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Lors de notre visite au salon de défense Armya-2018 qui s’est déroulé du 20 au 25 août 2018 près de Kubinka, non loin de Moscou, nous avons été impressionnés par la variété du matériel dont disposent les troupes aéroportées russes, ce qui leur permet de couvrir un large éventail de missions. Il est sans commune mesure avec ce qui existe dans l’armée française et, plus généralement, dans les armées de l’OTAN. Et les Russes continuent à développer des matériels et une doctrine d’emploi qui commencent à couvrir également la zone arctique, vu les enjeux industriels, commerciaux et géopolitiques que crée la fonte des glaces engendrée par le réchauffement climatique.
 

Le 2e Régiment Etranger de Parachutistes est formé à opérer notamment en conditions hivernales dures (Photo : 2e REP)

Le 2e Régiment Etranger de Parachutistes est formé à opérer notamment en conditions hivernales dures (Photo : 2e REP)


Le débat sur la pertinence de conserver de grandes unités parachutables – pas seulement aérotransportables – varie en intensité au sein de l’OTAN depuis sa création, en 1948. Le souvenir des largages de masse lors des opérations Overlord (Normandie, 5-6 juin 1944), Dragoon (Provence, 15 août 1944), Market Garden (Hollande, 17-25 septembre 1944) et Varsity (passage du Rhin, 24 mars 1945) s’éloigne toujours davantage. Le souvenir n’en est ravivé que par quelques milliers de collectionneurs-reconstitueurs qui, chaque année, font revivre diverses scènes sur les lieux historiques où ils déploient un matériel d’époque impressionnant et même sautent, avec tout l’équipement réglementaire, depuis d’authentiques C-47 Skytrain/Dakota. A ce propos, ne manquez pas de venir voir ce qui est programmé en Normandie pour juin 2019, avec une trentaine de DC-3 et C-47 qui vont traverser l’Atlantique pour se joindre à leurs « collègues » basés en Europe afin de larguer des centaines de reconstitueurs sur des DZ d’époque !
 
Bref, l’Europe, depuis le Portugal jusqu’à Vladivostok, n’a plus été le théâtre de largages massifs, hormis quelques exercices parfois impressionnants, surtout en Russie. D’où les débats d’intensité variable sur l’opportunité de conserver davantage que quelques unités équipées et formées comme des unités d’infanterie légère accompagnées de génie et de moyens d’artillerie limités. Les Russes, eux, n’ont jamais cessé de considérer différemment les choses, surtout dans la perspective de l’ouverture de l’Arctique à une exploitation géologique et maritime. Leurs forces aéroportées s’équipent et s’entraînent intensivement pour opérer dans cette région difficile.
 
L’Arctique se développe intensivement en raison de ressources naturelles – notamment des hydrocarbures – et de voies maritimes importantes. Le commandant de la flotte du Nord, Nikolai Yevmenov, a expliqué que la Russie entendait et pouvait y protéger ses intérêts. Les problèmes sont régis par la politique régionale de l’État russe à l’horizon 2020 et au-delà, ainsi que par plusieurs résolutions gouvernementales.
 
Les pays n’ayant pas d’accès direct aux régions polaires souhaitent également découvrir et exploiter les ressources de l’Arctique. Rien que cette année, des brise-glace de Corée du Sud, d’Allemagne, des États-Unis et de Chine ont amené des expéditions scientifiques de recherche. La concurrence internationale s’échauffe… Cette concurrence peut, dans des conditions spécifiques, menacer les intérêts nationaux russes, estiment-ils.
 
D’une manière générale, la présence militaire étrangère se renforce dans l’Arctique et l’OTAN élargit ses missions de reconnaissance et de formation en mer de Norvège. Le grand exercice OTAN Trident Juncture 2018 mené en octobre dernier avec une grande force navale, d’avions stratégiques et de troupes au sol en atteste. Les unités de reconnaissance OTAN aux frontières russes se renforcent, faisant appel aux navires de collecte de renseignements électroniques Marjata et Eger de la marine norvégienne et aux avions de patrouille Poséidon de l’US Air Force. Cette année, des drones stratégiques US Global Hawk ont ​​été engagés à deux reprises en reconnaissance dans la mer de Barents, ainsi que des avions de surveillance Sentinel de la Royal Air Force.
 
Oslo et Washington ont convenu de prolonger le déploiement des marines américains en Norvège et de doubler leurs effectifs à compter du 1er octobre 2018, juste avant le grand exercice OTAN « Trident Juncture 2018 ». Les forces terrestres et navales norvégiennes sont renforcées et la flotte aérienne tactique et de patrouille est en cours de renouvellement.
 
Dans le cadre d’une reconstitution de la puissance de l’OTAN sur le théâtre européen, le Royaume-Uni restaure le radar à longue portée Saxa Vord sur les îles Shetland. Le radar d’alerte précoce américain de la base aérienne de Thule, au Groenland, est en cours de mise à niveau. Le radar Globus-3 est construit sur l’île Varde, dans le nord de la Norvège. Les bases aériennes de Bardufoss, Evenes, Banak, Earlann et Rygge sont modernisées, ainsi que le terminal maritime de Grotsund pour l’acceptation des sous-marins nucléaires américains. La montée en puissance militaire de l’OTAN dans l’Arctique se poursuivra dans un avenir proche. La Russie y voit une augmentation du risque de conflit. Il est en tout cas probable que la montée en puissance des deux adversaires historiques multiplie les risques d’accrochages plus ou moins graves.
 
La Russie s’était peu à peu retirée de l’Arctique depuis la vente – à vil prix – de l’Alaska aux Etats-Unis, en 1867, pour 7 millions de dollars (elle s’en mord encore les doigts ! 7 millions de dollars pour 1.600.000 km², ce n’était pas cher au m²…). Elle y revient en force. Des travaux de construction à grande échelle sont en cours sur les îles et la côte arctiques. Des installations militaires et des habitations ont été construites sur les terres de Franz-Joseph et de Novossibirsk. Des bases aériennes et des ports à double usage civil et militaire sont développés pour assurer la sécurité des transports. Les aérodromes de l’archipel de Novaya Zemlya, des îles de Novossibirsk et de la Terre François-Joseph sont en cours de reconstruction. La plupart d’entre eux seront bientôt opérationnels et accepteront tous les types d’aéronefs. Les ports maritimes de Dixon, Tiksi et Pevek seront reconstruits pour répondre aux nouvelles menaces de navigation sur toute la route maritime du Nord.
 
Le service hydrographique de la flotte du Nord russe envoie régulièrement des expéditions de recherche dans l’Arctique, dans l’intérêt de la défense et des activités maritimes. Les informations obtenues créent des banques de données océanographiques, tandis que des cartes, des instructions de navigation et des manuels mis à jour sont imprimés. La plupart des informations ont été utilisées par l’Atlas national de l’Arctique.
 
Une coopération égale et avantageuse pour tous dans l’Arctique est importante pour la Russie. Selon l’accord de coopération russo-norvégien, la flotte du Nord participe annuellement à l’exercice international de Barents. Il s’entraîne avec ses homologues norvégiens à la recherche et au sauvetage de navires en détresse et à la réparation de dommages environnementaux. Depuis l’année dernière, la flotte participe à des exercices communs de lutte contre les marées noires dans la mer de Barents et dans les zones adjacentes, a déclaré le commandant de la flotte du Nord, Nikolai Yevmenov.
 
On comprend aisément que les Russes développent leurs moyens militaires, y compris aéroportés, dans la région. Alors, quels moyens l’OTAN a-t-elle pour intervenir dans la région ? Plusieurs armées disposent de troupes spécifiquement de montagne, avec une aptitude au parachutage, et d’unités parachutistes formées notamment aux interventions sous conditions hivernales. C’est le cas de la France avec des régiments de « la régulière » et de la Légion étrangère. Mais face aux impressionnants moyens russes, ceux de l’OTAN ne font pas le poids, à ce qu’il semble.
 
Une question cruciale est évidemment celle-ci : aussi puissants et nombreux soient les effectifs et le matériel prévus pour une opération, encore faut-il disposer de la supériorité aérienne nécessaire pour les larguer ou, plus difficile, les déposer à l’endroit voulu ! La coopération entre armée de Terre et Armée de l’Air, voire aussi de la marine, s’impose plus que jamais en pareille hypothèse, surtout si un largage devait s’effectuer sur une zone – en Europe ou ailleurs – où la présence massive d’un dispositif adverse serait de nature à hypothéquer sérieusement le succès de l’opération. La perspective de devoir, peut-être, utiliser un jour l’arme aéroportée dans l’Arctique fait sans doute phosphorer quelques concepteurs d’emploi.

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