En Belgique, une inflexion nécessaire sur les drones et la lutte anti-drones

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Drones et lutte anti-drones, deux capacités critiques néanmoins présentes de manière ciblée ou très limitée parmi les forces armées belges. Dans chaque segment, plusieurs efforts sont lancés pour compléter les noyaux existants, adopter de nouveaux moyens et tenter ne pas se laisser davantage distancer. 

Passer la seconde sur la lutte anti-drones

Présenté comme « très limité » en 2022, le panel de systèmes anti-drones déployées sur le territoire demeure bien insuffisant pour contrer une menace qui ne cesse de croître et d’évoluer. « Pour neutraliser la menace que représentent les drones, il n’existe pas de solution miracle », rappelait la ministre de la Défense belge, Ludivine Dedonder (PS), lors des discussions relatives au budget 2024. A défaut d’une solution miracle, la Défense belge semble néanmoins s’activer pour combler le retard.

À l’instar du voisin français, la Belgique privilégie une approche incrémentale et modulaire. La capacité LAD (ou C-UAS) belge sera constitué selon la logique du « système de systèmes », celle-ci visant à sélectionner et agréger des senseurs passifs et actifs, des effecteurs cinétiques et non cinétiques ainsi que des modules C2 pour l’intégration de ces briques. Une définition qui n’est pas sans rappeler celle du programme français PARADE, dont une première version aura bel et bien participé à la surveillance du Stade de France lors de la dernière Coupe du monde de rugby.  

Ces dispositifs seront déployés en plusieurs phases, la première visant à doter les bases aériennes de Florennes et Beauvechain et à compléter les moyens mobiles en service à Kleine-Brogel. Aux deux exemplaires prévus vient s’ajouter un troisième, semi-statique, destiné à sécuriser les événements majeurs sur le territoire belge. Jusqu’alors au stade de la prospection, le processus doit se poursuivre début 2024 avec la publication d’un cahier des charges. Une deuxième étape étendra la logique aux sites à caractère civilo-militaire, à l’image de l’aéroport de Melsbroek. 

La démarche dépasse le seul cadre « aérien » pour s’étendre à la Composante Terre. Selon le plan STAR établi pour la période 2023-2030, près de 360 M€ sont fléchés vers la constitution d’une défense surface-air propre aux forces terrestres. Des systèmes mobiles supplémentaires, par exemple, seront acquis « dans un avenir très proche » via l’Agence OTAN de soutien et d’acquisition (NSPA), expliquait la ministre de la Défense. Des fusils anti-drones, à première vue, tels que ceux proposés par l’entreprise lilloise MC2 Technologies. 

Ce futur bouclier bénéficiera également de la reconstitution d’une couche « Very Short Range Air Defence » (VSHORAD) engagée dans le cadre du partenariat CaMo avec la France. Centré sur le missile Mistral de MBDA, ce processus a fait l’objet d’une lettre d’intention en vue de l’achat de munitions. Ces systèmes MISTRAL seront à nouveau affectés au bataillon d’artillerie localisé à Brasschaat et à Lombardsijde. Quatre pelotons LAD/VSHORAD seront constitués dans un premier temps, un noyau qui doit plus tard « évoluer vers une capacité intégrée qui remplit le rôle de force protection de la capacité motorisée », détaille le ministère de la Défense dans son plan STAR. 

Déployer les drones dans la Composante Terre

Un effort similaire est en cours dans le domaine antagoniste des drones. Avec un bataillon ISTAR systématiquement accolé aux détachements envoyés en opération, la Belgique aura acquis une certaine avance par rapport au partenaire français en termes de concepts d’emploi. Manquait, pour rester dans la course, le passage à l’échelle sur le volet matériel nécessaire en vue d’un déploiement parmi les bataillons de la brigade motorisée. 

Plusieurs procédures sont en cours, soutenues par une ligne budgétaire inscrite au budget 2024 pour accompagner, entre autres, « la croissance exponentielle d’utilisation de micro UAS, mini UAS et Tactical UAS en faveur de la Composante Terre ». Exit les Phantom IV et Mavic 2 utilisés durant quelques années à des fins de preuve de concept, place à la commande de micro-drones répondant aux derniers standards et, surtout, mieux protégés. Cette évolution est déjà en cours. De source militaire, un lot initial a été acquis au travers de l’équivalent belge de l’ « Urgence Opération » (UO) pour équiper les deux sous-groupements tactiques interarmes (SGTIA) déployés en Roumanie et en Lituanie et doter les détachements appelés à les relever de lots d’entraînement.

La seconde phase consistera en l’attribution d’un contrat pluriannuel pour une quantité non détaillée de systèmes disponibles sur étagère afin de former et d’équiper correctement les unités pour leur préparation opérationnelle et leurs projections à l’étranger. Engagée en octobre 2023, la phase d’appel à participation s’est achevée un mois plus tard. 

Le renouvellement et la densification des moyens du bataillon ISTAR nécessitaient eux aussi un investissement. C’est tout l’enjeu d’un marché discuté début décembre en Commission des achats et ventes militaires de la Chambre des représentants et annonçant l’acquisition de 14 systèmes Raven, Puma LE et Puma 3 AE auprès de l’entreprise américaine AeroVironment. Là aussi, le mouvement est déjà perceptible. Quelques primo-instructeurs sont en effet partis aux États-Unis dans le courant de l’automne pour être formés, apprenait-on récemment. 

Véritable « hub » sur le sujet des drones, le bataillon ISTAR ferait ruisseler non seulement ses savoir-faire, mais aussi certains moyens vers d’autres unités terrestres. Toujours de source militaire, l’arrivée de mini-drones Puma 3 AE autoriserait ainsi le reversement des Raven actuellement en service dans l’infanterie. Entre mouvements internes et acquisitions, la démarche devrait déboucher sur la constitution d’une trame complète au profit de l’infanterie, à raison d’une équipe Puma par bataillon, d’une équipe Raven par compagnie et d’une équipe micro-drones par peloton. 

Crédits image : AeroVironment