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Le scénario syrien

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La question n’est plus « si » mais « quand ». Hors du cadre international de l’ONU (dû à l’opposition affichée de la Russie et de la Chine), une coalition multinationale, Royaume-Uni et USA en tête, s’apprête donc à sanctionner le franchissement de la « ligne rouge » par le régime de Bachar al-Assad, fixée par le président Obama sur l’utilisation d’armes chimiques contre sa population. « Le conflit a déjà fait plus de 100.000 morts et il se propage désormais à l’ensemble de la région : Au Liban, par des attentats, en Jordanie et en Turquie par l’afflux de réfugiés, en Irak par le déclenchement de violences meurtrières. Cette guerre civile menace aujourd’hui la paix dans le monde » a annoncé hier François Hollande lors de la conférence des ambassadeurs, justifiant ainsi la participation française dans cette action à venir.

 

Quels objectifs ?

L’objectif premier est donc de « punir » le régime syrien en place pour son utilisation d’armes chimiques contre sa population. Les premiers objectifs militaires des missiles de croisière américains devraient donc logiquement viser les moyens de production de ces armes ainsi que les unités les mettant en œuvre.

Mais tout comme la France, qui avait outrepassé le mandat de l’ONU pour renverser Kadhafi, la coalition internationale pourrait vouloir aller plus loin… Dans ce cas, les Tomahawk américains devraient viser d’avantage d’objectifs militaires comme les centres de communication, de commandements, états-majors, voire des bases de l’armée syriennes et ses parcs de blindés contre lesquels l’armée syrienne libre (ALS) se casse les dents. Les États-Unis pourraient également en profiter pour frapper les bases des Pasdarans iraniens situées en Syrie. Une « no-fly-zone » pourrait éventuellement être imposée, notamment dans le sud du pays afin de permettre l’entraînement et la fourniture d’armes à l’opposition. Chose qui se ferait déjà en toute discrétion depuis quelques mois à partir de la Jordanie. Se profile là, un scénario « à la libyenne » : renforcer et appuyer l’opposition syrienne tout en contraignant le régime à négocier une transition. Avec une différence importante : alors que Kadhafi était un homme seul et entêté, le régime syrien visé est un État constitué et composé de plusieurs clans. Sans compter l’Iran… Une solution négociée apparaît plus probable.

 

Quels moyens ?

Les Etats-Unis mèneront la danse, les autres pays de la coalition ne disposant pas de leurs moyens, à savoir des stock impressionnants de missiles de croisière Tomahawk, mis en œuvre depuis les navires de surface et sous-marins (Le Missile de Croisière Naval ou MdCN n’est pas opérationnel sur les navires français avant 2017). Tout comme pour la Libye, une première salve de 100 à 200 Tomahawk devrait s’abattre sur le territoire syrien. De quoi déjouer les leurres (« base de desserrement » par exemple) probablement mis en place grâce aux conseillers russes sur zone.  Les cibles de cette première salve viseront sans aucun doute les moyens de défense aériens syriens, afin dans un second temps de faire intervenir les aéronefs. On se retrouve là dans un scénario libyen. Les Rafales français pourraient intervenir, mettant en œuvre les missiles de croisière Scalp (plus de 300 km de portée), restant loin des défenses syriennes. Mais aussi les aéronefs britanniques (munis du Scalp également). Le groupe aéronaval autour du Charles de Gaulle sera très probablement envoyé au large de la Syrie. Le PAN a achevé sa remise en condition fin juillet et est donc opérationnel avec ses aéronefs. A l’heure qu’il est il est toujours à quai à Toulon mais la 12F serait en alerte. Il faudrait toutefois compter plusieurs jours pour préparer le bateau pour une opération militaire (et notamment chargement des missiles de croisière à bord…)

Il rejoindra la flotte de destroyers américains en Méditerranée, entouré de frégates (défense aérienne notamment) et d’un sous-marin. Sans doute les « grandes oreilles » françaises sont-elles déjà sur place, à savoir le Dupuy de Lôme, récoltant du renseignement… Les Rafale seront donc ceux des marins mais aussi ceux de l’armée de l’air, avec peut-être une localisation proche (base britannique de Chypre, ou accueillis par un pays ami comme la Turquie ou la Jordanie). Les bases françaises de Djibouti et d’Al Dhafra aux EAU sont les plus proches et seraient en état d’alerte. Même si l’armée de l’Air sait frapper loin et l’a déjà montré dans la région : le 19 janvier 1984 elle avait lancé un raid de quatre Jaguar (opération Chevesne) qui était parti de Solenzara pour aller survoler Beyrouth où étaient déployés les casques bleus français.

« Boots on the ground » ?

Il est fort peu probable que la coalition envoie des troupes régulières au sol, les Américains les premiers y sont réticents, vus les précédents irakien et afghan et l’opposition clairement affichée de l’opinion publique. Par contre, quelques forces spéciales pourraient êtres envoyées sur place (si ce n’est pas déjà le cas…), tout comme pour la Lybie, afin de guider les frappes depuis le sol, d’encadrer les forces de l’ALS et de faire la liaison avec la coalition internationale.

 

Quelle coalition ?

L’élément moteur est bien évidemment les Etat-Unis, le seul véritablement capable militairement. Avec ses alliés traditionnels, Royaume-Uni et France en tête. Ainsi qu’avec un soutien arabe absolument nécessaires pour le verni régional, en l’espèce tous les pays du Golfe et la Jordanie soutiennent cette action. Seuls l’Égypte et le Liban sont hésitants. La participation de la Turquie est également essentielle, une grande puissance militaire, très intéressée par le devenir son voisin. Ankara a déjà fait feu sur le territoire syrien et a déclaré qu’il en était. Les chefs d’états-majors de ces pays se sont d’ailleurs rencontrés le week-end dernier en Jordanie afin de se mettre d’accord sur les aspects logistiques. Même si Israël ne prendra pas part à cette action internationale, une participation politiquement bien trop sensible contre un pays arabe, il est pourtant évident que Tel Aviv apportera renseignement et expertise sur un pays qu’il observe à la loupe et que ses avions ont déjà bombardés à plusieurs reprises, en déjouant les systèmes de défense anti aériens syriens…

Le grand absent sera encore une fois l’Europe, les pays membres étant incapables de s’entendre militairement. L’Allemagne pourrait toutefois soutenir du bout des lèvres l’initiative… diplomatiquement s’entend. 

 

Quelle résistance ?

L’armée syrienne est sur le papier une armée nombreuse (plus de 400 000 militaires) et puissante, mais quelle est la réalité ? La Syrie est équipée quasi exclusivement de matériels d’origine soviético-russes. La plupart des équipements sont dépassés (systèmes de défense SA-2, SA-3, aéronefs Mig-21, Mig-23, corvette Petya 2, chars T-54…). Cependant quelques systèmes d’armes récemment livrés par la Russie pourraient donner du fil à retordre à la coalition. Avec une question : Damas a-t-il reçu les systèmes de défense anti-aérienne russes mobiles S-300 ? Une arme absolument redoutable contre les aéronefs à plus d’une centaine de kilomètres et contre des missiles jusqu’à quarante kilomètres, plus efficace que le système Patriot américain. Mais on peut également penser aux missiles Bulk (SA-11), système de défense moyenne portée avec un vol supersonique. Ainsi que des systèmes très courte portée SA-13 et surtout le plus récent SA-18. Systèmes d’armes légers, donc indétectables, ils sont très récents et efficaces. Les premiers aéronefs qui survoleront le territoire syrien rencontreront certainement des difficultés… L’expertise israélienne sera ici précieuse. A n’en pas douter, Tsahal a trouvé la parade pour déjouer la défense syrienne (systèmes de guerre électronique, localisation ?) et devrait fournir là un appui non négligeable. Les américains peuvent aussi compter sur des armements adaptés, comme les avions de guerre électronique Growler, mis en œuvre depuis porte-avions pour ouvrir un passage à des bombardiers ou des missiles anti-radars AGM-88, voir des ADM-160 Mald pour leurrer les défenses syriennes. Côté air, le fleuron de l’armée de l’air syrienne est constitué de Mig-29 et Mig-31, avions très efficaces mais qui ne devraient cependant pas poser trop de difficultés face aux systèmes occidentaux très modernes .

Le conflit pourrait-il se propager sur la mer ? Pas impossible. La Syrie dispose d’une flotte de navires, cependant vieillissants, pas de quoi inquiéter une coalition bien équipée. Excepté peut-être les missiles russes Yakhont, très modernes et puissants. Cependant Israël aurait détruit l’essentiel des stocks de Yakhont lors d’un bombardement en mai dernier.

Reste à savoir quelle aide la Russie, voire la Chine pourraient apporter discrètement au régime de Bachar El Assad. Moscou est un allié indéfectible de Damas, qui constitue son dernier point d’ancrage dans la zone Méditerranéenne.

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