DSEI 2019: Place à l'artillerie ?

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Une variant du CAESAR 8×8 bientôt dans les starting-blocks au Royaume-Uni ?


 
Les quelques chanceux ayant régulièrement l’occasion de déambuler dans un salon d’armement majeur l’auront certainement remarqué: ces évènements sont annonciateurs des programmes d’acquisitions à venir, aussi distants et indéfinis soient-ils. Le salon DSEI, organisé la semaine dernière à Londres, n’y aura pas coupé, les industriels commençant discrètement à se positionner pour le remplacement de l’artillerie automotrice de l’armée britannique.
 
Qu’il s’agisse du module Archer en version 8×8 dévoilé par la coentreprise britannique Rheinmetall BAE Systems Land (RBSL), de l’Atmos d’Elbit Systems, du CAESAR 8×8 de Nexter, du RCH 155 de Rheinmetall et KMW, ou encore de l’Aleksandar de Yugoimport, il aura été quasiment impossible de parcourir DSEI dans tomber nez à nez avec un « tube » de 155 mm. Sans parler des quelques projets isolés de calibres inférieurs, telles que cette variante du véhicule chenillé CV90 Mjöllnir équipée d’un double mortier de 120 mm et baptisée « Hammer of Thor », ou cette nouvelle version du Patria 6×6 armée du module AMOS, contenant lui aussi un mortier de 120 mm. Sans tambour ni trompette, les systèmes se multiplient et évoluent pour pouvoir répondre aux projets d’acquisitions susceptibles de survenir en Europe, à commencer par le Royaume-Uni.
 
Pour l’heure, la hausse généralisée des budgets de défense européens n’empêche pas que l’artillerie reste cantonnée en queue de peloton des renouvellements capacitaires. Du programme Dragón espagnol au MIV britannique, en passant par la France avec Scorpion, la plupart des pays européens se sont essentiellement concentrés sur le remplacement des flottes de véhicules blindés multirôles. Ne subsistent que quelques marchés secondaires annonciateurs de la fin d’un cycle et du basculement des investissements vers d’autres capacités, telle que l’artillerie. Initiée par les pays scandinaves, cette tendance devrait toucher la France d’ici 2025, la Belgique entre 2027 et 2029 et le Royaume-Uni à l’horizon 2024, si l’on en croit le scénario privilégié par les industriels présents au salon DSEI.
 
Il faudra donc faire preuve de patience, l’avenir de l’artillerie britannique continuant de s’inscrire en filigrane dans les projections régulièrement mises à jour par le ministère de la Défense. Tout au plus, la dernière mouture du plan de financement des équipements britannique confirmait la renégociation du contrat de soutien de la flotte de 89 canons automoteurs de 155 mm L131 AS-90 pour la décennie à venir. Il faut finalement descendre les échelons hiérarchiques pour découvrir un programme baptisé « Mobile Precision Firepower ». Lancé par l’armée britannique, ce programme vise au remplacement des AS-90 et d’une partie des canons L118 de 105 mm par un nouveau système d’artillerie mobile de calibre 155 mm. Celui-ci pourrait notamment être appelé à intégrer les deux futures « Strike Brigades » de la 3e division britannique, annoncées dès 2011 au travers du programme « Army 2020 Refine ». Alliant chenilles et roues dans une configuration inédite en outre-Manche, les Strike Brigades auront pour maître-mot la mobilité, nécessaire pour marcher à l’ennemi sur de grandes distances. Elles n’intègreront pas nativement d’artillerie automotrice, mais se verront en théorie assigner le soutien des 3e et 4e régiments d’artillerie royale, dotés de canons L118. Principale unité d’appui de l’armée britannique, l’artillerie royale devrait quant à elle décommissionner un tiers de ses AS-90 dans les années à venir, sans qu’un quelconque remplaçant n’ai été évoqué à ce jour.
 

La protection de l’équipage prioritaire pour l’armée britannique. Ici, le projet de RBSL unissant un châssis Man HX44M et un module d’artillerie Archer


 
« Les spécifications ne sont pas encore définies, nous sommes encore très en amont d’une éventuelle demande d’informations, » nous explique-t-on du côté de Nexter. L’utilisateur final n’ayant pas arrêté son besoin, il s’agit surtout pour les industriels de manifester un intérêt plutôt que de pousser une offre spécifique. « L’heure reste à l’observation, nous ne sommes pas en concurrence féroce, » ajoute le groupe versaillais. Pour ce dernier, il convient avant tout de mieux comprendre le client et ses exigences et de faire converger un certains nombres de solutions avec son principal partenaire européen, la France.
 
Pour autant, l’absence de RFI n’exclut pas de pouvoir fixer prudemment quelques orientations majeures. La simple évocation des systèmes présentés au salon DSEI confirme la domination du châssis à roues. Seul le système chenillé K9 Thunder du Coréen Hanwha fait figure d’exception, et avec un certain succès jusqu’à présent, ce modèle ayant déjà convaincu la Finlande, la Norvège, la Pologne et la Turquie. Robuste, peu onéreux à l’entretien mais surtout éprouvé au combat, le CAESAR aura une solide carte à jouer si le scénario d’une plateforme à roues se maintient. « Ce que l’on va regarder, ce sont les aspects liés au niveau de protection et quelles sont leurs exigences à ce sujet-là. Veulent-ils tirer sous protection, donc en cabine ou pas ? On s’adapte, on s’est déjà adapté au client danois et on peut tout à fait encore monter en puissance en terme d’innovation pour répondre à des exigences plus élevées, » souligne Nexter. Le scénario d’un tir en cabine, par exemple, nécessitera principalement de régler la question des effets de recul et de souffle pour faire en sorte que l’équipage soit protégé. « Rien d’impossible pour Nexter. Les Britanniques ne l’ont pas exigé pour l’instant mais nous sommes quand même en train d’y réfléchir, » confirme le groupe français.