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FOB Interview : général Ract Madoux, chef d’état-major de l’armée de Terre (1ère partie)

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C’est dans son bureau boulevard Saint Germain que le chef d’état major de l’armée de Terre (CEMAT) a bien voulu recevoir FOB pour une heure d’interview. Saint Cyrien, cavalier, Bertrand Ract Madoux a commandé le 1er Spahis de Valence. Participant à plusieurs opérations (ex-Yougoslavie, Côte d’Ivoire), il fera quelques passages en état-major avant de commander la 2ème brigade blindée, puis de revenir sur Paris. Directeur du cabinet du directeur général de la sécurité extérieure (DGSE) en 2007, le général Ract Madoux a été nommé CEMAT en septembre 2011.

 

Ces derniers mois ont été difficiles pour l’armé de terre. Comment va-t elle?

L’armée de terre, par construction, résiste aux situations de crise, aux tensions et aux changements. Je constate à chacun de mes déplacements dans les unités combien elle reste solide avec des gens enthousiastes et motivés.

 

La mise en place de Louvois (logiciel unique de paiement des soldes) a tout de même fait du mal…

C’est un ensemble. Une accumulation de réformes que l’on met en œuvre et que l’on parviendra à faire aboutir ; mais c’est vrai que la simultanéité de plusieurs facteurs a généré un peu d’inquiétude et de lassitude, voire sur les soldes, de l’exaspération et beaucoup d’attente. Mais le fait que le Ministre ait sonné la mobilisation générale est, pour nous, une très bonne nouvelle. Car c’est véritablement l’affaire de tous. La résolution du problème ne tient pas qu’à l’armée de terre, qui est utilisatrice de ce nouveau système. Tout le monde est désormais mobilisé. On verra dans les premiers mois de l’année prochaine si les efforts déployés permettent de sortir de cette crise qui a trop duré. Cela fait plus d’un an que notre personnel est fragilisé, agacé par ces incessantes erreurs dans le calcul des soldes.

 

La réforme des bases de défense n’a-t-elle pas aussi aggravé le problème ?

Le calcul des soldes est très compliqué dans l’armée de terre. Cela est dû aux différents types de missions, de statuts, auxquels s’ajoutent les réservistes, les départs en opex (opérations extérieures, ndlr), etc. Ajoutez-y la masse des effectifs de l’armée de terre, et cela était trop pour le système. Effectivement, les bases de défense ont ajouté une difficulté supplémentaire, puisque l’on a modifié par l’embasement les circuits antérieurs de traitement de la solde, et que les centres de paiements de soldes de l’armée de terre ont été fermés dans le cadre de la RGPP (révision générale des politiques publiques, ndlr). Mais aujourd’hui un travail colossal a été fait et tout le monde y voit plus clair. Cet effort se poursuit. Et c’est en bonne voie. On ne parlera bientôt plus de dossiers en retard. Dans quelques mois je l’espère, dès que le système de traitement de la solde sera fiable, ce ne sera plus qu’un mauvais souvenir.

 

Les Bases de Défense (BdD) ont eu du mal à se mettre en place. Aujourd’hui cela fonctionne ?

Il s’agit d’un bouleversement très important, pour l’armée de terre sans doute plus que pour les deux autres armées. Mais grâce à la bonne volonté de l’ensemble du personnel, le système fonctionne. Aujourd’hui la question sur laquelle nous nous concentrons est : que peut-on faire pour améliorer ce fonctionnement, simplifier les processus et faire en sorte que la réforme soit plus efficace ? À cet effet, l’armée de terre a conçu un système de « reporting » de la satisfaction des soutenus, qui nous permet de suivre très précisément les domaines dans lesquels le niveau de satisfaction est encore trop faible. La qualité de ce système fait qu’il a été étendu en interarmées et il permet de très bien déterminer là où il faut porter les efforts pour améliorer la situation.

 

Et où ces efforts doivent-ils être portés en particulier?

Les problèmes touchent surtout la coordination au plan local, ce qui fait que la tâche est parfois complexe pour les commandants de régiment, de brigade et de BdD ou d’unité de soutien. Nous cherchons donc à améliorer cette coordination locale entre soutenants et soutenus. Et, un peu comme l’ont fait les autres armées, comme l’armée de l’air dans les bases aériennes, nous cherchons à avoir une seule autorité qui chapeaute l’ensemble. L’objectif est donc qu’il y ait une autorité bien identifiée qui soit au carrefour de la chaîne de soutien interarmées et de la chaîne de commandement organique Terre.

C’est dans cet objectif qu’est menée en ce moment une expérimentation dans quatre BdD choisies pour leurs particularités. Et j’espère que dans 6 mois environ, on pourra étendre ce fonctionnement à une majorité des BdD à dominante Terre. Sans doute pas à toutes, cela dépendra des spécificités de chacune.

 

Le théâtre afghan se ferme, quel bilan en dressez-vous ?

L’armée de terre a été une contributrice majeure de cette opération sous l’autorité du CEMA (chef d’état-major des armées, ndlr). Le désengagement se déroule très bien. Nos soldats peuvent rentrer la tête haute. Ils ont fait preuve d’un excellent comportement. Il y a eu, de très nombreux et remarquables actes de bravoure, parfois chez de très jeunes soldats, qui n’ont pas eu peur d’exposer leur propre vie pour aller au secours de leurs camarades. C’est une grande source de satisfaction et je suis très fier d’eux.

Je vous rappelle qu’il y avait deux grands pans dans cette mission. La première était de contenir les talibans dans leur zone, pour les empêcher de mettre en danger la jeune république afghane, de menacer Kaboul, la plaine de Baghram, d’interdire l’utilisation des grands axes. Tout cela a parfaitement été rempli, nos soldats ont contenu cette menace, même si cela a été difficile et que l’on a connu des moments durs.

La deuxième mission était de former les forces de sécurité afghanes et de leur passer le relais, le moment venu. Aujourd’hui, alors qu’il n’y a plus de soldats français en Kapisa et en Surobi, près de 7500 soldats et policiers afghans contrôlent dorénavant parfaitement le terrain et manœuvrent de façon tout à fait respectable. Ce deuxième aspect de la mission est donc aussi atteint. Dans le cadre de la coopération bilatérale, des militaires français resteront encore pendant quelques mois auprès des Afghans dans la région de Kaboul, pour continuer à former leurs cadres.

 

Un désengagement est souvent périlleux. Est-il pour vous une réussite ?

Je suis très heureux et soulagé que ce retrait se soit bien réalisé. Il a été conduit avec intelligence, en cherchant à chaque fois que c’était possible à utiliser l’effet de surprise, en variant les modes d’actions. Même dans cette manœuvre de désengagement, nos soldats ont fait preuve de très bonnes qualités militaires.

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