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Comment le COM FST et le COM RENS évoluent pour monter en gamme et multiplier les effets

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Ne dites plus COM FST et COM RENS mais « CAST » et « CAPR ». Confrontée à l’évolution du contexte stratégique, l’armée de Terre a engagé une profonde réorganisation de ses commandements pour mieux investir les nouveaux champs de conflictualité, accroître sa réactivité et maximiser ses effets stratégiques, rapprochement d’acteurs travaillant autrefois « dans leur ligne d’eau » à la clef. Focus sur deux de ces structures, toutes deux mises sur pied d’ici à l’été 2024.

Réunir les acteurs de l’hybridité

« Sur intuition du chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT, le général Pierre Schill], il a été décidé de regrouper tous les acteurs de l’hybridité, que sont l’influence, les forces spéciales, le partenariat militaire opérationnel et une petite composante cyber au sein du Commandement des actions spéciales terre », expliquait un officier supérieur des forces spéciales jeudi dernier à l’occasion de la traditionnelle présentation des capacités de l’armée de Terre au profit des auditeurs de l’IHEDN (P.IHEDN).

Le noyau historique formé par les 1er régiment de parachutistes d’infanterie de marine (1er RPIMa), 13e régiment de dragons parachutistes (13e RDP), 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales (4e RHFS) et autres structures spécialisées sera renforcé du Centre terre pour le partenariat militaire opérationnel (CPMO) et du Centre interarmées des actions sur l’environnement (CIAE), basé à Lyon. Les quelque 2800 militaires de l’ex-COM FST seront à terme augmentés d’environ 700 personnels.

Leur mission commune ? « Produire des effets stratégiques pour lutter contre nos grands compétiteurs dans tous les champs, dont celui de l’immatériel. (…) Ces nouveaux moyens à intégrer dans nos modes d’action dès la conception vont nous permettre de décupler l’efficacité de nos opérations ». Le tout au profit des donneurs d’ordre traditionnels : le Commandement des opérations spéciales, la Direction du renseignement militaire, le Centre de planification et de conduite des opérations, mais également, demain, l’armée de Terre via le Commandement terre pour les opérations aéroterrestres en Europe (CTE) tout juste institué.

Le CAST devrait être officialisé en janvier 2024, le temps que les arrêtés et autres démarches normatives soient actés. Une partie des effectifs parisiens et lyonnais rejoindront Pau d’ici à l’été prochain pour y renforcer l’état-major. À sa tête, un général assisté d’un adjoint « hybridité », un général de brigade qui ne viendrait pas nécessairement des forces spéciales et sera, entre autres, chargé de piloter les réflexions. Et un état-major en construction auquel est venu se greffer pour la première fois un officier de liaison belge en provenance du Special Operations Regiment (SOR).

Ce nouveau commandement, c’est aussi une réponse de l’armée de Terre à la nécessité de monter en gamme sur la question de l’influence, érigée au rang de sixième fonction stratégique par la Revue nationale stratégique de 2022. Au carrefour du cinétique et de l’influence, l’hybridité est « un mode de réflexion tactique qui produit des effets stratégiques », pointe un officier. La formation, le conseil, l’équipement, voire l’accompagnement au combat d’un partenaire étranger, par exemple, participera ainsi à cultiver cette influence par les actions que ce dernier mènera par la suite. 

L’expérience des partenariats militaires opérationnels conduits au Sahel n’est pas loin, ceux-ci s’étant parfois conclus par un retournement des forces instruites contre leur désormais ex-allié français. L’armée de Terre réfléchit à cet égard à développer une meilleure « contractualisation » pour en tirer davantage de bénéfices, quand la logique dominante auparavant était celle d’une certaine « gratuité » ne servant pas nécessairement les intérêts français. 

Exit la recherche de quantité, place à un ciblage plus fin et à une plus grande proximité pour inscrire ces PMO dans la durée tout en s’assurant de pouvoir quitter le navire à temps au lieu de s’épuiser à le maintenir à flot. Si le continent africain demeurera source de coopérations, d’autres besoins et opportunités apparaissent ailleurs. En Europe de l’Est et du Nord notamment, mais aussi dans l’espace Indopacifique, soulève un officier.

Un premier test en attendant de nouveaux moyens

Si le CAST ne sera pleinement opérationnel que dans plusieurs mois, le rattachement du CPMO et du CIAE aux forces spéciales est effectif depuis le 1er octobre. Avec un premier test grandeur nature il y a quelques semaines à l’occasion de l’exercice annuel des forces spéciales terre, Gorgones 2023. Calqué sur le conflit russo-ukrainien, cet exercice inscrit dans un contexte de haute intensité aura permis de combiner influence, PMO et actions cyber. Il a conduit les forces du CAST à former une section d’une cinquantaine de combattant alliés pour les appuyer dans leur combat face à un adversaire commun, conquête du pic du Midi à la clef. 

Gorgones aura généré « de beaux effets » tout en servant de laboratoire. Face au retour du ciblage et des frappes dans la profondeur, les forces spéciales privilégient à leur tour la dissociation des postes de commandement. « C’est à dire que nous sommes divisés en deux plots. Chacun de ces plots fonctionne en miroir, (…) cela nous rajoute des frictions en termes de coordination, de procédures. De nouvelles procédures ont dû être établies notamment pour que les PC gardent les mêmes suivis de situation ». 

En attendant sa pleine capacité à l’été 2024, le CAST dispose déjà d’un insigne provisoire

Derrière ce premier essai réussi, la montée en puissance du CAST s’accompagne de moyens supplémentaires. La loi de programmation militaire pour 2024-2030 prévoit une enveloppe de 2 Md€ pour les forces spéciales, toutes armées confondues, mais aussi une croissance des effectifs. De quoi muscler l’ensemble des unités, avec jusqu’à quelques dizaines d’opérateurs en plus pour les trois régiments terrestres. 

L’effort se manifestera par ailleurs par la formation d’une compagnie dédiée au domaine cyber. Organisme à vocation interarmées – terre (OVIAT), car soutenu par l’armée de Terre, le CIAE le restera tout en gagnant un peu d’ampleur et en travaillant avec d’autres acteurs. Ses moyens seront eux aussi renforcés, en particulier dans la lutte informatique d’influence (L2I). Qu’importe l’unité concernée, « il nous faudra recruter d’ici l’été prochain, sachant que cette courbe de montée en puissance est lissée sur plusieurs années », pointe un officier.

Un rapport de la Cour des comptes publié prochainement devrait, s’il n’est pas classifié, être révélateur de certaines inflexions matérielles à consentir. Parmi les grandes marches à franchir rapidement, celles de drones et de munitions téléopérées dont l’évolution rapide se voit confirmée par les combats en Ukraine. « Tous les trois à quatre mois, de nouvelles solutions et modes d’action apparaissent », relève un officier. Ne pas louper le train en marche exigera donc de gagner – encore – en agilité sur les expérimentations, acquisitions et mises à jour successives. 

Éternel point d’attention, la mobilité devra elle aussi continuer d’évoluer tout en conservant « l’empreinte légère traditionnelle » des forces spéciales. Un retour au blindage n’est pas totalement exclu, les forces spéciales s’étant inscrites dans les programmes de l’armée de Terre, mais « notre marque de fabrique, c’est plutôt David Stirling », complète l’un de ses membres en hommage à l’officier britannique à l’origine du SAS et de l’usage de véhicules légers peu protégés mais discrets et dotés d’une grande puissance de feu. Des recherches se poursuivent autour de plateformes à propulsion électrique, du vélo au véhicule tout terrain.

Renseigner, agir et frapper dans la profondeur

Si le CAST sera l’incubateur de l’hybridité, le commandement des actions dans la profondeur et du renseignement (CAPR) sera celui du combat dans la profondeur. « Le CAPR a été créé pour regrouper toutes les unités qui agissent dans la zone des 50 à 500 km », résume un officier supérieur. Successeur du COM RENS, ce commandement sera officiellement constitué sous la houlette d’un général de division le 1er juillet prochain à Strasbourg. 

Le CAPR agglomère une quinze d’unités relevant de trois brigades, dont deux apparaissent à cette occasion. La brigade de renseignement cyber électronique (BRCE), d’une part, rassemblera les unités dont les capteurs relèvent de cette zone ou agissent depuis la métropole, que sont le 2e régiment de hussards, les 44e et 54e régiments de transmission et la 785e compagnie de guerre électronique.

La future 19e brigade d’artillerie (19e BA), installée à l’été 2024 à Lyon, regroupera quant à elle les régiments oeuvrant dans la profondeur au profit de la division ou du corps d’armée. Ce sont les 1er, 54e et 61e régiments d’artillerie ainsi que l’école des drones. S’y ajoutent la 4e brigade d’aérocombat (4e BAC), qui intégrera au 1er janvier un 9e régiment de soutien aéromobile engagé depuis trois ans dans un virage opérationnel, et le centre de formation initiale des militaires du rang du renseignement (CFIM – 151e RI). Le centre du renseignement Terre, enfin, viendra s’accoler à l’ensemble. Mis sur pied en 2016, ce dernier continuera de doter l’armée de Terre d’une capacité d’analyse tactique et d’expertise de l’exploitation qui lui est propre. 

« La plupart de ces unités doivent se coordonner dans la 3ème dimension. Les hélicoptères et drones, bien sûr, mais aussi les munitions tirées par les artilleurs du 1er RA », note un officier. Rassembler ces acteurs dans une structure unique et sous un chef unique, les faire se côtoyer au quotidien et s’entraîner ensemble permettra de créer de nouvelles synergies et d’accélérer les boucles de décision entre capteurs et effecteurs. « À partir du moment où l’on détecte une menace que l’on souhaite traiter, il faut que l’information arrive plus rapidement à l’effecteur choisi. Nous gagnerons donc des délais en créant des organisations multi-domaines appelées à s’entraîner régulièrement », nous explique-t-on. 

Cette refonte n’est pas sans rappeler le principe de « Joint Air-Ground Integration Center » (JAGIC) instauré il y a une dizaine d’années par l’US Army. « Créé au sein d’un état-major de niveau division ou cors d’armée, le JAGIC synchronise lui aussi les capteurs, la coordination 3D et les effecteurs terrestres et aériens et s’en sert en fonction de la menace désignée ». 

Pour le CAPR aussi, la réorganisation implique une réflexion matérielle pour renseigner et générer des effets jusqu’à 500 km. « Nous attendons de nouvelles capacités », indique notre interlocuteur. Ce sont, par exemple, les systèmes qui succéderont aux lance-roquettes unitaires (LRU) du 1er RA et dont les performances devraient garantir un usage dans l’ensemble de la zone qui lui est confiée. 

La logique s’étend au 54e RA, régiment référent pour la défense sol-air dans l’armée de Terre. Son savoir-faire repose essentiellement sur un missile Mistral 3 dont la portée est limitée à quelques kilomètres. Et si le régiment devrait recevoir des blindés Serval en variante Mistral d’ici à 2030, « nous espérons avoir des matériels qui agiront davantage dans la profondeur », relève un officier. 

Crédits image : armée de Terre

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