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Opération Serval: premiers bilans

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Tel est pris qui croyait prendre. L’unification des trois mouvements djihadistes (Aqmi, Mujao et Ansar Dine) comptait prendre de vitesse l’EUTM Mali (la mission européenne de formation de l’armée malienne) et disloquer ce qui restait de l’armée régulière, regroupée à Sévaré, entre Konna et Mopti, pour ainsi rendre de facto impossible la mise sur pied de l’initiative européenne. L’opération française Serval aura sauvé la situation in extremis et stoppé les colonnes rebelles qui étaient sur le point de faire sauter le dernier verrou malien de Sévaré. Après une journée de combat, Sévaré est sauvé, Konna repris, le fragile Mali est préservé et le nord en voie de reconquête. Il n’y aura pas de « Malistan ».

Surprise ! En quelques heures seulement c’est donc un véritable théâtre d’opération qui s’est ouvert hier pour l’armée française, qui engage de lourds moyens. Un théâtre qui devrait s’inscrire dans la durée, probablement pour plusieurs mois. Car les gigantesques distances du pays vont rendre la suite des opérations beaucoup plus délicate. L’ennemi n’est pas une armée constituée mais un amalgame de pick-up armés qui chassent en meute et disparaissent très rapidement. Et l’armée malienne à former est en piteux état.

 

L’opération Serval, jusqu’où?

Les armées françaises continuent leur montée en puissance. Déploiement d’un groupe aéromobile (GAM), constitué d’hélicoptères vieillissant Gazelle, mais qui sont encore les seuls à posséder une capacité missile « stand off » avec le missile HOT de 4km de portée (le Tigre HAD muni de missile Hellfire ne rentre en service qu’en février-mars) et de quelques Tigre HAP (canon de 30 mm). Côté aérien, 12 aéronefs évoluent maintenant depuis N’Djamena (Mirage F1CR, 2000D) avec les quatre Rafale (missile Scalp et bombes guidées autopropulsées 2ASM) qui viennent de frapper Gao. Quant aux forces terrestres, les troupes continuent d’arriver (forces spéciales, marsouins, légionnaires…) tandis que des blindés légers sont annoncés (probablement VAB, AMX10RC et Sagaie). La constitution de deux GTIA (Groupement Tactique interarmées) semblent se profiler : l’un à Bamako et l’autre à Sévaré.

La question qui va rapidement se poser : les Français s’arrêteront-ils à Konna ? Le ministre de la Défense a laissé entendre que les forces françaises pourraient remonter dans le nord, « il n’y a pas de blocage à aller plus loin ». En parallèle, les pays de l’Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Niger, Sénégal…) s’activent pour lancer une offensive depuis le nord du Mali. L’objectif: la reconquête du pays et la guerre ouverte contre les mouvements djihadistes ? Mais en a-t-on les moyens ?

 

EUTM est mort, vive EUTM!

Portée par Paris, la mission EUTM Mali, tel que laborieusement définie ces derniers mois, n’a plus de sens. L’objectif était de favoriser la reconquête du Mali par sa propre armée, c’est aujourd’hui la France qui se retrouve, seule, à le faire. Prenant ainsi de cours la mise sur pied de la force africaine MISMA. Mais EUTM devrait renaître, avec pour but de reconstruire la capacité du Mali d’assurer lui-même sa sécurité intérieure, de reprendre le contrôle du Nord. Cela prendra des mois.

Le gendarme de l’Afrique

La France se retrouve confirmée dans le rôle que pourtant elle semble fuir, celui de gendarme de l’Afrique. Avec la constitution d’EUTM Mali, l’objectif était de mettre les armées africaines en avant, dans un cadre européen. C’est raté! La France se retrouve en première ligne, seule. Dans un rôle qui n’est contesté par personne. Ni par l’opposition politique française, ni par la communauté internationale.

 

Où est l’Europe ?

EUTM Mali a nécessité de long mois de tergiversations avec les partenaires européens pour envoyer seulement 300 formateurs. Même au pied du mur, l’Europe brille une fois de plus par son absence.

Seuls les Anglais apportent un (timide) soutien à l’opération Serval, en fournissant des moyens de transport (C-17). Quant aux autres pays européens…rien ! L’Allemagne à son habitude, demeure aux abonnés absents, tandis que l’Italie est paralysée par sa politique intérieure.

Seuls les Américains ont véritablement manifesté leur soutien. Ils combleront une fois de plus les lacunes capacitaires françaises, en renseignement (drones), en ravitaillement ou en moyens de transport.

 

L’armée de terre au front

Autre enseignement, et l’expérience libyenne aurait presque pu le faire oublier, mais une guerre se gagne au sol. Si la domination dans les airs est essentielle, c’est bien la présence à terre qui permet de contrôler une zone. Et si l’Etat français souhaite défaire définitivement la rébellion djihadistes, seul l’envoi massif de troupes et de véhicules permettra de reprendre le contrôle du vaste territoire malien.

Car les rebelles sont bien armés : canons (ZSU 23mm), missiles anti-chars (RPG) ou missiles sol-air portables SAM en provenance directe des stocks libyens.

Et Mopti n’est pas Bengazi. En Libye les opérations se menaient de nuit contre une armée constituée et facilement identifiable… rien de cela au Mali. A n’en pas douter, les rebelles se retireront dans les agglomérations, utilisant la populations comme moyen de protection contre des bombardements. C’est donc de jour, à portée des armements rebelles que devront opérer les forces au sol.

 

Un Livre Blanc bousculé ?

Les lignes du prochain Livre Blanc qui se dessinaient pourraient bien être remise en question. A un mois et demi de rendre une copie qui doit « sabrer » dans les capacités des armées, la surprise stratégique a frappé ! La France se retrouve simultanément engagée sur quatre théâtres d’opérations importants : le désengagement afghan, la RCA, la Somalie et le Mali. Et force est de constater que toutes les capacités sont mises à contribution. L’opération Serval pourrait bien sonner comme un avertissement.

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3 Commentaires

  1. Gaël Patton 14 janvier, 2013

    En espérant que l’avertissement, exprimé dans votre dernier paragraphe, soit compris par tous, du moins par le pouvoir exécutif.
    Un message aux rédacteurs de FOB pour mon premier commentaire : Beaux articles, merci.

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    1. Unicomm 14 janvier, 2013

      Merci pour eux 🙂

      Répondre

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