Participation belge au défilé du 14 juillet : les Chasseurs Ardennais à l’honneur

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Régalez-vous, citoyens ! Cette année, parmi les troupes non-françaises invitées à participer au défilé qui caractérise si formidablement la fête nationale, se trouve un détachement belge. En l’occurrence, cet honneur échoit au Bataillon de Chasseurs Ardennais, unité typiquement belge qui s’est admirablement illustrée en mai 1940 au fil de batailles acharnées contre l’envahisseur allemand. Le détachement est commandé par le capitaine Nicolas (on ne révèle pas le nom de famille), commandant de la 2ème Compagnie.
 

Le détachement belge ayant l’honneur de participer au défilé du 14 juillet 2018 provient du Bataillon de Chasseurs Ardennais, prestigieuse unité casernée à Marche-en-Famenne. Ce détachement est commandé par le Capitaine « Nicolas », commandant de la 2ème Compagnie (Photo : Forces Operations)


 
Ce n’est pas la première fois que des Belges défileront le 14 juillet sur les Champs-Élysées mais l’honneur n’en est pas moins grand. En ce qui concerne les Chasseurs Ardennais, nous rappelle le capitaine Nicolas, la dernière fois que l’unité a défilé remonte à 1994 ; on parlait encore du Régiment composé des 1er et 3ème bataillons. La prestigieuse unité se réduit aujourd’hui à un bataillon, sans numéro. Et ses effectifs ne sont pas complets, que ce soit en hommes ou en matériel. C’est dans l’air du temps…
 
La décision d’assigner les Chasseurs Ardennais au défilé a été communiqué à l’unité seulement à la mi-mai et confirmée à la mi-juin. Oups ! C’est court comme délai de préparation ! Le détachement belge est intégré au dispositif du 152ème Régiment d’Infanterie caserné à Colmar. Il se compose de quatre transports de troupes blindés 8×8 Mowag Piranha 3C (engin commercialisé par General Dynamics Land Systems), plus un de réserve et un « Pir » en version dépannage. Le détachement compte dix-neuf hommes, en ce compris l’officier communication. Treize défileront, deux se tiendront en réserve. Trois mécanos se tiendront prêts à intervenir. D’ailleurs, pourquoi écrire cela au futur ? Ces trois hommes ont déjà été mis à contribution : à l’issue du premier jour des répétitions du défilé qui ont eu lieu les 11 et 12 juillet sur l’ancienne base aérienne de Brétigny, au sud de Paris, l’un des Piranha a frôlé l’incendie à cause d’un problème électrique et a dû être remplacé par l’engin de réserve. Si un autre lâche, il faudra peut-être faire défiler l’engin de dépannage pour combler le vide…
 
Le taux de disponibilité des Piranha est notoirement (très) préoccupant : quand ce n’est pas la partie mobilité qui tombe en panne, c’est la partie armement, les pannes étant parfois peu importantes, parfois graves. Et vu le contrat qui lie l’armée au constructeur, certaines pannes exigeant des pièces de rechange prennent parfois des semaines et même des mois à être réparées ! Les engins s’entassent à l’Arsenal de Rocourt qui travaille d’arrache-pied pour les remettre en circulation. Le taux de disponibilité déjà préoccupant en temps de paix (on n’ose pas vous le révéler) serait sans doute catastrophique en temps de guerre. Il manque la moitié d’effectif pour pouvoir assurer des rotations satisfaisantes. Mais cela va s’arranger, n’est-ce pas, puisque la Belgique, effrayée par les invectives du fantasque Donald Trump, a promis d’atteindre les 2% de son produit national brut consacrés à la défense. Charles Michel, le Premier ministre, a prudemment évité de dire à quelle échéance. Souriez !
 
Ah, puisqu’il s’agit du détachement belge, nous avons une anecdote – un peu pathétique – à vous raconter. Tout le monde connaît les innombrables problèmes causés à tout niveau et dans tous les domaines par les ridicules frictions linguistiques qui empoisonnent la vie entre francophones et néerlandophones, frictions dont les solutions coûtent souvent très cher au contribuable. L’armée n’y échappe pas. Alors voici l’histoire : les unités françaises ont coutume de nommer leurs véhicules selon des citations figurant sur leurs drapeaux. Les véhicules qui vont défiler le 14 juillet ont donc reçu un nom appliqué avec du lettrage autocollant, comme les marquages d’unité à retirer pour les déploiements en opération extérieure. Fort courtoisement, des Français proposent aux Belges de leur donner des lettres autocollantes pour nommer leurs Piranha. Le chef de détachement accepte et, avec une prudence de Sioux, décide de s’enquérir des citations dont les Chasseurs Ardennais ont pu s’enorgueillir au cours de la campagne de mai 1940. Pour éviter des hurlements… de Sioux de la part des néerlandophones qui regarderont le défilé, le capitaine Nicolas fait prudemment appliquer deux citations méritées en territoire francophone et deux en territoire néerlandophone pour se mettre à l’abri de tout parti-pris aux conséquences apocalyptiques… Mais voilà que le Piranha « Ardennes » tombe en panne et, pour les répétitions du 12 juillet, est remplacé par un autre… marqué d’une citation méritée en vertu d’une bataille livrée en territoire néerlandophone. Catastrophe ! L’équilibre linguistique est rompu ! Pourvu que l’« Ardennes » puisse être réparé pour ce samedi sinon ça va hurler devant les télévisions ! Souriez… ou pleurez de rire, selon votre perception de la question. Nous, on pleure de rire, à tout hasard.
 
Rendons justice à ceux qui ont permis cette participation belge : le personnel de l’Arsenal de Rocourt qui a repeint les Piranha en urgence (y compris les brindilles coincées sur le toit) – merci à la logistique ! –, et les transporteurs du 4ème Bataillon de Génie (caserné à Amay), du 4ème Bataillon logistique (caserné à Marche-en-Famenne, comme les Chasseurs Ardennais), ainsi que des 18ème et 29ème Bataillons logistiques.
 
L’ambiance qui règne entre Belges et Français depuis le début des répétitions est toute particulière, cette année. Vous ne devinez pas pourquoi ? Mais enfin ! Le match de football en demi-finale entre les deux pays, bien sûr ! Tout le monde était planté devant les écrans et a vibré au fil des minutes. Prudemment, une photo circulait déjà sur Facebook, relayée par le ministère belge de la Défense. Elle montre, en gros plan, une tête d’un artilleur français et d’un chasseur ardennais belge, avec un slogan parfait : « Le 10, ils seront face à face. Le 14, ils défileront ensemble ». Oh, bien sûr, les Français ont gentiment chambré un peu les Belges mais rien de désagréable. Et tous ont fait la fête après le match, dans une euphorie collective.
 
Allez, on termine cette chronique par une autre anecdote : la consommation de cirage noir dans l’armée française connaît un pic impressionnant avant chaque défilé du 14 juillet. Pour faire reluire les chaussures ? Mais non ! Les pneus des centaines de véhicules impliqués. Et attention à l’inspection de détail !