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Journaliste à Marianne, animateur du blog « secret défense », Jean-Dominique Merchet publie « La mort de Ben Laden » aux éditions Jacob-Duvernet. Il revient avec nous sur l’opération exceptionnelle menée par les services américains pour mettre un terme à la carrière du fondateur d’Al Quaida.
D’où vous est venue l’idée d’écrire ce livre ?
Très prosaïquement, de mon éditeur. L’idée m’a semblée excellente et je me suis mis immédiatement au travail. J’ai commencé à travailler sur le sujet à la fin du mois de février de cette année pour ensuite remettre ma copie dans les premiers jours de mai… Tout est allé très vite.
Quelle était votre objectif en écrivant ce livre ?
Décrire heure par heure, minute par minute ce qui s’est passé avant, pendant et dans les jours qui ont suivi l’opération. On sait réellement peu de choses sur cette opération, mais tout ce que l’on sait est rappelé dans les pages de mon livre. Je n’ai pas voulu tirer à la ligne en faisant de longs développements sur les SEAL ou la CIA : mon livre est sec, sans gras, il va droit aux faits.
Comment avez-vous procédé ?
J’ai cherché à comprendre ce qui s’était exactement passé en lisant tout ce qui avait pu être publié sur le sujet. Je n’avais aucune illusion sur le fait que je ne trouverais pas de source française. Il était clair que je ne pouvais pas avoir d’information qui aurait échappée à mes confrères américains… Je me suis rendu compte au passage que la quantité d’articles publiés était inversement proportionnelle au peu d’informations que l’on possédait réellement.
A titre personnel, vous attendiez-vous à une telle opération contre Ben Laden ?
Non. J’ai fait comme tout le monde, je suis tombé de ma chaise quand j’en ai pris connaissance. Trois jours après l’opération, j’avais un rendez-vous à la direction de la DGSE. « Nous avons appris la nouvelle par une dépêche de l’AFP » m’a-t-on dit là bas…
Qu’est ce qui vous a le plus surpris dans cette opération ?
Sans doute le très faible nombre de personnes mises dans le secret. Quelques dizaines, pas plus. Aucun pakistanais bien entendu, mais à priori pas de pays allié non plus… L’opération était directement pilotée par un cercle très restreint à la Maison Blanche et à la CIA. Cette dernière a pu puiser des moyens militaires dans le commandement des forces spéciales (JSOC) sans même passer par les structures militaires traditionnelles.
Les Américains avaient-ils selon vous l’ambition de capturer Ben Laden vivant ?
Officiellement il s’agissait d’une mission « kill or capture ». On le capture si on le peut, mais on le tue si cela est nécessaire. Ben Laden n’avait pas de gardes du corps, il était seul et désarmé… Clairement le commando américain n’a pas fait de gros efforts pour le capturer vivant… Même s’il semble vraisemblable qu’une cellule avait été préparée pour lui à Bagram.
Comment la CIA a-t-elle retrouvé sa piste ?
Peu d’informations sont disponibles sur ce point. On peut simplement procéder par déductions. Il semble que le point de départ se trouve dans les prisons secrètes de la CIA. La centrale américaine identifie un porteur de courrier et tire patiemment le fil pendant plusieurs mois, remontant jusqu’à Abbottabad. Une grosse opération de surveillance est ensuite montée à partir d’août 2011, la CIA allant jusqu’à demander une rallonge budgétaire pour la financer. Mais jusqu’à l’assaut final, la CIA n’est pas certaine de trouver l’oiseau au nid…
Ben Laden était donc bien au Pakistan mais pas là où on l’attendait…
Sa maison était à 1300m de l’entrée de l’académie militaire pakistanaise, dans une ville un peu touristique à l’échelon pakistanais. Cela a surpris les Américains qui ont également découvert que leur cible vivait depuis 2006 pratiquement seule avec ses femmes et ses enfants. Il restait simplement cloitré chez lui. Mais apparemment, la CIA a également mis la main sur des documents impliquant les services pakistanais, ce qui a contribué à instaurer un climat épouvantable entre les deux pays…
Des images ont elles été prises de l’assaut ?
On sait qu’il y a eu trois séries de photos faites immédiatement après l’assaut. Certaines ont été publiées dans la presse, d’autres ont été montrées à des membres du Congrès. On ne sait pas toutefois si l’assaut a été filmé par les SEAL. Il y avait par contre un drone furtif RQ-170 « Sentinel » qui filmait l’assaut en altitude, les images étant transmises en temps réel vers la Maison Blanche.
Pour vous cette opération est un succès ?
Oui, indubitablement. C’est une grande victoire pour Obama qui a pris la responsabilité d’y aller, alors que l’exécutif américain était divisé sur la question. La perte d’un hélicoptère dans les premières secondes de l’assaut aurait pu faire tourner l’affaire à la catastrophe pour les Américains. Mais après ce mauvais départ, l’opération s’est déroulée parfaitement : elle a duré 38 minutes au lieu des 30 minutes prévues et aucun américain n’a été blessé. Ben Laden a été éliminé et la CIA a mis la main sur une importante quantité de documents.
