Parmi les drones habituellement présentés par Airbus à Eurosatory, comme le VSR700, l’Aliaca ou l’Eurodrone, on retrouvait pour la première fois cette année un nouvel engin au design particulier, le Flexrotor. Nouveauté au catalogue d’Airbus, ce drone VTOL est déjà opérationnel dans l’US Navy et part désormais à la conquête du marché européen.
Le Flexrotor est un drone au design unique et ingénieux commercialisé par la société Aerovel depuis le début des années 2010. Conçu par le Dr. Tad McGeer, l’ingénieur de talent derrière les drones Theseus (NASA), Aerosonde (AAI Corporation) et surtout ScanEagle (Insitu/Boeing), le Flexrotor est un concentré d’innovations et de performances dans un format à la fois léger et compact.
Le 7 mai dernier, Airbus a annoncé avoir finalisé l’acquisition d’Aerovel et de son usine américaine de Bingen, dans l’État de Washington. Une opération qui avait principalement pour but d’intégrer dans le catalogue Airbus un drone moderne de la gamme des 25kg. Depuis ce printemps, le Flexrotor vient donc compléter la gamme de drones proposés par Airbus Defence & Space, en se positionnant entre l’Aliaca (~15kg) et le futur Capa-X (~100-150kg), tous deux développés par Survey Copter, une autre filiale du groupe.
Sur le marché des drones tactiles VTOL, le Flexrotor offre des capacités uniques, et bien souvent impressionnantes. Bien que sa masse maximale au décollage ne soit que de 25kg environ, l’engin est capable de voler pendant 14h à une vitesse de croisière de croisière de 85km/h (vitesse max de 150km/h). Jean-Éric Vague, responsable marketing du segment naval et drones chez Airbus Helicopters, nous explique cependant que les limites théoriques de l’appareil dépassent largement ses performances opérationnelles, déjà impressionnantes: « En optimisant l’emport en carburant et en réduisant la charge utile, les équipes d’Aerovel sont même parvenues à effectuer un vol record de 32h ! En théorie, on pourrait parfaitement imaginer effectuer des vols de transit de près de 900km, typiquement pour rejoindre une zone d’opération ou un navire ayant besoin d’un drone supplémentaire ou de rechange. L’appareil décolle sous le contrôle d’un opérateur qui lui confie un cap et une route à suivre, grâce à son GPS embarqué, et un autre opérateur situé sur le point de réception reprendrait le contrôle à l’arrivée. C’est le genre de choses qu’on imagine pouvoir faire avec ce drone, en effet.«
Peut-être plus impressionnant encore, le Flexrotor est capable d’emporter une charge utile de près de 8kg, soit près d’un tiers de son poids. Il peut s’agir typiquement d’une boule optronique en pointe avant, et/ou d’un petit équipement radar sous le ventre par exemple. L’engin est nativement conçu pour pouvoir intégrer les charges utiles des ScanEagle et SeaEagle, mais pourrait prendre en charge n’importe quel équipement français ou européen compatible en termes de masse. On notera d’ailleurs que le Flexrotor est capable d’exploiter pleinement ses capacités de vol stationnaire ou vertical. Ce mode de vol n’est en effet pas réservé aux seules phases de décollage et d’atterrissage, et l’engin peut parfaitement effectuer des observations en restant immobile derrière une colline ou un bâtiment, sa boule optronique étant seule à émerger.
Ces performances impressionnantes sont le fruit d’une conception très ingénieuse. Assemblé comme un empilage de modules, le Flexrotor combine de nombreux éléments intéressants : une voilure fine et de grande envergure ; une structure légère en carbone ; un moteur deux temps de 28cm3 léger et économe ; une large hélice dotée d’un excellent rendement en vol de croisière. Le tout lui confère à la fois une grande autonomie et une bonne discrétion, puisqu’il est quasiment inaudible à plus de 500m de distance. On notera d’ailleurs que le moteur a été conçu par les équipes d’Aerovel et intègre progressivement des pièces imprimées en 3D (carter, silencieux…) pour encore plus de légèreté.
L’ingéniosité du design se retrouve aussi dans de nombreux petits détails. L’antenne GPS, intégrée dans l’aile gauche, est située dans une trappe qui bascule lorsque l’appareil vole à la verticale, afin de toujours offrir un pointage optimal vers les satellites. Les petites hélices anticouple situées au bout des ailes ne disposent chacune que d’une seule pale au lieu de deux habituellement, ce qui leur permet de se positionner dans le flux du vent en réduisant leur trainée lors des phases de vol horizontal. Enfin, notons que la queue de l’appareil, qui supporte gouverne et empennage, s’ouvre en quatre afin de servir de train d’atterrissage.
Concernant sa mise en œuvre, « le drone peut se transporter dans une simple caisse, accompagnée d’une valise comprenant les systèmes de communication et d’un PC portable pour le contrôle. Il est démontable et remontable manuellement en quelques minutes et sa mise en œuvre prend moins d’un quart d’heure en comptant le montage, le test pré-vol et la programmation« , nous rappelle Jean-Éric Vague.
Bien qu’il soit assemblé aux États-Unis, le Flexrotor est garanti ITAR Free depuis 2014, avant même ses premières livraisons. Pour l’heure, une soixantaine d’appareils ont déjà été livrés. Il est principalement utilisé par l’US Navy, notamment en mer Rouge et dans la région du golfe Persique, mais est également testé par l’US Coast Guard. Quelques exemplaires sont aussi en service aux Émirats arabes unis ou utilisés dans des applications civiles, notamment pour la lutte anti-incendie.
Exposé une première fois à Berlin pour le salon ILA, c’est vraiment à Eurosatory que le Flexrotor a commencé à rencontrer son public cible sur le sol européen. Sa stabilité, sa légèreté et sa facilité de mise en œuvre en font une plateforme capable de répondre aussi bien aux besoins des forces terrestres (y compris au profit des forces spéciales) que des marines. Il peut en effet être mis en œuvre depuis n’importe quelle plateforme VERTREP, depuis un champ ou une route, du moment qu’il dispose d’une zone de 4m x 4m pour décoller et se poser.
Pour le marché européen, et notamment français, Airbus espère que la combinaison d’autonomie, de légèreté et de capacité d’emport permettra d’en faire rapidement un produit de référence. Sous la houlette du groupe européen, le Flexrotor devrait d’ailleurs continuer d’évoluer. Les équipes de Bingen travaillent ainsi sur l’intégration au moteur d’un redémarreur interne. Cela permettrait au drone d’éteindre et de rallumer son moteur en plein vol et donc de gagner encore en autonomie, ou bien de pouvoir effectuer des approches ou des survols moteur éteint, et devenir donc parfaitement silencieux, à la manière de ce que propose déjà l’Aliaca. Étant donné l’autonomie de l’appareil, l’intégration d’une capacité de communication BLOS via une petite antenne de communication satellitaire est également envisagée. De quoi permettre d’exploiter pleinement les capacités de l’engin et d’élargir sa gamme de missions.