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Comment le 3e RHC accélère sur la dronisation de l’aérocombat

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De nouvelles expérimentations se préparent au 3e régiment d’hélicoptères de combat d’Étain, chaînon central d’une dynamique visant à définir l’apport des drones pour démultiplier les effets tactiques de l’aérocombat. De nouvelles plateformes et charges utiles arrivent, de même qu’un centre d’entraînement dédié. 

La collaboration plutôt que l’éviction, voilà la voie privilégiée par la 4e brigade d’aérocombat (4e BAC) vis-à-vis des drones et munitions téléopérées. Au coeur de cette démarche exploratoire, le 3e RHC multiplie les idées et tentatives en rehaussant progressivement le degré d’ambition avec un but clair : exploiter tout le potentiel pour élargir le panel d’effets et renforcer la survivabilité des hélicoptères. Avec plusieurs projets conduits en parallèle, l’agenda des prochains mois s’annonce des plus dense pour la dizaine de militaires et de civils mobilisés au sein du régiment de la nuit.

Voilà un moment que le 3e RHC planche sur le déploiement de drones à pilotage immersif (FPV) depuis un hélicoptère. Mais s’ils ont été concluants, les premiers essais réalisés à partir d’une Gazelle l’ont été sur base de drones décollant depuis le sol. Faute d’autorisation idoine, impossible pour l’instant d’envisager un lancement en vol depuis la cabine. Cette manoeuvre, seul le 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales (4e RHFS) de Pau l’a tentée jusqu’à présent. Le feu vert est attendu d’ici la fin de l’année pour la « conventionnelle ». Et si les tests sont conduits à partir d’un système non armé, il est bien question de le transformer en une véritable munition téléopérée (MTO) en y intégrant une charge militaire de quelques centaines de grammes.  

L’expérience doit prochainement s’ouvrir à une autre solution : le drone intercepteur AST-78 de l’entreprise française Asterodyn. Intercepteur ou MTO, de drone également lancé depuis la cabine va faire l’objet d’une évaluation tactique (EVTA). Sa livraison, décalée pour des raisons techniques, permettra d’engager un travail conduit sur toute l’année 2026 et finalisé par la remise d’un compte-rendu en 2027. 

Les trois atouts de l’AST-78 ? Sa capacité d’emport, son rayon d’action et, surtout, sa vitesse bien supérieure à celle des hélicoptères militaires actuellement en service. « Nous avons une charge utile allant jusqu’à 1 kg et une élongation de 15 à 23 km à une vitesse de 400 km/h. Avec ce genre de drone, nous serions en mesure de rattraper n’importe quel hélicoptère que l’on verrait opérer dans notre zone pour le neutraliser de manière assez fulgurante », explique le 3e RHC. Résistant au brouillage radio, l’AST-78 bénéficiera également de l’ajout d’une couche d’intelligence artificielle pour gagner en autonomie et entrevoir le vol en essaim.

Ces « effets lancés par air » (ELA), l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) ne les limite pas aux seuls moyens cinétiques. De tous les autres effets possibles, le 3e RHC a jusqu’à maintenant exploré les voies du leurrage. Une première plateforme « maison » a permis de défricher le sujet. Conçu localement, ce drone à voilure fixe de 4 kg et de 2,8 m d’envergure peut atteindre 110 km/h. Lancé depuis le sol, il emmène avec lui un réflecteur radar programmable intégré à l’aide de l’impression 3D. Conçu par la Direction générale de l’armement, ce module de 900 grammes baptisé « EM Pulse » génère et amplifie des formes d’onde radar pour répliquer la signature de plusieurs aéronefs. Sa portée ? Jusqu’à 70 km. 

L’idée, matérialisée avec l’appui du polygone de guerre situé à la frontière franco-allemande, se révèle prometteuse. Équipé du module EM Pulse, un unique drone peut ainsi reproduire la signature radar de trois hélicoptères. En créant de toute pièce cette patrouille fictive, il participe à tromper la défense sol-air adverse par des manoeuvres de déception et confronte l’ennemi à des dilemmes tactiques. Dans les rangs amis, il faciliterait l’infiltration d’une patrouille et participerait ainsi à augmenter la survivabilité des appareils. Le tout a par ailleurs été conçu comme une solution sacrifiable, le drone étant doté d’un système d’autodestruction de son électronique.  

Le 3e RHC a depuis élargi le champ à un autre porteur, le drone TGT-100-LEU d’Adroha, entité du groupe ALCEN. Ses caractéristiques ? Une masse de 1,7 kg, une envergure de 80 cm, une vitesse de pointe de 130 km/h pour une élongation de 70 et une portée efficace de 40 km pour les communications. Le tout en combinant des briques d’augmentation des signatures radar et infrarouge. La prise en main n’est pas finalisée, mais les premiers essais se sont néanmoins révélés peu concluants. Pour l’heure, le 3e RHC privilégie plutôt l’adaptation de son drone « maison » pour le rendre modulaire, « ce qui nous permettrait d’adapter la charge utile en fonction du besoin de la mission » et d’élargir le champ à d’autres effets non cinétiques comme la détection-reconnaissance-identification (DRI) ou le relais radio. Bref, « on peut imaginer tout type de systèmes ‘pluggés’ dessus » sans changer de vecteur. 

La dynamique demandera de progresser sur d’autres segments que les drones en eux mêmes. À commencer par des normes civiles contraignantes donc contribuant à freiner l’élan. D’autres écueils sont quant à eux techniques. Derrière l’éternelle question de la robustesse des liaisons de données, c’est bien l’endurance qui monopolise une partie de l’attention. Bien que supposés agir sur les avants et en appui durant toute la durée de la mission, les drones mis à l’épreuve restent limités par leur batterie. La MTO actuelle, par exemple, n’a qu’une portée de 5 à 6 km. Demain, le 3e RHC espère l’étendre à 10 km en misant sur une nouvelle batterie « Made in France » amenée par les Savoyards de KAËLION Energie. Le travail se poursuivra pour étendre encore le rayon d’action à 15-16 km et éloigner d’autant l’hélicoptère de la défense sol-air adverse.

Larguer en vol suppose ensuite d’emmener un télépilote en place arrière d’une Gazelle, un paramètre de poids qui influe d’autant sur l’allonge de l’appareil. Demain, il s’agira de basculer sur d’autres processus de lancement en pariant sur des moyens proches de ceux conçus pour les missiles et roquettes. Les drones concernés n’existent pas encore, et il faudra imaginer le déclencheur pyrotechnique qui permettra d’éjecter ceux-ci en dehors du disque rotor et du souffle qu’il induit sans les fragiliser. De même, la dronisation implique de ne pas surcharger outre mesure l’équipage en privilégiant une autonomie maximale et la meilleure intégration au sein du cockpit. Un double enjeu auquel l’ALAT pourrait répondre en misant sur la programmation en amont de la mission et sur des évolutions de l’interface homme-machine. 

Le 3e RHC dispose pour l’instant de cinq télépilotes. L’un est issu du personnel navigant. Deux autres sont mécaniciens, un autre est pompier et le dernier est membre opérationnel de soute (MOS). « Aujourd’hui, nous cherchons davantage une compétence qu’un grade ou une fonction », nous précise-t-on. Une avant-garde qu’il faudra renforcer rapidement, tant au sein d’un régiment projetant de mettre sur pied une première escadrille mixte « dronisée » dès 2026, que parmi les autres unités de la 4e BAC. 

L’autre gros chantier pour l’an prochain, ce sera donc la création d’un centre d’entraînement tactique drone. Ce CETD ad-hoc, c’est à Étain que la brigade a décidé de l’installer. Le temps d’établir un planning et de consolider le contenu des formations et des entraînements, et ce centre devrait être actif à compter de l’été 2026. « Cela va nous permettre de former des télépilotes et moniteurs drones pour toute la brigade, et surtout d’entraîner les régiments sur le plan tactique », indique le 3e RHC. Le décollage est réussi, la consolidation des premiers acquis devrait être démontrée lors d’ORION 2026, cet exercice d’hypothèse d’engagement majeur et laboratoire à grande échelle qui fera la part belle aux drones dans toutes les armées, armes et milieux. 

Crédits image : 3e RHC

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