous sommes désormais presque parvenus à la fin des essais en vol », confirme Hirsch. À ce jour, six vols d’essai ont été réalisés pour chacun des deux organismes impliqués, la dernière campagne de tests s’étant achevée en octobre 2018 avec un lancement au départ d’un avion de transport civil Shorts SC-7 Skyvan. Résultat ? « Nous sommes très heureux du concept, mais ce que nous devons affronter au final, c’est le fait que nous avons davantage d’exigences auxquelles il faut répondre que de dollars à notre disposition ». À l’image de toute innovation, « si vous n’en achetez qu’un seul, ce modèle est forcément onéreux, mais si vous en commandez des milliers vous diminuez drastiquement le coût par unité. Le but ici étant de pouvoir produire massivement ce planeur afin de diluer les coûts de développement et de parvenir à un prix par heure de vol bien inférieur à celui d’un avion moderne ». À titre d’exemple, les calculs réalisés au départ du LG-2K évaluent à une tonne l’économie de carburant par largage réalisé au départ d’un MV-22B. Ajoutez à cela l’usage de matériaux et sous-systèmes directement disponibles, les lancements multiples à partir d’une unique plateforme, de même que l’absence d’équipage, de carburant et d’entretien et vous obtenez un prix unitaire variant de 1500 à 3000 dollars, en fonction du nombre de modèles commandés.
 
Contrairement au LG-1K dont les résultats des tests ne seront publiés que « prochainement », le LG-2K, est lui d’ores et déjà l’objet d’une première étude post-expérimentale. D’après celle-ci, la dernière campagne d’essais en vol devrait être clôturée à l’été prochain. Dans ce sens, ce programme bénéficie, pour l’exercice 2019, d’un nouveau financement de la DARPA pour deux à quatre systèmes supplémentaires, avec pour objectif final d’atteindre le niveau de maturité technologique TRL-7 d’ici l’automne 2019. Cette dernière phase impliquera donc de nouveaux lancements au départ de MV-22B et de C-130 avec, pour la première fois, des exemplaires chargés.
 
Débutera, enfin, une étape critique de démonstration d’un prototype abouti « aux services intéressés. Nous essayons de rallier le soutien nécessaire, de sensibiliser les gens à cette nouvelle approche et, en fin de compte, de voir si nous pouvons envisager une éventuelle phase d’acquisition ». Au MCWL et à la DARPA le développement, les tests, et la communication des résultats ; à l’USMC, ensuite, de concrétiser l’intégration d’une telle capacité au sein de ses unités. Une décision qui, selon Hirsch, s’avérerait d’autant plus pertinente que le système ne présente aucune réelle « date de péremption ». La simplicité des matériaux utilisés et le faible encombrement des planeurs autorisent « des achats massifs réalisés bien en amont, chaque système pouvant être aisément stocké en temps de paix puis ressorti de son cocon en fonction du besoin, sans altération des composantes ». En espérant qu’il ne faudra pas attendre à nouveau 75 ans pour voir réapparaitre une telle « bête de somme » sur les théâtres d’opérations.

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