Au delà des seuls aspects techniques, les enjeux du programme MMP portent également sur le calendrier et les perspectives commerciales. Raytheon met en avant ses liens forts avec l’US Army et le lancement effectif des études pour un Javelin modernisé avec des performances en hausse et la promesse d’une baisse de 25% du prix du système (poste de tir et missile). Une première commande pluri-annuelle américaine est attendue pour les années 2014-2015. « Nous serions donc prêts pour tout contrat avec la DGA passé au plus tard fin 2015 et capables d’une livraison à l’armée de Terre en 2017» explique-t-on chez le missilier américain qui doute en revanche que son concurrent puisse en dire autant.
On affiche pourtant du côté de MBDA une très grande sérénité face à ce calendrier serré : le développement du MMP a débuté il y a trois ans et le tir en espace confiné a déjà été validé avec une dizaine d’éjections de « bûches » (missiles inertes). Les outils de simulation sont également en cours de développement, tout comme l’autodirecteur qui est de la responsabilité de Sagem. Un premier missile devrait être tiré en mode propulsé dès l’an prochain, avec une qualification attendue pour 2016. « Il nous reste aujourd’hui un peu plus de trois ans avant l’échéance de 2017 et nous sommes dans les délais du planning initial » précise-t-on chez MBDA. « Nous n’avons aucune inquiétude sur le calendrier initial, d’autant que la gestion du stock de Milan par l’armée de Terre lui permettra d’assurer le tuilage entre la fin du Milan et l’arrivée du MMP ».
MBDA fait à son tour remarquer que c’est plutôt son concurrent qui pourrait avoir du mal à respecter l’échéance de 2017 pour fournir un missile répondant aux spécifications françaises, surtout s’il lui fallait en plus négocier et engager une coopération avec un industriel européen. Pour le missilier européen, cela ne fait d’ailleurs aucun doute : l’objectif de son concurrent américain est de placer dans un premier temps un Javelin existant, immédiatement disponible, avant de développer (et à quel prix ?) les évolutions nécessaires pour répondre aux spécifications françaises. « L’intégration d’une liaison de données sur un missile existant nécessite des modifications de l’ensemble du système et ce n’est pas une opération neutre en termes de délais et de coût ».
Raytheon questionne de son côté les potentialités à l’export d’un MMP qui arrivera sur un marché où Javelin et Spike règnent déjà en maîtres. MBDA explique assumer ce risque, rappelant que le développement de son nouveau missile a été largement autofinancé. La cible française, annoncée pour 3000 missiles mais qui sera sans doute réduite, serait consolidée par des ventes à l’export estimées de manière conservatoire par MBDA à 9000 missiles. Les opposants au MMP de MBDA mettent les pieds dans le plat en questionnant ouvertement la fiabilité de ces chiffres. L’époque merveilleuse du Milan qui se vendait à plus de 300.000 exemplaires est définitivement révolue. De nombreux anciens clients de ce missile ont déjà opté pour de nouveaux missiles plus récents, qui les engagent pour les vingt ans à venir, à tout le moins. D’autres pays comme l’Inde ou l’Arabie Saoudite, gros consommateurs d’anti-chars, ont annoncé leur intention d’acheter de nouveaux missiles très prochainement, trop tôt donc pour que le MMP puisse participer à la compétition. La Turquie et le Brésil développent leurs propres solutions. Ce contexte politico-industriel limite mécaniquement le marché du missile anti-char pour les années à venir et il sera difficile pour MBDA d’offrir au MMP une place au soleil, ou du moins de garder celle qui avait été défrichée par le Milan. « Le MMP arrivera sur la marché avec des technologies, autodirecteur bimode, infrarouge non refroidi, centrale inertielle, que ses concurrents n’offrent pas encore » tient toutefois à rappeler MBDA. « Le MMP aura une longue carrière… »
Notre illustration : formation des tireurs du 152ème RI à l’emploi du Javelin en mars 2011.