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Dernière ligne droite vers la nouvelle trame missile-roquette de l’armée de Terre

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Élaboré depuis plus de 10 ans, le renouvellement de la trame missile-roquette de l’armée de Terre est sur le point d’aboutir. L’un de ses deux piliers, le missile MMP, est en service depuis 2017, a servi en opération et continue à évoluer grâce aux premiers retours d’expérience. Plusieurs fois retardée, la roquette de nouvelle génération pourrait quant à elle être livrée cette année, permettant à la Section technique de l’armée de Terre (STAT) de l’évaluer en vue d’une mise en service l’an prochain.  

Le Milan « normalement » bientôt à la retraite

La trame actuelle laissera bientôt place à un binôme roquette/missile multi-cibles et disposant de capacités supérieures en termes de perforation, de précision, de portée et d’acquisition d’objectifs. Cette TRM simplifiée permettra d’uniformiser les systèmes de soutien et de formation et d’alléger la charge logistique en opération.

Des cinq systèmes d’ancienne génération, le missile HOT n’est plus produit et le Javelin est sorti de l’inventaire l’an dernier et a été mis sous cocon en attente d’une décision de la Direction générale de l’armement (DGA). Le Milan sera « normalement » remplacé définitivement cette année par le MMP. Enfin, l’armée de Terre substituera l’AT4 CS et l’Eryx à la roquette de nouvelle génération au mieux « d’ici un an ou deux », explique l’adjudant-chef Mickaël, officier de marque trame missile-roquette au sein de la STAT.

Au 1er juillet, l’armée de Terre disposait encore de 343 postes Milan et 630 postes Eryx, contre 457 et 650 un an plus tôt. À l’inverse, les stocks de missiles et de postes de tir MMP se complètent d’année en année. Le millième missile MMP a été réceptionné en novembre dernier par le Service interarmées des munitions (SIMu) et 200 exemplaires supplémentaires sont attendus en 2022.

Cette année serait donc celle de la retraite pour le missile Milan, après un demi-siècle d’utilisation dans l’armée de Terre. Son remplacement complet par le MMP restait conditionné à la levée des dernières réserves, dont l’ultime relative à l’aérolargage du système. Cette expérimentation a été réalisée en fin d’année dernière par le groupement « aéroportés » de la  STAT (GAP/STAT), stationné sur la base aérienne 101 de Toulouse-Francazal. Plusieurs largages ont permis de vérifier la tenue du système dans toutes les conditions possibles, tant par fixation dans les gaines du personnel que sur un fardeau.

Une fois les comptes-rendus édités et validés par la DGA, cette réserve pourra être levée, autorisant les régiments de parachutistes à remplacer leurs Milan et à l’échelon national d’urgence (ENU) à monter des alertes avec le nouveau missile.

Autre réserve levée en 2021, celle du transport en véhicule. Après l’adaptation d’une poignée de VAB, la bascule sur le Griffon a été rendue possible grâce au développement de supports internes adaptés. Ceux-ci sont éprouvés au Sahel depuis l’automne dernier et la projection d’un premier GTIA Scorpion équipé du Griffon. « Jusqu’à présent, nous avons eu de bons retours », souligne l’adjudant-chef Mickaël. Le système se veut modulaire, avec des configurations d’emport à trois ou six munitions. La première semble être privilégiée jusqu’à maintenant.  

Des gaillards du 35e RI à l’entraînement au CENZUB. À l’avant-plan, un lance-roquette AT4 CS, prochainement remplacé par l’AT4 F2 (Crédit : 35e RI)

De petites évolutions pour le MMP

En service depuis 2017, le MMP et son environnement continuent d’évoluer au gré de corrections mineures. Hors de question de toucher à la structure ou à l’ergonomie du système, cette dernière n’ayant « été l’objet que de retours très positifs. Elle a d’emblée été travaillée très sérieusement pour rendre le système le plus accessible possible ». Les modifications à venir sont essentiellement d’ordre logicielles.

Le simulateur d’entraînement, premièrement, va évoluer vers un second standard ajoutant des fonctionnalités prévues à l’origine et tenir compte des remontées des opérationnels. Parmi les besoins supplémentaires, la prise en compte de l’aveuglement au soleil vécu lors de certains tirs « de façon à ce que le tireur puisse apprendre à réagir en conséquence ».

Autre RETEX remonté des forces, la possibilité de conserver une trace des tirs effectués à l’instruction et à l’entraînement. Chaque tireur disposerait d’une fiche personnelle, un historique sur lequel l’instructeur pourra apposer des commentaires. La doctrine d’emploi pourrait elle aussi évoluer. Jusqu’à présent, un groupe MMP opère sur un unique poste de tir. Le dédoublement éventuel de la dotation est à l’étude pour concorder au principe adopté avec le Milan et offrir aux fantassins « la possibilité de couvrir plusieurs postes » en simultané.

« La Marine Nationale est aussi intéressée », rappelle l’adjudant-chef Mickaël. Les expérimentations menées à l’été 2018 Djibouti, notamment par des commandos marine à partir d’une embarcation ECUME, auront été riches d’enseignements. « En tirant de la mer vers la mer, nous avons remarqué que l’autodirecteur ne parvenait pas toujours à accrocher une petite cible flottante en raison des reflets générés par les vagues », relève l’adjudant-chef Mickaël. La « navalisation » du MMP passera donc par une adaptation de l’algorithme pour permettre à l’autodirecteur de prendre en compte ce paramètre.

Export et TAVD

À l’export aussi, le MMP accroche sa cible. La Défense belge n’a pas retenu la version débarquée dans la première tranche d’acquisitions du programme CaMo, au contraire de la version intégrée sur Jaguar. La trame antichar de la Composante Terre continue donc de se focaliser sur le système israélien Spike LR commandé en 2013. Mais l’intérêt pour un MMP débarqué n’est cependant pas inexistant. Une délégation belge a ainsi été invitée par l’état-major de l’armée de Terre à assister au prochain tir prévu pour début février.

La Suède a acté son intérêt pour le MMP, et plus spécifiquement pour sa fonction de tir au-delà de la vue directe (TAVD), l’an dernier au travers de plusieurs accords entre institutions et industriels. Très prometteuse, cette capacité TAVD est toujours en expérimentation dans l’armée de Terre. Le MMP doit en effet être relié à un matériel spécifique, une tablette Félin par exemple, capable de transmettre des coordonnées au tireur, celui-ci ne pouvant accrocher l’objectif qu’en cours de vol.

Le programme LynkEUs, piloté par MBDA et soutenu par un financement européen, contribuera à démontrer les concepts opérationnels préliminaires d’une capacité TAVD. Bien que décorrélé du programme MMP, LynkEUs est suivi de près par les militaires français. Ainsi, la STAT réalisera prochainement une première expérimentation tactique (EXTA) à base de simulation chez MBDA. LynkEUs se conclura au second semestre 2022 à Chypre par de nouveaux tirs de démonstration.

Un tir de MMP réalisé en novembre 2020 à Canjuers dans le cadre du programme LynkEUs (Crédit : Laurent Guichardon/MBDA)

L’AT4 F2 livré en 2022 ?

Successeur de l’AT4 CS, l’AT4 F2 a été retenu au terme d’un appel d’offres remporté par le groupe suédois Saab. Conçu selon des spécificités propres au client français, ce lance-roquette portable et consommable « devrait être livré théoriquement cette année », un jalon plusieurs fois décalé.

Quand l’AT4 CS français ne dispose que d’un seul type de munition, le futur AT4 F2 en comprendra trois. À la munition anti-char viennent s’ajouter des versions anti-structure et anti-personnel, celle-ci comprenant un mode airburst. Les deux premières offrent une portée maximale de 600 mètres, la troisième est efficace jusqu’à 1000 mètres.

L’œilleton et le guidon composant le système de visée de l’AT4 CS disparaissent au profit d’un viseur point rouge couplé à une conduite de tir FCS 51. L’ensemble « aidera le militaire à tirer sur un objectif mobile et lui permettra de tirer la roquette anti-personnel jusqu’à 1000 mètres grâce à la télémétrie ». Dans son véhicule, le tireur disposera d’un panachage de roquettes dans lequel il sélectionnera la plus adaptée en fonction de la cible à traiter. Infanterie, cavalerie, génie, etc. : « tout le monde est censé pouvoir l’utiliser », indique l’adjudant-chef Mickaël. Si les premiers exemplaires parviennent en France en 2022, ce sera avant tout pour autoriser la STAT à mener le processus habituel d’évaluation. Sauf écueil majeur et nouveau décalage, la mise en service opérationnelle pourrait intervenir en début d’année 2023.

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