Après les fusils à pompe, brouilleurs, lasers et autres rapaces, le ministère des Armées explore désormais la piste du « drone anti-drone » pour étoffer son panel de réponses dans le domaine de la lutte anti-drone (LAD). Un appel à projets vient d’être émis par l’Agence de l’innovation de défense (AID) visant à identifier et expérimenter ce type de solution.
En essaim, armés, manœuvrants, artisanaux, etc. : les drones sont toujours plus variés, ingénieux et complexes à neutraliser. Un contexte qui explique le lancement en septembre 2020 par la DGA d’une demande d’informations sur les solutions LAD disponibles directement ou à un horizon de six mois. Qu’importe la méthode proposée, celle-ci devait alors être en mesure d’identifier, évaluer et neutraliser les drones de classe I OTAN.
Huit mois plus tard, l’objet de l’opération « drone intercepteur de drone » de l’AID est bien plus ciblé. Il s’agira de démontrer un système à un ou plusieurs vecteurs capables « d’intercepter, de capturer ou de neutraliser, en vol, un ou des drones commerciaux considérés comme non collaboratifs par un dispositif de désignation d’objectif externe ». Le tout, dans un rayon de 5 km autour de la zone à protéger, de jour comme de nuit et en environnements ouvert et/ou urbain.
La solution avancée devra être en mesure d’intercepter des micro ou mini-drones à voilure tournante ou fixe d’un poids maximum de 25 kg et évoluant jusqu’à 100 km/h. Le besoin dépasse la neutralisation d’un vecteur unique pour inclure également la menace croissante des essaims. Enfin, il devra pouvoir s’interfacer avec un système extérieur de désignation d’objectif et s’adapter en temps réel aux évolutions en terme de désignation.
Clôturé début juin, l’appel à projets sera suivi d’une contractualisation des marchés à partir de septembre. Chaque projet retenu donnera lieu à la passation d’un marché d’au maximum huit mois et financé jusqu’à hauteur de 300 000€. Non divulgué, le budget total alloué permettra à l’AID de soutenir plusieurs projets. Les démonstrations devraient ensuite se dérouler au premier semestre 2022.
Cet appel à projets est ouvert à tout opérateur européen dont la R&D est réalisée sur le territoire de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen. L’opération devrait en intéresser plus d’un, car nombreuses sont les entreprises qui planchent sur ce type de technologie depuis quelques années, que ce soit en France ou ailleurs.
Dans l’Hexagone, la société francilienne Malou-Tech (Groupe Assman) dévoilait dès 2015 un système d’interception basé sur le déploiement d’un « filet de pêche » capturant la cible en plein vol. Le Parisien Civic Drone propose quant à lui une charge utile « Harpon » permettant de convertir son drone contrarotatif Flying-Sensor S3 en outil LAD.
En 2017, la start-up néerlandaise Delft Dynamics présentait à son tour le DroneCatcher, développé suite à une requête émise un an plus tôt par le Coordinateur national pour la sécurité et le contre-terrorisme néerlandais.
Le principe appliqué par Delft Dynamics se rapproche de celui de Malou-Tech. Une fois la menace repérée grâce à sa caméra embarquée, le DroneCatcher va verrouiller sa cible puis lancer un filet guidé par quatre projectiles et relié au drone « chasseur » par un câble. Le drone capturé est ensuite ramené au sol ou parachuté s’il s’avère trop lourd.
Bien qu’elle ne soit en théorie pas éligible, l’entreprise canadienne AerialX annonçait avoir créé un « hybride entre un missile et un [drone] quadcopter ». Baptisé DroneBullet, ce drone kamikaze d’environ 910 grammes est lancé manuellement, doté d’un rayon opérationnel de 4 km et capable d’atteindre 350 km/h en cas d’attaque en piqué. Dépourvu de charge explosive, il mise sur son énergie cinétique pour endommager ou détruire l’appareil adverse lors de la collision.
Reste à voir comment ces industriels de France ou d’ailleurs ont su depuis lors intégrer des facteurs de complexification supplémentaires, le vol en essaim et l’intelligence artificielle en tête, dans leurs technologies et stratégies d’interception.