Connu et reconnu pour ses véhicules blindés, Soframe poursuit en parallèle un double effort dans la robotique terrestre. Son Fardier Mk II a retenu l’attention de l’armée émiratie, une prospection entamée à l’heure où le besoin français se traduit par le lancement d’un programme d’acquisition de robots lourds au profit du génie.
Quatre roues, un impressionnant bras robotisé et une livrée brun terre de France : difficile de manquer ce robot « Made in France » trônant au milieu du salon IDEX organisé cette semaine à Abou Dhabi. Dévoilé l’an dernier au salon Eurosatory et exposé pour la première fois à l’étranger cette semaine, le Fardier Mk II allie mobilité, polyvalence et modularité pour répondre à un éventail de besoins opérationnels.
L’une des grandes forces du Fardier Mk II, ce sont sa motorisation diesel et ses quatre roues directrices indépendantes. « Nous sommes capables de faire rouler le véhicule en crabe », explique nous explique Alexis Mabile, à la tête de Soframe depuis fin 2023. Tracté ou téléopéré à distance, cette mule de 3,5 tonnes offre environ 12 h d’autonomie et parcourt 400 km avec un seul plein. Si sa manipulation repose pour l’instant sur un kit de téléopération fourni par le groupe français EXAIL, d’autres options en provenance de Safran ou de Rheinmetall sont à l’étude.
Son autre atout majeur, c’est son plateau convertible pouvant emporter jusqu’à 800 kg de charge utile. Une dizaine d’options sont disponibles, du tourelleau téléopéré de 30 mm au laser anti-drones HELMA-P de CILAS. Certaines peuvent être combinées, la place laissée disponible autorisant également l’emport de fret. Mais c’est bien ce bras de levée de doute fourni par le spécialiste suisse GCS qui intéresse les sapeurs émiratis. « La collaboration avec GCS fonctionne bien. Nous nous sommes bien trouvés en matières de culture d’entreprise et de réactivité », complète le directeur général de cette filiale du groupe Lohr.
Éveillé durant Eurosatory, l’intérêt des militaires émiratis n’aura fait que grandir. Au point de pousser une délégation à affronter la rigueur de l’hiver alsacien pour assister, en décembre dernier, à une démonstration sur le site strasbourgeois de Soframe. Si l’arme du génie est la première concernée, la versatilité de ce type de plateforme pourrait répondre à d’autres applications envisagées par les forces terrestres.
Obligatoire pour traiter avec le client émirati, l’empreinte locale de Soframe se concrétise aujourd’hui par le partenariat établi avec l’entreprise International Golden Group (IGG). Convaincre exigera de réaliser de nouveaux essais pour éprouver la solution et ses charges utiles dans les conditions climatiques propres à la région. Ce sera, sans surprise, durant l’été. « Ces essais estivaux arriveront un jour ou l’autre. Nous l’avons conçu pour, il faudra donc le tester dans des conditions extrêmes autant que faire se peut », observe Alexis Mabile.
Pour Soframe, il s’agira d’exploiter cette marque d’intérêt à l’export sans perdre de vue un autre dossier majeur, cette fois côté français. Après l’étude du marché, le programme de « robots d’investigation » (ROBIN) basculait hier dans la phase d’appel à candidature. Cet effort, sans doute le plus ambitieux à date dans ce segment pour l’armée de Terre, vise à doter les sapeurs d’un nouvel engin de leur permettant de faire de la levée de doute ou de l’investigation tout en restant à distance de la menace.
Positionné sur le segment lourd (plus de 1500 kg), ROBIN combine une plateforme téléopérée à plusieurs centaines de mètres et un bras d’investigation de minimum 3 m dont l’outil multifonctions doit pouvoir manipuler des objets d’au moins 50 kg. L’ensemble « permettra, après la détection d’un objet suspect enterré, de retirer la couche de matériau dissimulant l’objet, d’observer et permettre ainsi une première analyse », indique l’appel à candidature. S’il pourra brièvement être attelé à un Griffon, parcourir de longues distances nécessitera l’embarquement sur une remorque dédiée.
C’est sur la configuration présentée à IDEX que Soframe misera pour ROBIN, moyennant quelques adaptations. Les crochets de remorquages du Griffon étant limités à 3 tonnes, le Fardier Mk II devra donc subir une cure d’amaigrissement pour rentrer dans les cordes de l’appel d’offres. Rien d’inaccessible pour Soframe, qui pourrait notamment retravailler une chaîne de mobilité « musclée » dès l’origine.
Le Fardier Mk II avait déjà participé à des essais à Mourmelon en avril 2024 organisés par la Section technique de l’armée de Terre (STAT). Un premier jalon franchi sans écueil « parce que nous avons réussi chaque épreuve, aussi bien la mobilité que le volet strictement génie autour de la recherche, l’extraction et l’identification d’engin explosif », note Alexis Mabile. De quoi partir confiant face à trois ou quatre concurrents potentiels. KNDS France sera sûrement sur la ligne de départ avec son robot CENTURIO. CNIM Systèmes Industriels devrait tenter sa chance avec le système ROCUS, éprouvé en Ukraine. Et d’autres pourraient être au rendez-vous, à l’image d’Arquus et de son DRAILER ou encore du groupe allemand Rheinmetall avec sa plateforme 8×8 Mission Master.
La cible de ROBIN est évaluée à une soixantaine de robots, dont au maximum 40 systèmes complets et 20 plateformes robotiques nues. La DGA reste par contre discrète sur le volet financier d’un futur accord-cadre notifié pour une durée de cinq ans. D’avis d’industriel, le choix du lauréat pourrait se concrétiser en un seul tour. Rapide et « assez inhabituel », le procédé n’est pas sans rappeler d’autres opérations engagées dernièrement pour accélérer le renouvellement des principaux équipements du génie. Pour Soframe comme pour les autres, il s’agira donc de « viser juste en terme d’offre ».