Des systèmes C-sUAS pour la MINUSMA

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Le contingent allemand déployé au Mali devrait prochainement être doté de nouveaux moyens de lutte anti-drone. La Bundeswehr projette en effet l’achat de cinq systèmes C-sUAS (Counter-Small Unmanned Aerial System) fixes et de 30 fusils anti-drone destinés à protéger les troupes de la MINUSMA, révèlent deux annonces publiées le 1er décembre sur la plateforme européenne de marchés publics Ted.
 

Trois membres du contingent allemande déployé au sein de la MINUSMA (Crédit: Bundeswehr/Björn Kapfer)


 
Ces deux programmes d’achat, dont les budgets respectifs n’ont pas été dévoilés, visent à « améliorer la sécurité des troupes en les alertant et en contrant la menace à un stade précoce », précise la Bundeswehr. Ces deux systèmes sont destinés à lutter contre une seule et même menace: les drones de classe 1. Autrement dit, les micro, mini ou « petits » drones d’un poids maximal de 25kg. Hormis la date de remise des offres, fixée au 3 janvier, l’Allemagne n’a pour l’instant pas détaillé de calendrier précis concernant les essais et un déploiement futur dans la BSS. De fait, les deux systèmes sélectionnés devront être testés puis qualifiés, deux étapes essentielles menées au Centre technique de la Bundeswehr pour les armes et les munitions de Meppen (WTD 91), en Basse-Saxe.
 
C’est seulement après la réussite de cette phase préliminaire que Berlin actera l’achat des lots principaux ainsi que la signature d’un contrat de soutien pour une durée de un an. L’option retenue est celle d’une solution intégrée associant tant les capteurs actifs et passifs complémentaires, que des effecteurs portatifs, à savoir les fameux fusils anti-drone. Le système radar devra notamment assurer la détection et le suivi simultané « à une distance suffisante » de plusieurs cibles présentant une SER de 0,01m2. Il devra également être en mesure de discriminer les échos radar du bruit de fond ambiant, pour ensuite permettre une classification pertinente des différentes menaces. L’ensemble des données est automatiquement transmis aux opérateurs des fusils anti-drone, employés soit en coordination avec la suite de capteurs, soit de manière autonome. Enfin, l’effecteur portable « devra bloquer/brouiller de manière efficace et permanente » le drone dans un rayon et une gamme d’interférences déterminés en fonction de la menace. Cette arme pèsera un maximum de 10 kg et devra démontrer une autonomie de 10h en veille et de 1h en opération.
 
Étant donné l’environnement opérationnel extrêmement exigeant de la MINUSMA, les deux systèmes devront justifier les plus hauts degrés de robustesse et d’ergonomie. Outre une logique résistance à la poussière et au rayonnement solaire, l’ensemble des systèmes doivent pouvoir rester opérationnels 24/7 et ne nécessiter qu’un soutien logistique minimal. Enfin, le tout doit être aisément transportable par air, terre ou mer. Une fois acquises, ces nouvelles ressources complèteront le dispositif actuellement installé par la Bundeswehr, composé entre autres du système MANTIS et d’une tour de guet de 30 m équipée de capteurs et d’aérostats. Bien qu’étant parfaitement adapté à la lutte anti-aérienne, MANTIS, opérationnel depuis fin janvier, avait été déployé sans ses canons automatiques Oerlikon de 35 mm.
 
Inutile de dire que la classe de drones visée n’a pas été choisie au hasard. Peu chers et faciles à manier et à modifier, ces petits UAS ont rapidement été détournés de leur usage originel par les groupes terroristes pour devenir une « arme du pauvre » contre laquelle il n’existe pas encore de parade parfaite. Leur usage à des fins offensives est attesté dès 2012 par al-Qaida, puis s’est généralisé sur le front irako-syrien à partir de 2014, notamment durant le siège de Kobané par l’organisation État islamique. Cette tactique aura sans doute atteint son paroxysme en janvier 2018, lors de l’attaque coordonnée de 13 drones ayant visé les installations russes de Tartous et de Hmeimim. Une première du genre, qui n’a fait qu’exacerber le retard des armées européennes en matière de lutte contre ce type de vecteur. Un scénario inédit qui n’a, à présent, jamais été réédité par les groupes terroristes actifs dans la zone sahélo-saharienne. Jusqu’à la semaine passée et l’annonce par le président du Nigéria d’une utilisation des drones par le groupe Boko Haram. De là à ce que cette menace se répande dans toute la région, il n’y a qu’un pas que les groupes djihadistes chercheront à franchir.
 
Loin d’être un cas isolé, l’Allemagne rejoint une initiative menée dans d’autres armées d’Europe. Outre le Royaume-Uni et sa récente commande de systèmes DroneGuard auprès de l’israélien IAI, la France avait, elle, fait publicité de l’action de certains opérateurs EDSA au sein de Chammal, sur la BAP française en Jordanie. A contrario, les capacités françaises de lutte anti-drone sont jusqu’à présent restées très discrètes (voire inexistantes ?) sur Barkhane et l’ensemble de la BSS.
 
L’heure est donc à l’urgence car l’Allemagne reste l’un des principaux contributaires de la MINUSMA, avec près de 900 soldats présents à Camp Castor (Gao) jusqu’au 31 mai 2019. Présentée comme « l’opération la plus dangereuse de la Bundeswehr » par certains médias allemands, cette mission aura subi plus de soixante attentats depuis sa création en 2013, occasionnant la mort de plus d’une centaine de Casques bleus, malgré la signature d’un accord de paix entre le gouvernement malien et les groupes armés il y a plus de trois ans. La situation sécuritaire du Mali, et tout particulièrement dans la région de Gap, ne devrait pas s’améliorer à moyen terme. Ainsi, les élections gouvernementales maliennes, en mai prochain, devraient à leur tour apporter leur lot de tensions, alors que certains contributeurs rechignent à maintenir des troupes sur place. Le Canada, par exemple, a annoncé en novembre le retrait des 280 militaires et de la dizaine d’hélicoptères déployés depuis mi-juin. Ils seront remplacés en juillet 2019 par un contingent roumain.