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Le nerf de la guerre

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N’ayant rien de mieux à faire, et tirant partie de l’enrichissement culturel offert par deux siècles de colonisation britannique, les conducteurs de camions citernes pakistanais jouent au cricket sur les plages de Karachi. Le cricket est un jeu incompréhensible et très long, les parties se développant sur plusieurs jours. En l’espèce, nos braves chauffeurs battent des records puisque leurs parties durent à présent depuis plusieurs mois…

Les camions citernes immobilisés sur le front de mer et gâchant la vue des habitants des quartiers aisés se comptent à présent par centaines. Capitale économique du Pakistan, Karachi est aussi le point d’entrée du pétrole destiné aux opérations occidentales en Afghanistan. Du moins pour celui qui emprunte la route sud… Les camionneurs ont été mis au repos forcé en novembre dernier, lorsque Islamabad a décidé d’interdire de transit sur son territoire la logistique de l’ISAF, après la mort de 24 de ses soldats dans des combats contre le contingent américain. Pour les entrepreneurs pakistanais qui s’étaient habitués à la manne apportée par les besoins logistiques de l’ISAF, c’est une catastrophe économique. Plus de 2000 camions citernes auraient été mis en service ces dernières années au Pakistan simplement pour satisfaire la seule demande des militaires en Afghanistan. Les chauffeurs pakistanais cherchent maintenant chaque jour dans les journaux l’annonce de leur libération et de la fin du bras de fer entre Washington et Islamabad. Une tension qui se reflète également sur la scène politique intérieure pakistanaise, l’opposition réclamant un arrêt total des frappes américaines (avec les drones) en territoire pakistanais, ce à quoi se refuse pour l’instant Washington.

La situation reste pour l’instant gérable pour l’ISAF, qui a su développer une nouvelle filière d’approvisionnement via les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale et le nord de l’Afghanistan. Après, tout est une question d’argent : les militaires américains estiment le coût d’acheminement d’un conteneur à 17.000 dollars par la route nord, contre 7000 dollars via le Pakistan. Les prix sont à l’avenant pour le carburant : selon les estimations parues dans la presse américaine, le coût du gallon acheminé dans les FOB les plus isolées oscillerait entre 400 et 1000 dollars le gallon (3,7 l). Vous avez bien lu : entre 100 et 250 dollars par litre d’essence livré dans la FOB isolée pour faire tourner son groupe électrogène… Le carburant est d’ailleurs, et de très loin, la principale importation sur le territoire afghan, malgré les attaques incessantes de convois. Pour fixer les idées, les seuls besoins quotidiens des Marines représentent environ 3 millions de litres par jour, soit l’équivalent d’une cinquantaine de camions citernes.

Inutile d’être grand clerc pour comprendre que les difficultés rencontrées dans un sens pour l’acheminement du carburant pourront se retrouver dans l’autre pour le désengagement occidental qui se précise.

Illustration : un camion citerne pakistanais (photo Frédéric Lert)

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