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Des pistes pour inscrire l’économie de guerre dans la prochaine LPM

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Après cinq années à la tête de la Direction générale de l’armement (DGA), Joël Barre a tiré sa révérence le 31 juillet, non sans une dernière audition devant les députés de la Commission de la défense nationale et des forces armées. L’occasion, entre autres, d’évoquer la notion d’économie de guerre soulevée en juin par le président de la République et de revenir sur les principales adaptations à l’étude.    

Cette économie de guerre, militaires et politiciens ne l’avaient « pas entièrement imaginée dans le cadre de la LPM 2019-2025 », relevait l’ex-DGA à la veille de la fête nationale. Elle s’impose désormais à tout un pan de l’industrie française, alors que la guerre en Ukraine démontre chaque jour un peu plus la nécessité de « reconstituer plus vite et plus fort certains stocks, savoir produire davantage des matériels qui sont adaptés à ce retour de la guerre de haute intensité sur notre sol, réinterroger certains choix d’innovation », déclarait le président de la République le 13 juillet.

Les acteurs concernés se sont donnés jusqu’à l’automne pour réfléchir à un cadre global, expliquait le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, le mois dernier en audition parlementaire. Plusieurs pistes sont à l’étude, dont certaines ont été détaillées par Joël Barre. D’après l’ex-DGA, il s’agira premièrement de recourir davantage au dispositif d’urgence opérationnelle facilitant l’acquisition d’équipements principalement sur étagère « à très bref délai, inférieur à un an ». D’autre part, le ministère mise sur les 500 M€ mis sur la table par la Commission européenne pour recompléter certains stocks. Les géants du secteur, Nexter, MBDA, Thales, Safran et Airbus, ont été saisis pour faire des propositions avant la fin du mois de juillet, date limite fixée par l’Europe. L’aide européenne n’est cependant accordée qu’à certaines conditions : s’engager avec des partenaires et cibler les matériels utilisés sur le front ukrainien, à l’instar des munitions, équipements du combattant et armes légères.

Derrière ces mesures d’urgence, la compatibilité avec une économie de guerre passe par « la constitution de stocks de long terme à même d’accélérer la production d’équipements si nécessaire en cas de crise », rappelle Joël Barre, en écho à ce qui a été suggéré auparavant par plusieurs parlementaires et grands patrons d’industrie, dont le PDG de MBDA, Éric Béranger. La DGA envisage ainsi la création d’un dispositif contractuel d’anticipation de commandes « selon un calendrier de livraisons nominales, dans le cadre d’une commande initiale avec des possibilités d’accélération ». Le tout en maintenant la responsabilité de l’industriel pour garantir les standards de qualité et de sûreté.

Produire plus et dans des délais contraints exige de l’industriel de pouvoir anticiper les besoins supplémentaires en termes de machines, d’espaces de production, de matières premières, mais aussi de bras. La DGA planche ainsi sur « la mise en place de ressources et de compétences humaines complémentaires ». « Pourquoi ne pas créer un dispositif de réserve dans l’industrie ? », questionne Joël Barre. L’idée a été défendue à plusieurs reprises par le PDG du groupe Nexter, Nicolas Chamussy. Cette « réserve opérationnelle industrielle » serait un atout majeur « pour absorber le choc d’activités, en venant grossir les rangs des lignes de production et rendre possible une augmentation massive de la production industrielle », proposait-il dans le dernier numéro de Terre information magazine.

La DGA cherche aussi à renforcer les possibilités de réquisition ou de priorisation des livraisons par les industriels, une action « visant à affirmer que nous sommes le premier client et non tel ou tel autre ». « Il n’est pas exclu de faire des proposition en ce sens pour la nouvelle LPM », pointe Joël Barre. Comme évoqué mi-juin dans Le Monde, la DGA travaille d’ores et déjà sur un texte autorisant la réquisition, dans certaines circonstances, de matériaux ou de compétences appartenant aux entreprises civiles. Pareil mécanisme existe déjà aux États-Unis depuis plus de 70 ans. Régulièrement amendé, ce Defense Priorities and Allocations System Program (DPAS) a encore été invoqué en juin dernier par le président Biden pour accélérer la production domestique d’énergie verte en réponse à la flambée des prix des hydrocarbures.

Qu’importe le train de mesures retenu, celui-ci aura un coût qui « doit être programmé sur le plan budgétaire ». Ce sera l’un des enjeux de la LPM 2024-2030, dont les travaux doivent être achevés cette année en vue d’une discussion parlementaire début 2023. D’ici là, « nous allons poursuivre un dialogue étroit avec l’industrie sur ce sujet, car elle a peut-être aussi des propositions à faire, auxquelles nous serons très attentifs », complétait Joël Barre. Le dossier est désormais entre les mains de son successeur, Emmanuel Chiva.

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