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L’Allemagne, championne du « ni oui ni non »

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Choisir c’est renoncer, et, concernant l’avenir de ses Tigre UHT, l’Allemagne choisit de renoncer à choisir. Si l’appareil continuera de voler, le client allemand paraît n’avoir aucune vision précise quant à son évolution, le format de son parc ou son éventuel remplacement. 

Le Tigre Mk III ? Ni oui ni non

« Afin d’atteindre les objectifs de planification de l’OTAN dans le domaine de l’appui aérien rapproché contre les forces blindées, l’Allemagne s’est fondamentalement engagée à fournir un total de 48 hélicoptères de combat d’ici à début 2032 », déclarait il y a peu le gouvernement allemand en réponse à une question parlementaire. Ces exigences « sont essentiellement remplies par l’hélicoptère de combat Tigre ». Du moins dans un premier temps, car la fin de vie de l’appareil reste fixée à 2038. 

Les deux premiers appareils parmi les 51 aujourd’hui en service seront retirés dès 2031. D’ici là, la bascule vers le standard ASGARD se poursuit. Au dernier décompte, une dizaine d’appareils sur les 33 attendus à horizon 2027 ont été convertis. Non seulement les retards menacent l’atteinte de cet objectif, mais « aucune décision n’a été prise concernant la conversion des hélicoptères Tigre plus anciens subsistants ». Quant à la disponibilité, celle-ci est tombée au plus bas fin 2021. « Depuis lors, une tendance stable à la hausse est perceptible », constate le gouvernement. 

Voilà pour les faits connus. En dehors de ce périmètre, la position gouvernementale oscille entre tâtonnement, contradictions et non-réponses. « Il n’y a pas de décision formelle sur la future conception matérielle de la capacité d’appui-feu rapproché et plus particulièrement sur la capacité d’hélicoptères de combat ». Maintenir ? Compléter ? Moderniser ? Basculer sur une autre machine ? « Le gouvernement fédéral prendra une décision en temps utile. Les prérequis seront établis en 2023 ».

Vient la question, maintes fois posée, d’une participation à – feu ? – le programme Tigre Mk III lancé par la France et l’Espagne. Réponse, maintes fois rencontrée : « le gouvernement fédéral envisage attentivement une participation supplémentaire ans le cadre d’une coopération européenne plus poussée en matière d’armement. Une décision sur la participation allemande au développement ultérieur de l’hélicoptère de combat Tigre dans le cadre du projet trinational Tigre Mk III est recherchée d’un commun accord avec les partenaires ». 

« Envisage attentivement », vraiment ? « Le gouvernement fédéral ne dispose d’aucune information précise sur le partage du travail entre la France et l’Espagne pour le Tigre Mark III », ajoute-t-il. Manifestement, l’intérêt est suffisamment bas que pour ne pas prendre la peine de lire les presses française et espagnole, qui se sont largement faites l’écho des charges confiées aux industriels des deux pays.

C’en serait presque amusant si cette position anachronique n’était pas celle avancée depuis belle lurette pour repousser sine die l’adhésion à ce programme. Côté France, où la totalité des 67 Tigre seront conservés au moins jusqu’en 2035, on reconnaît « avoir fait une croix sur la participation allemande depuis longtemps ». La souplesse adoptée depuis mars 2022 par la Paris et Madrid n’a désormais plus lieu d’être, ce standard étant en passe d’être abandonné en raison d’arbitrages budgétaires défavorables. Une facture qu’un alignement allemand aurait certainement participé à réduire.

Moderniser ou remplacer ?

Derrière ASGARD et Mk III, « des options pour des actions au niveau technique en relation avec des mesures nécessaires doivent être déterminées et sont liées à la décision fondamentale du maintien de la capacité ». Parmi les mesures à l’étude, et qui le resteront sans doute jusqu’à la fin de vie du système, l’évolution de l’armement air-sol. Une étude de faisabilité pour la prolongation de la durée de vie de la famille HOT a été réalisée, concluant pour l’instant à envisager son utilisation jusqu’en 2032. Intéressant, sachant que ni le HOT-2, ni le HOT-3 ne peuvent plus être acquis auprès de MBDA, avance le gouvernement. Leur remplacement par le missile antichar SPIKE est aussi en cours d’évaluation au regard des coûts, risques et implications pour la durée de vie du système. Seuls hic ? Le coût, évalué à 700 M€, et un effort de développement important qui repousse toute intégration « au-delà de 2030 ». 

À demi-mot, le gouvernement n’exclut pas d’exclure le Tigre du schéma à venir. « Une prévision du nombre d’hélicoptères de combat Tigre prêts à l’emploi en 2032 n’est actuellement pas pertinente, car elle dépend de décisions fondamentales qui restent à prendre sur l’avenir du système d’arme ». En principe, le gouvernement fédéral s’en tiendra au concept d’hélicoptère de combat tel qu’il existe aujourd’hui. Mais – parce qu’il y a toujours un mais- « les décisions concernant l’hélicoptère d’attaque Tigre et le maintien de la capacité font l’objet d’enquêtes en cours ».

Apparemment, l’enquête est à la mode en outre-Rhin et l’une d’elle se concentre sur le H145M. « L’acquisition d’un hélicoptère d’attaque léger fait l’objet d’enquêtes en cours. L’objectif est d’obtenir un financement urgent du fonds spécial de la Bundeswehr. Si les réserves financières du fonds spécial de la Bundeswehr ne sont pas suffisantes, les parts restantes devraient être financées via le plan individuel 14 [budget de la Défense] ». Une piste que Berlin tente de consolider en l’opposant au Tigre. « Par rapport aux améliorations des capacités de l’hélicoptère de combat Tigre qui ne peuvent être réalisées qu’à long terme et à haut risque, l’achat d’un hélicoptère de combat léger potentiellement mis en oeuvre à court terme représente une option efficace avec des coûts et des risques réduits et un effet supérieur. »

« Le gouvernement fédéral étudie la possibilité de compenser d’éventuels déficits capacitaires de l’hélicoptère de combat Tigre en introduisant un hélicoptère de combat léger. Les différentes classes de poids et les concepts de base des deux hélicoptères ne permettent pas une comparaison directe. Les options d’armement des hélicoptères d’attaque légers disponibles sur le marché ont de meilleures données de performances que le Tigre », assure le gouvernement.

Entre études et enquêtes, tous les scénarios paraissent donc ouverts sans qu’un seul prenne le dessus. Un immobilisme qui aura coûté à la France et à l’Espagne « leur » programme Tigre Mk III et qui pourrait coûter beaucoup plus à l’armée allemande. Et l’indécision symptomatique d’un pouvoir qui, en 12 pages d’absence de réponses, parvient à brasser plus d’air que ses hélicos, mais sans décoller. 

Crédits image : Bundeswehr

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