FOB interview : capitaine de vaisseau Emmanuel Gué

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Le capitaine de vaisseau Emmanuel Gué est le commandant du French Amphibious Task Group de l’exercice Bold Alligator 2012.

 

Depuis quand préparez-vous cet exercice ?

Nous avons préparé cet exercice pendant un an environ. L’opération Harmattan a  accaparé beaucoup de nos ressources et fait peser quelques incertitudes sur notre participation. Mais nous n’avons jamais cessé de travailler avec nos interlocuteurs de l’US Navy et de l’USMC (US Marine Corps) et l’effort de préparation s’est intensifié à partir d’octobre dernier.

Comment organisez-vous la liaison avec les forces armées américaines ?

Les liens sont permanents entre la Marine nationale et l’US Navy. Un lieutenant de vaisseau de l’US Navy est en échange à bord du Mistral. Il est chef de service et pleinement intégré à l’équipage. Un officier américain est également posté en permanence au sein de notre état-major de la force aéromaritime de réaction rapide (FRMARFOR). Et dans le cadre de l’exercice, nous avons également embarqué des officiers de liaison de l’USMC et de l’US Navy, ainsi qu’une équipe Anglico (Air Naval Gunfire Liaison Company) avec ses véhicules.

Qui sont ces « Anglico » ?

Il s’agit d’éléments de liaison des Marines, avant tout des spécialistes de l’appui. Pour l’exercice, ils assurent en plus l’interface entre notre Groupe Tactique Embarqué et les forces avancées américaines. Ils fournissent également des liaisons radio avec le commandement américain. L’équipe embarquée à bord du Mistral se compose de 19 hommes dont 5 officiers. Les trois jours qu’ils ont passé à bord ont été mis à profit pour rencontrer nos unités et préparer leur débarquement. Ils resteront d’ailleurs intégrés aux forces françaises débarquées jusqu’à la fin de l’exercice.

Les échanges avec les forces amphibies américaines sont ils une nouveauté pour vous ?

Non, pas du tout. Pour ce qui est de l’amphibie, nous profitons régulièrement des passages des MEU (Marine Expéditionnaire Unit) en Méditerranée pour organiser des échanges. Il y a deux ans, une telle rencontre a par exemple permis au BPC Tonnerre d’entretenir sa qualification pour l’emploi des LCAC américains à son bord. Mais Bold Alligator 2012 nous permet de franchir une nouvelle étape : la France y est le premier contributeur étranger, loin devant les Canadiens, les Britanniques ou les Hollandais. 

Comment se déroule la coopération à l’occasion de l’exercice ?

Nous sommes accueillis à bras ouverts par les Américains qui font d’importants efforts pour nous permettre de « jouer » le plus possible dans l’exercice. A notre arrivée sur zone, nous avons travaillé en premier lieu sur les questions d’interopérabilité technique, avec notamment tout le travail de certification du Mistral pour l’emploi du LCAC. Cette certification est nominative et le Mistral a du l’acquérir bien que son sistership, le Tonnerre, en bénéficie déjà. Les interactions se poursuivent aujourd’hui entre notre Groupe Tactique Embarqué et les Marines à Camp Lejeune en Caroline du nord.

Que pensent les Américains du Mistral ?

Ce navire déclenche une certaine envie des marins américains qui sont étonnés par son aménagement et son équipage réduit (170 personnes) grâce à une automatisation poussée. Largeur des coursives, taille de l’hôpital, polyvalence offerte…, les Américains sont aussi très surpris par la vie à bord. On loge moins de personnes que sur leurs navires, mais les combattants qui débarquent du Mistral sont reposés et en pleine forme…

Vous emportez quatre Puma et deux Gazelle de l’Alat. Pourquoi pas de Tigre ?

Nous avons fait le choix de nous limiter aux Puma et Gazelle qui sont des appareils avec lesquels nous travaillons depuis longtemps dans les opérations amphibies. Le soutien d’un ou deux Tigre aurait en outre demandé du personnel de maintenance supplémentaire (NDLR : et donc de la place), alors que le Mistral embarque déjà 78 véhicules à roues et plus de 450 passagers.

Comment va se dérouler l’exercice à terre qui démarre aujourd’hui ?

L’exercice amphibie comprend la prise du port et de l’aéroport de Wilmington. Les forces françaises ont un rôle intéressant, puisqu’elles ont débarqué en premier pour sécuriser un important nœud routier et préparer le débarquement du gros des forces américaines. Nous avons eu un créneau de 6 heures pour nous emparer de nos objectifs. Une fois cette première partie effectuée, notre groupe terrestre est devenu  une force de réserve aux ordres des Marines, échappant à mon autorité.