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FOB Interview : le général Hubert Trégou (deuxième partie)

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Le général Hubert Trégou commande l’Ecole d’artillerie de Draguignan.

 

Quelle est la place de l’artillerie française aujourd’hui au niveau mondial ?

 

La France figure aujourd’hui parmi les dix artilleries dans le monde possédant une capacité en 52 calibres. Mais je ne crois pas qu’il s’agisse d’une question de savoir-faire des artilleurs : le calibre 52 représente avant tout un effort technologique et industriel, très en amont du niveau où se placent les utilisateurs que nous sommes… Il est d’ailleurs aisé d’accéder à ce club du « 52 calibres » en achetant du matériel sur étagère et c’est bien ce que font plusieurs pays…

La France possède tout de même un savoir-faire qui ne s’achète pas…

 

Ce qui nous classe, c’est notre capacité à utiliser cet outil de façon crédible au niveau international. Notre capacité à appuyer les forces américaines en Afghanistan avec un très grand niveau de précision, sans dégâts collatéraux imputables à nos tirs est un élément fondamental de cette crédibilité. Nous disposons avec le Caesar d’un outil remarquable qui allie précision, allonge et simplicité de mise en œuvre.

Comment cette technologie fait elle évoluer le métier d’artilleur ?

 

L’artillerie se juge sur les effets qu’elle produit et sa capacité à détruire des objectifs. Le canon, qui n’est qu’un moyen, est une conséquence de la recherche de cette efficacité. L’artilleur lui-même apprend à maitriser les trajectoires. La complexité de son métier tient également au fait qu’il doit aussi savoir coordonner plusieurs moyens de feux aux effets complémentaires, sol-sol, sol-air et air-sol.  C’est un métier complexe mais à la portée de l’être humain… formé et entrainé.

Comment vous abordez cette complexité ?

 

Nous travaillons par briques successives. Les jeunes lieutenants apprennent d’abord à maîtriser l’artillerie, puis le guidage sur objectif pour les aéronefs et enfin la défense sol-air. Ils partent ensuite une semaine à Djibouti pour un exercice de synthèse faisant jouer toutes les niveaux dans un environnement réaliste de manœuvre interarmes et interarmées grâce au 5e RIAOM et aux forces pré positionnées à Djibouti (escadron de chasse, DETALAT) , ce qui leur permet de toucher du doigt la combinaison des effets sur un théâtre et la coordination dans la 3ème dimension.

La simulation vous aide-t-elle ?

 

La simulation est un défi technique à court terme : dans l’artillerie sol-sol, tirer au canon reste un savoir-faire de manipulation avec des munitions de plus en plus précises et coûteuses. Ces coûts vont nous conduire à tirer de moins en moins à l’avenir. Il faudra donc apprendre la mise en œuvre de la pièce autrement, en développant la simulation, parce qu’on ne pourra pas tout le temps aller jusqu’au tir réel… Dans ce domaine, l’artillerie sol-air est d’ores et déjà en cible et en avance de phase.

 

Quelle est la place de la numérisation dans l’artillerie d’aujourd’hui ?

 

La numérisation de l’artillerie n’est pas une chose nouvelle, puisqu’elle a commencé dès les années 80 avec les systèmes Atila puis Atlas. Nous en arrivons aujourd’hui à des systèmes très ergonomiques présents jusque sur le canon lui-même. Cette simplification des outils permet de se consacrer pleinement à l’emploi qui se complexifie du fait de la coordination nécessaire des moyens que j’évoquais plus haut. Un officier d’artillerie doit d’abord comprendre la manœuvre de ceux qu’il appuie pour ensuite apporter des solutions et conseiller sur le meilleur usage possible des appuis…

Quel est le principal chantier à venir pour l’artillerie française ?

 

Un régiment d’artillerie est aujourd’hui placé au sein d’une brigade interarmes et combine trois fonctions : le renseignement, la protection sol air et la capacité de frappe et de réaction, avec une double dotation, canon et mortier. L’artillerie est l’assurance vie de la brigade et donc du GTIA : elle renseigne, couvre et frappe. Notre premier grand chantier est donc de faire en sorte que l’artilleur maitrise totalement cette logique multi métiers. Tout l’enjeu de la formation est de hisser nos officiers et sous-officiers dans un niveau de connaissance interarmées et interarmes suffisant afin de bien comprendre l’univers dans lequel ils évoluent.

Quelles sont aujourd’hui les capacités de l’artillerie française dans une guerre moderne ?

 

Je rappelle que l’artillerie ce n’est pas que des canons, ce sont des obus et des effets. Entre le Caesar et le Lance-roquette unitaire (LRU), nous pouvons faire de l’appui au contact, au plus près des troupes amies, ou dans la profondeur immédiate du GTIA ou de la brigade. Il y a donc une vraie complémentarité avec l’arme aérienne qu’il faut développer et faire fructifier. Nous offrons en outre une permanence et une capacité de suivre le mouvement. Nous pouvons par exemple tirer régulièrement dans une vallée pour empêcher un passage ou canaliser une action dans une direction qui nous intéresse… L’artillerie sol-air, dans un dispositif coordonné avec l’armée de l’air, assure elle, une couverture rapprochée de la force en action.

Quel est l’impact du déploiement en Afghanistan sur l’activité de l’école ?

 

Nous profitons de la MCP (mise en condition avant projection) qui se fait à Canjuers pour donner une formation spécifique aux chefs de GTIA et à leurs adjoints sur la coordination des effets et des munitions de l’artillerie. Il s’agit d’une aide à la préparation opérationnelle et une remise à niveau. Nous sommes également friands des retex en provenance de ce théâtre comme de tous les autres engagements de nos régiments (Liban, Guyane…). Une analyse froide nous permet d’en tirer des enseignements pour la doctrine ou le cursus de formation. Il faut vivre les yeux ouverts, mais en gardant son calme… La doctrine ne doit pas changer en permanence, elle constitue une référence qui doit être un peu stable.

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