Chez MBDA, une famille Akeron élargie aux munitions téléopérées

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Entre changements de nom et montée en maturité, MBDA structure lui aussi son offre de munitions téléopérées afin d’adresser un marché en évolution rapide. Des solutions issues de partenariats et dont la production commencera dès cette année pour l’une d’entre elles, annonçait le groupe européen la semaine dernière à l’occasion du salon SOFINS. 

Longtemps restées loin des projecteurs, les MTO proposées par MBDA s’exposent désormais au grand jour. Exit les concepts Sphinx, Mutant, Mutant XL et autre Raijin, place aux solutions Akeron RCX50, RCH 140 et RCH 170 ainsi qu’à cette MTO au look unique baptisée « Diamond Shaped ». Un changement de nom qui n’est pas sans rappeler la logique adoptée par KNDS France pour son offre Mataris : RC pour « Remotely Controled », H ou X pour le type de voilure, et 50, 140 ou 170 pour la longueur.

Si MBDA a choisi SOFINS pour lever un coin du voile, c’est avant tout parce qu’une partie de la gamme a su gagner en maturité. « Nous venons, il y a moins d’un mois, de réaliser un premier tir de munition téléopérée à charge active », annonçait MBDA durant SOFINS. C’était le 7 mars à Bourges sur le site de DGA Techniques terrestres avec l’Akeron RCX 50, cette munition de contact héritée de l’appel à projet Colibri de l’Agence de l’innovation de défense (AID). 

Avec ses 10 km de portée, l’Akeron RCX 50 s’oriente essentiellement vers le combattant débarqué. Compacte grâce à ses bras repliables, cette MTO conçue avec le droniste aixois Novadem ne pèse également que 2 kg. À l’intérieur, une tête militaire de quelques centaines de grammes conçue à partir d’une charge creuse et d’une charge à fragmentation. Une configuration inspirée de celle du missile Akeron MP et dont la capacité de pénétration sur un blindé léger s’avère  « non négligeable ». 

Solution complète, cette MTO vient accompagnée d’un simulateur d’entraînement dédié. Inspiré de celui du missile Akeron MP, il permet de déterminer des points de passage et de sélectionner la cible d’un simple clic avant de basculer sur le processus d’activation de la charge. Un processus de mise à feu que MDBA a voulu adaptatif et réversible. Non seulement l’opérateur peut redéfinir une cible ou un point d’impact, mais la charge peut être désactivée en cas d’annulation. La MTO sera donc récupérable, un challenge que MBDA s’est imposé dès l’appel à projet Colibri et malgré l’absence d’une telle exigence de la part des armées françaises.

Développer un drone en interne « prendrait trois fois plus de temps et coûterait trois fois plus cher », alors MBDA s’est systématiquement tourné vers un droniste pour trouver le vecteur sur lequel intégrer sa tête militaire et ses chaînes d’armement et de guidage terminal. Tous sont connus. Hormis Novadem, ce sont Delair pour les Akeron RCH 140 et RCH 170 et l’entreprise réunionnaise Fly-R pour la MTO Diamond Shaped. Dévoilée l’an dernier au salon Eurosatory, cette dernière est une solution d’opportunité davantage orientée vers la relocalisation industrielle résultante de « contrats pour de la production que l’on imagine au Moyen-Orient ». Aujourd’hui au stade du concept, elle relève avant tout d’ « un transfert de technologie, de compétence ».

L’Akeron RCX 50 à l’échelle 1/2, fruit d’un développement en spirale conduit avec Novadem et objet le mois dernier d’un premier tir avec charge active

Lancé dès 2022, donc avant le démarrage de Colibri et de Larinae, le concept MUTANT de MBDA est devenu l’Akeron RCH 140, une MTO dite « de contact élargi ». Cette « Switchblade en mieux » présentait néanmoins une portée de 20 km inférieure aux pré-requis de Larinae. « Nous avons fait un facteur d’échelle de ce que nous avions fait sur la RCH 140 pour aboutir sur la RCH 170 [ex-MUTANT XL]», indique le groupe français. Déjà embarqué sur MUTANT au titre de sous-traitant, Delair devient pour l’occasion un partenaire à part entière. En résulte un démonstrateur qui vole en continu depuis l’été 2024. 

Véritable « système d’arme » plutôt que « drone porteur de charge », la RCH 170 affiche un rayon d’action de 50 km pour une masse de 18 kg, contre 12 kg pour sa petite soeur. Orientée vers l’appui-feu, elle emporte une charge similaire à celle de l’Akeron LP, soit une charge fragmentation et deux charges creuses. Son « calibre » est d’ailleurs identique à celui du missile en cours de développement au travers du programme MAST-F. Une première application avait d’ailleurs été présentée en juin dernier au salon Eurosatory depuis un lanceur polyvalent intégré au système Ground Warden. De là à imaginer un lancement depuis, au hasard, un hélicoptère Tigre, il n’y aurait qu’un pas à franchir.

Des tirs inertes sur cibles fixe et mobile sont prévus à l’été prochain pour la RCH 170, de même que des tirs armés mais en statique « pour vérifier la performance de la charge dans la cellule ». Larinae est toujours en cours, mais MBDA a décidé d’aller un peu plus loin en développant une chaîne de guidage ad-hoc et en progressant sur la coopération entre MTO. En meute ou en essaim, la MTO deviendra à terme un élément d’un scénario complexe visant, par exemple, à saturer la défense sol-air adverse. Qu’importe sa taille, la meute sera hétérogène pour MBDA. Selon la mission et l’adversaire, elle sera composée de MTO armées ou inertes, de leurres, de drones de guerre électronique, de relais de transmission, etc. L’intelligence artificielle y aura un rôle à jouer pour garantir la meilleure coordination mais aussi pour faire de la détection-reconnaissance-identification (DRI) automatique, des briques pour lesquelles MBDA pourra miser sur sa start-up NEODE Systems créée en 2024. 

Si l’Akeron RCX 50 n’a pas été retenue pour l’appel d’offres « MTO CP » lancé l’an dernier par la Direction générale de l’armement, « nous avons décidé au dernier trimestre 2024 de faire un gros effort de financement pour finir le développement ». Ce jalon sera atteint d’ici la fin de l’année, moment également choisi pour préparer l’entrée en production. Des premières livraisons seront envisageables en 2026. Après les tests, la RCH 170 devrait à son tour entrer en production l’an prochain. MBDA a d’emblée pris en compte la question de la masse en s’appuyant sur l’intégration la plus simple possible des différents composants. Une démarche engagée dès Colibri et Larinae et facilitée par la récupération d’un maximum de briques disponibles en interne, à l’exemple du calculateur et des charges hérités des missiles Akeron. Pour RCX 50, cela revient à être en mesure d’en produire « des centaines par mois ». Et si MBDA n’est pas encore prêt pour cette bascule, l’industriel y travaille sans exclure de s’adosser à un tiers du secteur civil pour augmenter les cadences si les clients et les échéances l’exigent. 

Qu’importe le segment, il s’agira d’être à l’heure pour répondre à « un besoin France exprimé et très clair ». D’autres opportunités arrivent derrière le marché MTO CP. Les armées françaises privilégient en effet une démarche itérative par laquelle la compétition sera régulièrement relancée pour s’assurer de disposer du modèle le plus pertinent. « Tous les trois ans, les forces exprimeront de nouveaux besoins », estime MBDA. À l’autre bout du spectre, le sujet des MTO longue portée « bouge beaucoup depuis janvier ». L’émission d’une demande d’information est désormais pressentie par la filière industrielle, cette fois pour des munitions capables d’atteindre une cible à plusieurs centaines de km.