Après 10 jours de recul et de grignotage de l’ennemi Mercure, les 12 000 militaires français et alliés engagés dans la phase 4 de l’exercice ORION ont entamé la contre-attaque. Une offensive qui passe par l’Aisne et Jeoffrécourt, village de combat du Centre d’entraînement aux actions en zone urbaine (CENZUB-94e RI) capturé ce matin.
« Contact, contact ». Aux cris des combattants du 24e régiment d’infanterie succèdent automatiquement le crépitement des armes. Héliportés quelques minutes plus tôt par un groupement aéromobile franco-espagnol, ils font partie de la force chargée de débusquer et détruire le résidu de résistance retranché dans le village. À eux de « retirer une épine dans le pied de la division », une force adverse (FORAD) constituée du 2ème régiment étranger de parachutistes et du 94e RI et qui, bien que réduite à l’équivalent d’une compagnie, reste aguerrie et inventive.
Seul régiment l’armée de Terre entièrement composé de réservistes, le 24e RI s’est vu confié un rôle essentiel. Ce bataillon d’infanterie de zone arrière formait l’une des deux mâchoires d’un assaut coordonné avec le groupement tactique interarmes à dominante blindée formé par le 12e régiment de cuirassiers et ses appuis du 16e bataillon de chasseurs à pieds, du génie et de l’artillerie. La manoeuvre, malgré sa complexité, aura mis en lumière la valeur opérationnelle et le rôle du millier de réservistes mobilisés pour ORION dans la sécurisation des arrières. « Les unités de réserve font de la protection, mais sont aussi capables d’intervenir sur ce type d’opération de nettoyage », commentait le général Emmanuel Gaulin, commandant le Corps de réaction rapide – France et l’ensemble de la force ORION lors de cette ultime phase.
Cloisonnée, compartimentée, parfois « préparée » par l’adversaire, la zone urbaine exige un combat long et minutieux. La visibilité est réduite à quelques dizaines de mètres dans le meilleur des cas. Les mêmes gestes doivent être répétés bâtiment par bâtiment. En découlent quelques actions courtes mais « de haute intensité ». Un face-à-face entre un char Leclerc et un char AMX-30B2 adverse par exemple, par exemple, ou la rencontre inopinée et « explosive » entre un groupe du 16e BCP et quelques ennemis embusqués. Le Leclerc aura beau être technologiquement supérieur, à cette distance « c’est l’acte réflexe de l’équipage qui fera la différence, un geste que seul assure l’entraînement », souligne le chef de corps du 12e RC, le colonel Patrick Guillaume.
Le lieu a beau être connu, l’opération demandait de combiner agressivité, violence et maîtrise du rythme pour bousculer un adversaire qui cultive l’incertitude et la discrétion. Pour « gagner du temps contre du terrain », celui-ci n’a pas lésiné sur les pièges et obstacles. Certains accès ont été minés et façonnés pour canaliser le GTIA blindé. Avec un certain succès initial au vu du VAB détruit dès les premiers instants.
La bataille de Sissonne, la seule menée en zone urbaine durant ORION 4, apportera son lot de retours d’expérience. Ils viendront s’additionner à ceux générés par certains affrontements similaires vécus et en cours sur la ligne de front ukrainienne. La bataille de Bakhmout, par exemple, le général Gaulin la suit de très près. « Il y a des savoir-faire qui m’intéressent beaucoup, que ce soient en termes de tactique ou de technique. (…) Nous essayons de comprendre comment il faut évoluer pour être tout à fait opérationnels et gagner ». Mais avant les RETEX, place à l’offensive déclenchée – sauf action de déception de la part des alliés – demain sur les rives de l’Aisne.